François l’Hermite dit Tristan l’Hermite, poète dramatique, naquit en 1601 au château de Souliers ou Soliers, dans la Marche (Creuse). Il se prétendait issu de Tristan l’Hermite, grand prévôt de Louis XI, et comptait au nombre de ses ancêtres le fameux Pierre l’Ermite, auteur de la première croisade.
Ayant été conduit à la cour dans son enfance, il fut placé près du marquis de Verneuil, fils naturel d’Henri IV. A treize ans, il eut le malheur de tuer en duel un garde du corps, et s’enfuit en Angleterre pour se soustraire à la rigueur des édits. Après diverses aventures, se trouvant sans ressource, il prit la résolution de passer en Espagne pour réclamer la protection de don Juan de Velasquez, son parent. Comme il traversait le Poitou, l’argent vint à lui manquer, et il eut recours à la bienveillance de Scévole de Sainte-Marthe (1536-1623) — poète qui avait été maire de Poitiers et trésorier de France dans la même généralité — pour obtenir les moyens de continuer son voyage.
Scévole accueillit avec bonté un jeune homme qui montrait des dispositions pour les lettres, et le retint chez lui quinze ou seize mois. Sur la recommandation de son protecteur, Tristan obtint ensuite la place de secrétaire du marquis de Villars-Montpezat, qu’il suivit, en 1620, à Bordeaux, au passage de la cour. Il fut reconnu par M. d’Humières, premier gentilhomme de la chambre, qui le fit rentrer en grâce. De retour à Paris, il fut attaché, comme gentilhomme, à Gaston, duc d’Orléans (1608-1660) et frère de Louis XIII, et employa ses loisirs à travailler pour le théâtre.
Portrait de Tristan l’Hermite placé en tête du recueil des Vers héroïques publié en 1648
Sa tragédie de Mariane, représentée en 1637, eut un succès jusqu’alors sans exemple qui surpassa celui de la Médée de Corneille et balança celui du Cid. Elle le dut en partie au jeu de Guillaume Desgilberts dit Montdory, célèbre acteur, qui termina sa carrière dramatique par le rôle d’Hérode ; mais c’est à tort que l’auteur du Parnasse réformé (Guéret) dit que Montdory mourut des efforts qu’il fit pour rendre les fureurs du roi juif, au cinquième acte. Il avait acquis une telle réputation dans ce rôle, que le cardinal de Richelieu voulut en juger par lui-même et ne put s’empêcher de verser des larmes. Le comédien fut, un jour, frappé d’apoplexie en jouant le rôle d’Hérode, mais ne mourut pas sur la scène : paralysé longtemps de la langue et d’une partie du corps, il ne put y reparaître et se retira. Le cardinal le fit revenir pour jouer dans l’Aveugle de Smyrne, tragi-comédie, à laquelle l’éminence avait eu part. Montdory ne put achever que deux actes et retourna dans sa retraite, où il mourut en 1653.
La pièce de Mariane, qui resta cent ans au théâtre, eut un assez grand nombre de représentations ; et l’auteur, regardé par ses contemporains comme le rival de Corneille, compta ses triomphes par ses pièces, toutes oubliées maintenant, si l’on en excepte Mariane.
En 1649, l’Académie française ouvrit ses portes à Tristan l’Hermite, qui y remplaça le poète François de Cauvigny de Colomby. Aimé, recherché des grands et des beaux esprits, il aurait pu mener une vie agréable ; mais son goût pour les plaisirs et sa passion effrénée pour le jeu le jetèrent souvent dans de grands embarras. Le désordre habituel de ses vêtements lui fit appliquer ce vers de la première satire de Boileau : « Passe l’été sans linge et l’hiver sans manteau ». Cependant il est certain que Boileau n’avait point en vue Tristan.
C’est à tort qu’on n’a cessé de le représenter languissant dans la misère, d’après une épitaphe insérée dans tous les recueils, et que l’on prétend faussement qu’il avait composée pour lui-même. Voici cette pièce :
Ébloui de l’éclat de la splendeur mondaine,
Je me flattai toujours d’une espérance vaine,
Faisant le chien couchant auprès d’un grand seigneur,
Je me vis toujours pauvre, et tâchai de paraître.
Je vécus dans la peine, attendant le bonheur,
Et mourus sur un coffre en attendant mon maître.
On sait en réalité que Tristan avait fait accepter un logement et sa table au poète et auteur dramatique Philippe Quinault (1635-1688), son élève, et qu’il lui légua, par son testament, une somme considérable.
François l’Hermite mourut d’une maladie de poitrine dans l’hôtel de Guise le 7 septembre 1655 et fut inhumé à Saint-Jean-en-Grève.
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