Justice excessive devient injustice
Phrase de Cicéron. - « La justice, dit Montesquieu, consiste à mesurer la peine à la faute, et l’extrême justice est injustice lorsqu’elle n’a nul égard aux considérations raisonnables qui doivent tempérer la rigueur de la loi. » Cette pensée est le résumé de toute la doctrine de cet immortel publiciste sur la composition des lois. Il a posé en principe que l’esprit de modération doit être celui du législateur.
« La justice, n’est pas toujours inflexible et ne montre pas toujours un visage sévère. Elle doit être exercée avec quelque tempérament, et elle-même devient inique et insupportable quand elle use de tous ses droits. La droite raison, qui est son guide, lui prescrit de se relâcher quelquefois, et la bonté qui modère sa rigueur extrême est une de ses parties principales... La justice est établie pour maintenir la société parmi les hommes. La condition pour conserver parmi nous la société, c’est de nous supporter mutuellement dans nos défauts... La faiblesse commune de l’humanité ne nous permet pas de nous traiter les uns les autres en grande rigueur. »
Voltaire a dit : Qui n’est que juste et dur, qui n’est que sage et triste.
Le fameux parasite Montmaur fit une application plaisante de ce texte latin. Un jour qu’il dînait chez le chancelier Séguier, il eut son habit tâché par du jus qu’un domestique y laissa tomber en desservant, et comme il soupçonnait le magistrat d’être l’auteur de cette mauvaise plaisanterie, il dit en le regardant : « Summum jus, summa injuria. »
« M. Joseph de Maistre a trop oublié dans ses lettres sur l’Inquisition que, là où il s’agit de sang versé et de tortures, la discussion est extrême, le summum jus a tort. » (SAINTE-BEUVE)
« Plusieurs des jugements d’Horace seront à discuter peut-être à contester. Il a quelquefois traité ses prédécesseurs, Lucilius d’abord, et ensuite la plupart des autres poètes de l’ancien temps, avec cette justice rigoureuse dont on peut dire : Summum jus, summa injuria. » (PATIN)
« De l’aveu même des jurisconsultes, rien de plus injuste, et conséquemment de plus contraire à la morale, que le droit, s’il était rigoureusement observé : Summum jus, summa injuria. » (D’HOLBACH)
« La doctrine du rationalisme pur, de la morale purement rationnelle, est complètement insuffisante : elle peut expliquer tout au plus la justice stricte et rigoureuse ; elle est incapable de s’élever au dévouement et de le comprendre. Toutes les doctrines morales du rationalisme ne vont pas au delà du droit strict. Or summus jus, summa injuria. » (BAUTAIN)
Copyright © LA FRANCE PITTORESQUE
Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.