C’est vers 1510 qu’embourbé dans un chemin aveyronnais, un charretier implora le Ciel de lui venir en aide et fut témoin, ainsi que toutes les personnes venues lui prêter main forte, de l’apparition d’un saint cortège composé de la Vierge et des douze apôtres, procession en hommage de laquelle fut dix ans plus tard élevée une chapelle
Au commencement du XVIe siècle, un charretier de Villefranche-de-Rouergue, au diocèse de Rodez, voyait, près de cette ville, les roues de son chariot s’enfoncer profondément, dans le sol détrempé d’un chemin traversé par les eaux d’une source minérale, et ses chevaux dans l’impossibilité de tirer de là le lourd véhicule. Il avait beau les animer de la voix, les exciter par le fouet ; c’était peine perdue.
Même le secours d’un nombreux groupe d’hommes, accourus au bruit de ses cris et de ses claquements, ne servait de rien. Alors, devant l’inutilité de tant d’efforts réunis, le charretier, qui, chose digne de remarque, n’avait proféré aucun juron, tomba à genoux et invoqua la bénie Vierge Marie.
Son appel fut entendu et sa confiance, magnifiquement récompensée. Comme il achevait sa prière, il eut, avec plusieurs de ceux qui étaient présents, une vision merveilleuse. Une lumière céleste brilla soudain à ses yeux, du côté de l’orient, et la Mère de Dieu, suivie du cortège des douze apôtres, parut devant lui. Les saints personnages passèrent sur les treize pierres qui, dans les abondances d’eau, servaient aux piétons à franchir ce mauvais pas. Après quelques instants, ils disparurent vers l’occident, à l’endroit où s’élève la chapelle qui remémore cette merveille.
Lorsque, sorti de son ravissement, le charretier se releva, il vit, avec un étonnement mêlé de joie, son char et son attelage dégagés du bourbier. Arrivé à Villefranche, il se rendit, accompagné de douze témoins du prodige, devant les échevins de la ville, à qui tous déclarèrent, sous la foi du serment, ce qu’ils avaient vu. Ces magistrats, et le peuple tout entier avec eux, dès qu’il eut connaissance de la merveilleuse nouvelle, sollicitèrent de l’évêque de Rodez une enquête sur l’événement.
Fresques de la chapelle Notre-Dame des Treize-Pierres (Villefranche-de-Rouergue) |
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Le prélat interrogea les témoins dont les dépositions, parfaitement concordantes, furent confirmées par plusieurs faits extraordinaires, notamment par la guérison d’un sourd-muet. Ne pouvant, dès lors, avoir le moindre doute sur la réalité de l’apparition, l’évêque se rendit au vœu du peuple, en bénissant la première pierre d’une chapelle commémorative. Celle-ci enchâssa dans ses murs, comme autant de joyaux, les treize pierres sur lesquelles la divine Vierge avait passé, et emprunta son nom de cette circonstance.
Fréquenté d’abord par les habitants de Villefranche, ce sanctuaire le fut bientôt par ceux du Rouergue et de l’Aquitaine. En 1520, dix ans après sa fondation, trente-deux paroisses s’y trouvèrent réunies, pour implorer la protection de Notre-Dame des Treize-Pierres contre la peste, qui s’arrêta aux limites des paroisses suppliantes. Mais en 1561, les Huguenots le brûlèrent, après l’avoir pillé, et il ne se releva que trente ans plus tard, quand la conversion de Henri IV eut ramené des jours meilleurs.
La peste reparut en 1628 et fit d’affreux ravages à Villefranche et aux alentours. Grâce pourtant à la persévérance des supplications adressées à la bonne Vierge, le mal diminua et, le lendemain de l’Assomption, au moment où s’achevait une procession votive, il disparut tout d’un coup.
A la Révolution, la chapelle de Notre-Dame des Treize-Pierres devint un magasin à fourrages. Rouverte en 1854, on y adjoignit un orphelinat confié à des religieux, et son pèlerinage reprit faveur.
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