Le mot publié ne revient plus
Horace (Art poétique, v. 390) conseille à Pison de garder son ouvrage neuf ans avant de le faire paraître, car, dit-il, on rature à loisir la page inédite, mais le mot publié ne revient plus.
S’il en était ainsi du temps d’Horace, combien cette vérité n’est-elle pas devenue plus vraie encore depuis la découverte de l’imprimerie ! Si nous ne craignions de rouvrir des blessures à peine fermées, nous n’aurions que l’emtbarras du choix parmi les trop grosses erreurs que l’invention de Gutenberg a rendues ineffaçables. Ô vous qui relisez vos pages écrites jadis trop rapidement, nouveaux Orphées, c’est en vain que vous rappelez Eurydice : Nescit vox missa reverti.
« M. Lirou, dans les Mandragores, se heurte par hasard à Bossuet et trébuche. C’est sans doute le trouble et le saisissement qui le renversent. Il est de ces mots dangereux qu’on laisse échapper sans le vouloir, et qu’on voudrait bien ressaisir, dès que l’émission leur a donné un corps, une figure déterminée. Horace a prévu le cas et noté l’impossibilité de rappeler la parole malencontreuse : Nescit vox missa reverti. » (Revue de Paris)
« La facilité de reproduire les fruits de ses veilles rend un auteur moderne moins scrupuleux sur les négligences de sa première composition. Pressé de se jeter dans le public, d’éprouver l’opinion, d’occuper la renommée, il passe sur bien des fautes qu’il remet à corriger dans une autre édition. Cet espoir était moins fondé chez les Anciens, ils n’en étaient que plus circonspects, et tâchaient de se montrer de prime abord tels qu’ils voulaient toujours être. Pour eux, principalement, ce proverbe était plein de vérité : Nescit vox missa reverti. » (Dictionnaire de la Conversation)
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