Le moulin à couleurs d’Ecordal, dans les Ardennes, est la dernière fabrique de pigments en France. Il extrait une terre riche en oxyde de fer, la « terre de Sienne des Ardennes », pour produire 45 teintes différentes.
Niché au cœur de la nature ardennaise, à Ecordal, le moulin à couleurs produit depuis 150 ans des pigments minéraux naturels aux multiples utilisations, de la restauration de l’abbaye du Mont-Saint-Michel à la reconstitution de la grotte Chauvet. Une activité unique en France. « Nous travaillons aussi bien avec un peintre qui a besoin d’un pot de 200 grammes qu’avec un industriel qui veut acheter 24 tonnes », sourit Emmanuel Poix, gérant de cette fabrique qui emploie six salariés.
Le moulin à couleurs, bâti en 1866 en bordure de la rivière de la Foivre, vend 80 teintes de pigments minéraux, dont 45 teintes naturelles qu’il produit. C’est la dernière entreprise du pays à transformer les terres colorantes, des « terres argileuses comportant de l’oxyde de fer, qui donne le pouvoir colorant ». « Avec une tonne de terre sortie de la carrière, nous produisons 700 kg de pigments », calcule M. Poix, ex-comptable qui a plongé ses mains dans la couleur pour reprendre l’entreprise paternelle en 2002.
© Crédit photo : Moulin à couleurs d’Ecordal (Ardennes) |
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De la roue à aube à l’électricité
Les pigments sont utilisés dans le bâtiment, l’artisanat et l’art, dans des domaines aussi spécifiques que la dorure, la céramique et le vitrail, ainsi que dans « des niches comme l’éco-construction et la restauration du patrimoine ». « Ils ont servi à la restauration de l’abbaye du Mont-Saint-Michel, des châteaux de Sedan et de Lunéville, et même de la grotte Chauvet », énumère Emmanuel Poix, dont l’entreprise a obtenu en 2010 le label national Entreprise du patrimoine vivant.
« On utilise des pigments pour les joints extérieurs en les mélangeant avec de la chaux et du sable afin de retrouver la couleur d’origine des murs et donner une impression d’ancien », confirme le propriétaire du château de Charbogne, un édifice ardennais datant du XIIe siècle devenu gîte de charme.
La renommée de la fabrique, implantée dans le creux d’un vallon à quelques kilomètres du village d’Ecordal et dont le chiffre d’affaires tourne autour de 400 000 €, s’établit aussi à l’international : « L’export vers des pays européens comme l’Espagne, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la Scandinavie représente 25 % de notre activité », précise ainsi Emmanuel Poix. Elle fournit aussi les particuliers et accueille régulièrement le grand public comme lors de ses 150 ans, fêtés début juillet.
Le moulin à couleurs fonctionnait initialement grâce à une roue à aube, délaissée au profit de la fée électricité dans les années 50, alors qu’à l’intérieur des bâtiments, les murs n’ont pas changé et se sont recouverts d’une épaisse couche de rouge, jaune ou noir suivant le pigment travaillé dans la pièce.
Plus fin que la farine
Les Ardennes comptèrent jusqu’à douze fabriques comme celle-ci en raison de la présence de la terre de Sienne des Ardennes, nommée ainsi car de la même couleur que la terre italienne. Même si l’entreprise importe de l’ocre de Bourgogne ou de l’oxyde de fer rouge des Indes, cette terre de Sienne, extraite de sa carrière avant transformation, fournit 75 % de sa matière première.
« Nous avons deux circuits de séchage, l’un pour la terre de Sienne naturelle jaune, l’autre pour la terre de Sienne calcinée rouge. La jaune est séchée dans un four à 200° C pour retirer l’eau et les impuretés, la rouge est mise dans un four pendant dix heures jusqu’à une température de 700° C », détaille le dirigeant. Les blocs de terre sont ensuite cassés « pour avoir un grain plus facile à travailler », puis la marchandise passe dans un broyeur par aspiration permettant d’avoir « une granulométrie de 30 à 40 microns », une taille qui rend les pigments « plus fins que de la farine ».
Site Internet : http://www.moulincouleurs.fr/fr/
Page Facebook : https://www.facebook.com/le-moulin-%C3%A0-couleurs-368476411956
Le Républicain Lorrain
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