Fils de Louis VIII, roi de France, et de Blanche de Castille, Charles avait reçu en apanage le comté d’Anjou ; son hymen avec Béatrix, quatrième fille de Raymond Bérenger, lui valut le comté de Provence, au préjudice des trois sœurs de Béatrix, qui toutes avaient épousé des rois. Le bandeau royal devait ceindre également la tète de Charles.
Lorsque le pape Innocent IV voulut chasser la maison de Souabe du royaume de Naples, dont le saint Siège avait la suzeraineté, il omit d’abord le sceptre des Deux-Siciles à Richard, frère de Henri III, roi d’Angleterre ; sur le refus du prince, il le garda pour lui. Ce n’était pas tout de le garder, il fallait commencer par le prendre ; or, voyant qu’il n’y parviendrait jamais, Innocent l’offrit encore à Charles d’Anjou. Cette fois il fut accepté ; mais un trépas soudain lui ravit le plaisir devoir ses plans réalisés. Alexandre IV, Urbain IV en recueillirent l’héritage, et n’eurent pas plus de bonheur que lui.
« Voilà trois papes, dit Voltaire, qui consument leur vie à persécuter Manfreddo (Mainfroi, fils naturel de l’empereur Frédéric II) ; un Languedocien, Clément IV, sujet de Charles d’Anjou, termina ce que les autres avaient entrepris, et eut l’honneur d’avoir son maître pour vassal. Ce comte d’Anjou, Charles, possédait déjà la Provence par son mariage, et une partie du Languedoc ; mais ce qui augmentait sa puissance, c’était d’avoir soumis la ville de Marseille. Il avait encore une dignité qu’un homme habile pouvait faire valoir, c’était celle de sénateur unique de Rome ; car les Romains défendaient toujours leur liberté contre les papes. Ils avaient depuis cent ans créé cette dignité de sénateur unique, qui faisait revivre les droits des anciens tribuns ; le sénateur était à la tête du gouvernement municipal, et les papes, qui donnaient si libéralement des couronnes, ne pouvaient mettre un impôt sur les Romains : ils étaient ce qu’un électeur est dans la ville de Cologne. Clément ne donna l’investiture à son ancien maître qu’à condition qu’il renoncerait à cette dignité au bout de trois ans, qu’il paierait trois mille onces d’or au saint Siège, chaque année, pour la mouvance du royaume de Naples, et que, si jamais le paiement était différé de plus de deux mois, il serait excommunié. Charles souscrivit aisément à ces conditions et à toutes les autres. Le pape lui accorda la levée d’un décime sur les liens ecclésiastiques de France. Il part avec de l’argent et des troupes, se fait couronner à Rome, livre bataille à Mainfroi dans les plaines de Bénévent, et est assez heureux pour que Mairifroi soit tué en combattant. (Voy. 26 février 1266.) II usa durement de la victoire, et parut aussi cruel que son frère saint Louis était humain. Le légat empêcha qu’on ne donnât la sépulture A Mainfroi. Les rois ne se vengent que des vivants ; l’Eglise se vengeait des vivants et des morts. »
Une fois proclamé roi des Deux-Siciles, Charles accabla ses nouveaux sujets d’impôts et de vexations ; son sceptre leur parut plus dur que celui de leurs anciens maîtres. Le jeune Conradin, neveu de Mainfroi, dernier rejeton de la maison de Souabe, s’arma pour délivrer le peuple qui l’invoquait : il périt sur un échafaud. (voy. 26 octobre 1268.)
Le châtiment de ce crime célèbre se fit attendre quatorze ans ; mais il fut épouvantable, et ne tomba pas seulement sur celui qui l’avait commis. Les Vêpres Siciliennes, en renversant le trône de Charles, inondèrent la Sicile de sang français. (voy. 30 Mars 1282.) Vainement Charles essaya-t-il de relever sa puissance : toutes ses expéditions furent malheureuses. Vainement appela-t-il en champ clos son successeur, Pierre d’Aragon, qui manqua au rendez-vous ; la mort le surprit à Bordeaux, méditant de nouvelles entreprises et déguisant mal son humiliation. Charles d’Anjou était né l’an 1220 ; il avait suivi saint Louis dans ses deux croisades, et dans la première il avait partagé sa captivité.
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