Zoom sur ces entreprises, nées au siècle dernier, qui participent, encore aujourd’hui, au dynamisme économique de la région. Elles ont grandi, évolué, tantôt en respectant les traditions, tantôt en s’adaptant aux évolutions technologiques. Les Broderies Dervaux sont l’une d’elles.
Dînerez-vous un jour à la table d’Abdallah ben Khalifa Al Thani, le prince qatari propriétaire de l’hôtel Lambert à Paris ? Alors il faudra jeter un œil à la nappe : elle est partie de Roubaix il y a quelques jours. Une autre, tout juste sortie des machines des Broderies Dervaux, a pris la direction du sultanat d’Oman. « Il n’y a plus qu’eux pour acheter français ! Mais c’est la première fois que j’ai reçu un coup de fil de leur part pour savoir si c’était bien moi qui brodais ! » On ne badine pas avec le luxe, le très grand luxe parfois, qui fut et est encore en grande partie l’âme de cette entreprise, née dans la cité de la Laine en 1878.
Au départ « un excellent teinturier »
Dans la ville du textile par excellence, Pierre-Joseph Dervaux, « un excellent teinturier à l’origine, achète sa machine à broder à bras, juste deux ans après son invention », raconte Dominique Monclercq. Patron actuel de l’entreprise, il n’est pas descendant de la famille Dervaux. Mais originaire de Villers-Outréaux, où l’on comptait les métiers par centaines, « mes deux grands-pères, mon père et mes frères étaient dans la broderie ». Et c’est lui qui porte l’histoire de cette entreprise où rien n’a bougé ou presque.
L’atelier, initialement installé au fond du jardin, a juste empiété il y a plus d’un siècle sur la pelouse familiale. Les métiers ont évolué, capables de broder deux fois 13,80 mètres d’un coup. L’informatique n’a pas tout balayé. Sans cela, impossible de garder cet aspect unique, qu’on dirait « fait main ».
45 000 motifs dessinés depuis l’origine
Très tôt liées au monde de la haute couture, les Broderies Dervaux ont travaillé pour les plus grandes maisons : Dior, Chanel, Cardin... « Aujourd’hui, je ne crée plus pour elles, mais je me tiens à leur disposition... » Et dans l’atelier, entre des nappes et des draps délicatement brodés de quelques-uns des 45 000 motifs dessinés depuis l’origine, on trouve des prototypes élaborés il y a quelques mois pour ces grandes griffes parisiennes... Mais, c’est surtout sur le linge de maison et le sur-mesure que l’entreprise de Dominique Declercq se concentre.
Et surtout sans négliger la qualité des matières premières : un fil de haute qualité, un tissu des nappes « tissé en France, juste pour nous », et de l’éponge, pour le linge de toilette, fournie par une des trois meilleures marques, que les Broderies Dervaux personnalisent sur des machines à part. Rien n’est trop beau quand on fait des serviettes « avec les broderies de la couleur exacte de la salle de bains ». Un raffinement que l’entreprise s’attelle à rendre accessible au plus grand public, sous sa marque, avec des produits plus abordables.
En quelques dates
1878 : Pierre-Joseph Dervaux, chef de fabrication dans une teinturerie, se met à son compte et achète sa première machine à broder. L’entreprise affiche sa singularité en travaillant avec le peintre Eugène Delclercq, qui fait radicalement évoluer le style de ses créations. L’entreprise passe de mains en mains dans la famille : Henriette Dervaux en 1906, puis son fils Gaston Duhaut. Ses enfants Jean et Christiane lui succèdent.
1994 : Jean-Pierre Duhaut décède brutalement ; l’entreprise est en redressement judiciaire. Dominique Monclercq, issu d’une famille de brodeurs de Villers-Outréaux, rachète la société.
2001 : Le musée La Piscine ouvre. Voisin des Broderies Dervaux, il participe à sa notoriété.
2010 : Les Broderies Dervaux ouvrent leur magasin d’usine là où, en 1878, l’atelier a été créé. Elles y vendent notamment du linge de maison orné de broderies créées par l’entreprise.
Site web : http://www.broderies-dervaux.fr
Marc Grosclaude
La Voix du Nord
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