Afin de ne laisser aucun doute sur la position éminente qu’il entendait faire à la Cour des comptes, il déclara dans la loi même d’institution (art. 7) qu’elle prendrait rang immédiatement après la Cour de cassation et jouirait des mêmes prérogatives
S’il est fait mention dès 1262 et dans une ordonnance de Saint Louis de gens de comptes, l’ancienne Chambre des comptes, dont l’origine remonte aux premiers temps de la monarchie française, fit l’objet d’une ordonnance royale en janvier 1319 en fixant l’organisation, le poste de président de cette institution étant créé par une ordonnance de 1381. Elle fut définitivement établie suivant l’ordonnance du 26 février 1464, pour le fait des finances, de même que le parlement l’avait été pour le fait de justice. Elle était qualifiée de « Cour souveraine, principale, première, seule et singulière, du dernier ressort en tout le fait des comptes des finances, l’arche et le repositoire des titres et enseignements de la couronne et du secret de l’État, gardienne de la régale et conservatrice des droits et domaines du Roi. »
Sa mission ne se bornait pas, comme on le voit, au jugement des comptes de deniers publics ; elle exerçait encore une véritable inspection sur la police et l’administration des finances, notamment au moyen de l’enregistrement et de la vérification dont elle était chargée de tous les édits et lettres patentes rendus en matière de finances. On lui avait conféré, en outre, plusieurs autres attributions concernant les apanages, les hommages et serments de fidélité dus au roi pour les fiefs relevant de sa couronne, les lettres d’amortissement, de bourgeoisie, de légitimation et d’anoblissement, etc. Les juges royaux lui devaient information et assistance pour l’exercice de sa juridiction, qui avait lieu suivant les formes judiciaires appropriées à la nature toute spéciale de ses fonctions.
Ancien palais de la Cour des Comptes, brûlé en 1871 par la Commune. Gravure des frères Rouargue (1836) |
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Au cours du XVe siècle, il fut créé six Chambres des comptes, successivement supprimées et rétablies (édits de février 1566, d’août 1568 et de 1775). Plus tard leur nombre fut porté a treize. La Chambre des comptes de Paris resta toujours la plus importante et sa jurisprudence était généralement suivie par les autres Chambres.
La suppression de toutes les Chambres des comptes fut arrêtée en principe par le décret des 6, 7, 11 septembre 1790 et prononcée définitivement par celui du 29 septembre 1791, qui chargea l’Assemblée législative de voir et apurer définitivement, par elle-même, les comptes de la nation, vérifiés préalablement par un bureau de comptabilité que ce même décret institua.
L’organisation de ce bureau, faite au commencement de 1792, fut ensuite modifiée, suivant l’esprit des régimes très divers qui se succédèrent, en 1793, en 1795, et en dernier lieu par la constitution du 13 décembre 1799 (22 frimaire an VIII). Celle-ci créa une commission de comptabilité, composée de sept membres choisis par le Sénat sur la liste nationale, et dont les attributions furent déterminées par l’arrêté des Consuls du 13 décembre 1800. Ces divers bureaux ou commissions, composés d’un nombre de membres évidemment insuffisant, et qui ne présentaient d’ailleurs aucune des garanties qu’on trouve dans un corps de magistrature inamovible, ne purent remplir que très imparfaitement leur mission. Cette mission était très difficile, non seulement en raison de l’arriéré considérable et de la complication des comptes, mais encore par suite des crises politiques et sociales qui agitèrent si longtemps la France.
Toutefois la commission de comptabilité rendit d’utiles services de 1802 à 1807, époque à laquelle Napoléon Ier songea à organiser une Cour des comptes. Il voulut, en instituant cette haute juridiction par la loi du 16 septembre 1807, rattacher, dans une certaine mesure, le présent au passé ; assurer immédiatement le prompt apurement d’une quantité considérable de comptes arriérés et de liquidations de fournisseurs des armées ; et s’appuyer ensuite sur un grand corps de magistrature pour ramener les comptables, et, jusqu’à un certain point, les ordonnateurs des dépenses, à une régularité qui garantit, pour l’avenir, la bonne gestion des finances de l’État.
Afin de ne laisser aucun doute sur la position éminente qu’il entendait faire à la Cour des comptes, il déclara dans la loi même d’institution (art. 7) qu’elle prendrait rang immédiatement après la Cour de cassation et jouirait des mêmes prérogatives.
L’importance et les services de la Cour des comptes ne firent qu’augmenter avec le temps. Rien ne saurait mieux les faire ressortir que les considérants inscrits en tête du décret du 15 janvier 1852, qui rendit à la Cour les cadres de son ancien personnel, réduits en 1848. Aussi croyons-nous devoir les citer ici textuellement :
« Considérant que la Cour des comptes, créée en 1807, pour remplacer les anciennes commissions de comptabilité, dont le contrôle était demeuré impuissant, n’a pas cessé de répondre à la pensée de son fondateur ; que, chargée de juger par ses arrêts les comptables publics, elle leur assure, par l’inamovibilité de ses membres, la garantie d’une juridiction indépendante ; qu’appelée à connaître de toutes les recettes et de toutes les dépenses de l’État, elle déclare solennellement la conformité de son contrôle judiciaire avec les comptes administratifs des Ministres, et fournit au pouvoir législatif des éléments certains pour le règlement définitif du budget, par la loi des comptes ; que, dans son rapport public au chef de l’État, elle fait ressortir ce qui, dans ses vérifications, lui paraît digne de fixer l’attention du gouvernement, et exprime les vues d’amélioration que l’étude des faits et des lois lui suggère ; qu’elle est ainsi l’auxiliaire utile et nécessaire d’un pouvoir jaloux de soumettre à un examen sérieux tous les actes de sa gestion financière, et de porter la lumière sur tout l’ensemble de la comptabilité publique ;
« Considérant que, de 1807 à 1848, les attributions de la Cour des comptes se sont successivement étendues, soit par les actes qui, à une époque déjà ancienne, lui ont déféré l’examen des comptes des communes et des établissements de bienfaisance, soit par ceux qui, plus récemment, ont organisé et ont soumis à son contrôle la comptabilité en matières, soit par le développement naturel et successif des revenus de l’État et des dépenses publiques (...) »
L’actuelle Cour des comptes est directement issue de la loi du 16 septembre 1807 et du décret impérial du 28 septembre suivant.
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