Célèbre pour ses pièces décorées de prénoms, elle a failli mourir il y a quatre ans. Jean-Pierre Le Goff, un dirigeant de l’aéronautique, a redressé la barre.
Impossible de passer quelques heures dans la petite ville bretonne de Quimper, située dans le sud du Finistère, sans faire un saut à la faïencerie Henriot. Fondée en 1690, elle fait partie du patrimoine local. A l’époque, son implantation était justifiée par la présence d’argile à profusion, le passage d’une rivière et de grands bois pour le combustible. Sans oublier une main-d’œuvre bon marché dans une Bretagne souvent misérable.
Les célèbres bols quimpérois décorés de motifs bretons et ornés des prénoms |
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Depuis le XVIIe siècle, Henriot est passé par des aventures joyeuses et parfois difficiles. En 1983, l’entreprise, marquée par les difficultés économiques, dépose son bilan. Elle est rachetée à la barre du tribunal par l’homme d’affaires nord-américain Paul Janssens, qui était l’importateur exclusif outre-Atlantique des biscuits et autres pièces de faïencerie de l’entreprise quimpéroise. « Pendant vingt ans, je suis venu deux semaines par mois à Quimper », se souvient Paul Janssens, qui a cédé en 2003 l’entreprise à Pierre Chiron, un homme d’affaires de la région. En 2011, nouvelle année noire pour la faïencerie, qui est contrainte à la liquidation.
Dirigeant dans le secteur aéronautique, Jean-Pierre Le Goff décide de faire une offre de reprise auprès du tribunal de commerce de Quimper. Il possède depuis des années une maison de vacances dans la région. C’est son fils qui l’a alerté sur la situation d’Henriot. « Contre toute attente, indique-t-il j’ai été le seul à présenter un dossier, monté en seulement quelques jours. » Il reprend l’affaire pour 250.000 euros.
Faïencerie Henriot : un atelier de peinture au début du XXe siècle |
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À la tête de l’atelier depuis maintenant quatre ans, il a totalement revu la stratégie de l’entreprise sans pour autant modifier « son âme et son savoir-faire ancestral », confie Jean-Pierre Le Goff. L’homme a conservé ses activités dans l’aéronautique, où il préside trois entreprises. Les assiettes, les célèbres bols de petit déjeuner décorés de motifs bretons et ornés d’un prénom continuent d’être fabriqués dans « la manufacture », comme aime à l’appeler son dirigeant. Les étapes de la fabrication restent identiques à celles du début. Les décorations sont toutes réalisées à la main.
Revoir le modèle de commercialisation
Mais Henriot n’est plus ce qu’il était. La faïencerie emploie une vingtaine de salariés. Ils étaient plus de 140 il y a moins de dix ans. « L’art de la table a beaucoup souffert et il reste très peu de détaillants », continue Jean-Pierre Le Goff. Il a donc totalement revu le modèle de commercialisation de l’entreprise. « Outre les ventes sur Internet, j’essaie de faire venir à Quimper les clients potentiels, les Français et aussi beaucoup les étrangers » à qui il fait visiter les 7.000 mètres carrés comprenant l’atelier de production, le stock des produits finis et le grenier de la fabrique, où s’entassent 10.000 moules et modèles, certains très anciens. Pour attirer les visiteurs, Jean-Pierre Le Goff a investi plus de 1,5 million d’euros dans l’achat à la ville du bâtiment de la manufacture et dans sa réhabilitation. Le résultat est probant. La belle bâtisse aux pierres de taille, poutres et linteaux de chêne, à deux pas du centre-ville historique de Quimper, a retrouvé de sa superbe.
Faïencerie Henriot : un atelier de moulage au début du XXe siècle |
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Pour diversifier sa clientèle, Jean-Pierre Le Goff a également créé une salle de séminaires d’une cinquantaine de places. Quant à la boutique, elle met en exergue les collections du moment. Certaines restent très classiques, « car il y a encore une demande pour les produits de l’art breton traditionnel », d’autres sont plus contemporaines, comme ces assiettes aux motifs des recettes à base de légumes du chef parisien Alain Passard. Des artistes locaux sont aussi invités à créer des modèles, comme Patrice Cudennec, qui s’inspire des peintres de l’école de Pont-Aven, voisine de Quimper.
Selon son dirigeant, « la faïencerie a retrouvé l’équilibre financier et dégage un peu de bénéfices », même si le pari n’est pas encore totalement gagné. L’objectif est aujourd’hui de faire venir la clientèle chinoise. « La faïencerie, c’est comme la marée basse en Bretagne, elle ne s’exporte pas, il faut se déplacer pour la voir », conclut Jean-Pierre Le Goff.
Site web : http://www.henriot-quimper.com/
Stanislas du Guerny
Les Échos
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