C’est toi qui es représenté dans ce récit
Horace (liv. I, satire Ire., v. 69), après avoir peint la folie de l’avare, qu’il compare à Tantale, s’interrompt pour dire à son interlocuteur supposé : Quid rides ? Mutato nomine, de te fabula narratur (Tu ris ? Change le nom, ce sera ton histoire).
Boileau, voulant traduire ce passage d’Horace, avait mai réussi. Il consacrait six vers à rendre les deux du poète latin. Desmarest proposa de substituer à la paraphrase traînante de Boileau le distique suivant : Tantale dans un fleuve a soif et ne peut boire ; tu ris, change le nom, la fable est ton histoire. Boileau dédaigna le présent que lui offrait son critique, et biffa héroïquement tout le passage.
Le fameux Berckley a écrit un petit ouvrage intitulé : The minute philosophers, pour prouver que l’idée de l’existence des corps n’est qu’une illusion, et sur le frontispice du livre il a fait graver une vignette dans laquelle un enfant, se regardant dans une glace, s’efforce de saisir son image ; au bas, le lecteur, qui a ri de cette illusion de l’enfant, trouve ces paroles : Quid rides, mutato nomine, de te fabula narratur. Cette allusion répond à la manière tout à fait spirituelle dont le sujet est traité dans l’ouvrage, chef-d’oeuvre de déraison, mais aussi modèle de discussion.
« Lorsque l’on joua pour la première fois les Châteaux en Espagne, de Collin d’Harleville, on était en 89, et la France tout entière semblait, à ce moment, possédée de la manie de rêver. Si le parterre eût sifflé, l’auteur eût pu lui répondre avec autant d’à-propos que de raison : Mutato nomine, de te fabula narratur. » (SAINT-MARC GIRARDIN)
« C’est notre propre cause qu’on plaide devant le jury ; et quand, après son acquittement ou sa condamnation, nous suivons, au sortir de l’audience, curieusement l’accusé des yeux, c’est nous-mêmes qu’instinctivement nous ne sommes pas fâchés de regarder passer : Mutato nomine, de te fabula narratur. » (MOREAU, Le Siècle)
« Dans un charmant éloge d’un de ses collègues à la Faculté des lettres, M. Saint-Marc de Girardin écrivait, il y a quinze ans : « Il n’y a pas un père de famille qui regrette que son fils l’ait entendu ; pas un jeune homme qui ne souhaite encore à ses enfants le guide qu’il a rencontré lui-même. M. Lacretelle n’a jamais été applaudi que par les bons sentiments de la jeunesse. Ses élèves l’ont beaucoup aimé, mais en l’estimant toujours. Ce sont là les joies et l’honneur du professorat. » Mutato nomine, de te fabula narratur, pourrait-on dire à M. Saint-Marc Girardin. » (H. RIGAULT)
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