« Un homme dit : Je passerai la mer, je dépouillerai mon père de son patrimoine ; je le chasserai, lui, sa femme, son héritier, de ses terres et de ses états ; et comme il l’a dit, il l’a fait. » C’est ainsi que La Bruyère caractérise l’entreprise du prince d’Orange contre son beau-père Jacques II, roi d’Angleterre ; il ne la juge que sous les rapports de famille qui unissaient l’usurpation à la légitimité. Il a tort, quant à Guillaume III ; il a raison, quant à Marie II.
Marie était la propre fille du roi Jacques ; elle était femme, et elle oublia toute dignité, toute décence dans une position qu’elle n’était pas maîtresse de refuser peut-être, mais qu’elle devait chercher à se faire pardonner. Au contraire, en touchant le seuil du palais que venait de quitter son père, elle se livra aux éclats d’une gaîté scandaleuse ; les courtisans et le peuple furent indignés.
Quand on étudie l’histoire, on se récrie à chaque instant sur la vanité des combinaisons humaines : Marie n’avait que quinze ans lorsque le prince d’Orange vint faire en personne la demande de sa main. Jacques II, alors duc d’York, témoignait l’aversion la plus prononcée pour l’union de sa fille avec un prince protestant ;
Charles II son frère, la désirait avec ardeur ; il se persuadait que cette alliance serait considérée comme une réfutation énergique des bruits qui l’accusaient de vouloir renverser l’Eglise établie. Il y voyait pour sa nouvelle dynastie un gage de stabilité : c’est de là que vint sa ruine.
Un bill de la Convention nationale plaça la couronne sur la tète du prince et de la princesse d’Orange, en réservant au prince seul l’exercice du pouvoir royal. Marie en reçut le dépôt pendant la campagne d’Irlande, et elle en usa pour frapper tout ce qui avait été pour son père un objet d’affection. Au bout d’un règne de six ans, la petite vérole enleva Marie dans sa trente-troisième année. Quelques auteurs pensent que toute sa vie fut un rôle ; elle aurait pu le remplir plus dignement. Guillaume III, dont la froideur est connue, joua une scène lorsqu’il apprit la mort de sa femme ; il montra un désespoir si violent, que personne ne voulut croire à sa sincérité. (voy. 2 Janvier 1689.)
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