La tour Eiffel, bâtie pour l’Exposition universelle de 1889, est certainement le monument le plus célèbre au monde, juste après la grande pyramide de Gizeh. Malheureusement, il y a erreur sur la personne. Celui qui a tracé la première esquisse de la Dame en fer n’est pas Gustave Eiffel, mais un de ses ingénieurs, un certain Maurice Koechlin.
La tour... Koechlin n’est pas sortie d’un chapeau comme un lapin magique. Bien avant 1889, les ingénieurs du XIXe siècle rêvaient déjà d’élever une tour géante, en fer ou en fonte. Par exemple, à l’occasion de l’Exposition universelle de Philadelphie de 1876, les deux Américains Clarke et Reeves proposèrent d’élever un pylône cylindrique en métal haut de 1 000 pieds et de 9 mètres de diamètre, maintenu par des haubans. Faute de crédits, ils durent y renoncer.
Un concours public sur mesure
En 1884, deux ingénieurs de la société Eiffel, Maurice Koechlin et Émile Nouguier, imaginent une tour très haute pour être le clou de la prochaine Exposition universelle de Paris. Koechlin dessine un grand pylône constitué de quatre piles courbes se rejoignant à 300 mètres de haut et reliées par cinq plateformes tous les 50 mètres. Sans être enthousiaste, Gustave Eiffel autorise ses deux ingénieurs à peaufiner leur projet. Ceux-ci montrent leur tour à l’architecte Stephen Sauvestre, qui la redessine entièrement, pour aboutir à celle que l’on connaît. Emballé, Gustave Eiffel fait breveter le projet à son nom et à celui des deux ingénieurs et, deux mois plus tard, rachète leurs droits, en s’engageant, en contrepartie, à associer leurs deux noms au sien.
Vue générale de l’Exposition universelle de 1889 |
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Le ministre du Commerce et de l’Industrie, à qui Eiffel présente le projet, se montre enthousiaste. Il lui faut absolument cette tour dans « [son] Exposition universelle ». Mais tout édifice doit être attribué après un concours public. Impossible d’en passer directement commande à la société Eiffel ! Pour contourner cet obstacle, la description de la tour désirée est quasiment dictée par Eiffel : « Les concurrents devront étudier la possibilité d’élever sur le Champ-de-Mars une tour en fer à base carrée, de 125 mètres de côté à la base et de 300 mètres de hauteur... » Les éventuelles entreprises intéressées ayant moins d’un mois pour présenter leur projet, autant dire que Gustave Eiffel l’emporte dans un fauteuil. On lui demande simplement d’améliorer le système d’ascenseurs.
Bar, restaurant, imprimerie et labo météo
Quelques mots sur le choix d’implanter la tour en bordure de Seine, où le terrain est gorgé d’eau. À l’origine, il avait été question de la bâtir au sommet de la colline de Chaillot, pour lui faire gagner 25 mètres d’altitude, mais le sous-sol est bourré de carrières. Reste le Champ-de-Mars. Seulement, l’armée, qui l’utilise pour ses manoeuvres, veut le récupérer après l’exposition. Voilà pourquoi il a fallu se rabattre sur la bande de terre longeant la Seine, qui, elle, appartient à la Ville de Paris.
On ne va pas refaire toute l’histoire de la construction, mais simplement signaler quelques faits. Le vent a très peu de prise sur l’édifice. Des rafales extrêmes de 180 km/h ne déplacent le sommet que de 9 centimètres, soit deux fois moins que le déplacement découlant de la dilatation du métal soumis aux rayons solaires. À l’ouverture, le premier étage accueille un restaurant français, un bar américain, plusieurs bureaux de tabac et des stands de photographes. Le deuxième étage propose des magasins de souvenirs, une buvette et une imprimerie pour tirer une édition spéciale du Figaro. Le public peut enfin accéder au troisième étage pour découvrir la vue. Gustave Eiffel y a également casé trois laboratoires pour la météorologie, l’astronomie et la physiologie.
Quand la tour atteint 300 mètres le 31 mars 1889, Eiffel l’inaugure avec des officiels de la Ville de Paris. Ceux-ci doivent grimper à pied les 1 710 marches, puisque les ascenseurs ne sont pas encore en fonction. Même punition pour le public qui accède à la tour le 15 mai, neuf jours après l’ouverture de l’Exposition. Les ascenseurs n’entameront leur noria qu’une semaine plus tard. Durant les six mois de l’exposition, 1,95 million de visiteurs escaladeront les trois étages. La tour « Koechlin » restera le bâtiment le plus haut du monde jusqu’à l’édification du Chrysler Building à New York en 1930.
Frédéric Lewino
Le Point
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