Chef-d’œuvre architectural, prouesse de l’homme, la Tour de Crest est un élément phare du paysage drômois
Dans la vallée de la Drôme, elle fait figure de sentinelle de pierre. De mère protectrice pour la ville depuis le début du XIIe siècle. La Tour, à laquelle les Crestois vouent une quasi-adoration, fut la frontière entre deux diocèses, Valence et Die, et deux comtés, de Valentinois et de Diois. Les Arnaud, illustres seigneurs de la ville, en seraient les bâtisseurs. Un texte du pape Calixte II en porte mention en 1119.
Depuis, la Tour, devenue emblème de la ville, fait figure d’incontournable dans les lieux les plus visités de la Drôme. Du haut de ses 52 m, le plus haut donjon de France invite à revivre 900 ans d’histoire Mais ses visiteurs n’ont pas toujours été aussi choyés que les touristes d’aujourd’hui... Prisonniers de droit commun, insurgés, protestants, ont croupi dans ses cellules. Torturés au milieu des rats, dans la paille et le froid, ils laissèrent leurs dessins et signatures sur les épais murs de pierre.
À partir de 1419, elle devient propriété des Rois de France qui la concèdent à différentes familles, dont les Grimaldi, princes de Monaco (de 1643 à la Révolution). Soucieux de l’importance de la forteresse, Louis XIII en ordonne le démantèlement en 1633, et seule la Tour échappa à la destruction. Au XVIIe siècle, lorsqu’elle devient définitivement une prison, la Tour a déjà une longue histoire derrière elle.
En 1852, 457 détenus (ce seront les derniers !) s’y entassaient, suite à l’insurrection drômoise consécutive au coup d’État de Louis-Napoléon. Un triste record pour une Tour qui sera reprise par le Génie en 1871, classée monument historique six ans plus tard et vendue aux enchères en 1878. Maurice Chabrières, riche protestant crestois, en devient propriétaire.
Un vaste chantier de restauration suivra, entre 1878 et 1885, qui donne au monument son aspect définitif. En 1988, la Ville décide de racheter la Tour à la famille Chabrières pour la somme de 1 million de francs. En 2005, la municipalité reçoit même la Marianne d’or, décernée après la mise en place d’une scénographie et d’une muséographie, offrant un nouvel atout au développement touriste du site. Culminant à 52 m de hauteur, l’édifice est le plus haut donjon de France et fait naturellement partie des quatre châteaux du département, avec celui de la marquise de Sévigné à Grignan de Suze-la-Rousse et des Adhémar à Montélimar.
Les Grimaldi seront seigneurs de Crest de 1643 à la Révolution
Réputée pour sa puissance, elle s’impose dès lors tristement comme un lieu de répression. Lieu de mémoire de la persécution des protestants dans la Drôme, elle a accueilli des détenus politiques ou des fils de bonnes familles enfermés par lettre de cachet, mais aussi des prisonniers de droit commun. Gardienne de l’ordre, la Tour est plusieurs fois dénommée Bastille du Sud au XVIIIe siècle.
De cet héritage historique, l’édifice garde des traces indélébiles. Des centaines de graffitis couvrent ses murs, témoignages encore vivants des souffrances ou des espoirs des prisonniers. Signatures, dates, dessins, textes s’enchevêtrent depuis le XVIIe siècle et donnent parole à la mémoire. En 1851, les opposants au coup d’État de Napoléon III sont les derniers prisonniers à y être enfermés. Classé monument historique en 1877, le plus haut donjon de France est l’un des vestiges les mieux préservés du Moyen Age.
Découvrir ses oubliettes, ses escaliers hauts et étroits, et la magie de son atmosphère très « nom de la rose », le site est aujourd’hui devenu un lieu incontournable des nombreux touristes dans la Vallée de la Drôme. Pour atteindre sa terrasse, on passe une porte en bois du XIXe, la plus vieille du château. Sur des maquettes, on peut suivre l’évolution du bâtiment depuis 900 ans. En grimpant, on accède à une de ses particularités : une pièce bâtie sur un ancien toit en pierres à pans inclinés pour permettre à l’eau de pluie de ruisseler jusqu’à une citerne. Le sommet réserve une magnifique vue sur la vallée et la rivière Drôme.
Renseignements pratiques : http://www.mairie-crest.fr/
Julien Combelles
Le Dauphiné
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