En 1270, une guerre civile éclate à Gênes, opposant les Guelfes, partisans du Pape, et les Gibelins, partisans de l’Empereur romain germanique. La victoire de ces derniers contraint de nombreuses familles guelfes à l’exil, parmi lesquelles celle des Grimaldi, puissants patriciens génois. Issu de celle-ci, François Grimaldi, dit "Malizia", surprend les Gibelins par la ruse en 1297, sur le Rocher de Monaco, et les en déloge pour installer durablement la dynastie toujours régnante.
Balade dans le Monaco des premiers jours du XXe siècle
Au sortir de l’obscurité enfumée d’un tunnel, qui ouvre, dans le flanc rouge de la montagne, sa large bouche noire et baillante, le rocher de Monaco se dresse soudain, dans un brusque coup de lumière, énorme, tourmenté, majestueux, jeté dans le sein de saphir de la mer, par la main d’un Ephialte quelconque, à l’escalade d’un ciel légendaire. Et quand, arrivé en gare, un employé crie, de sa voix dolente : « Monaco, cinq minutes d’arrêt », toutes les têtes se mettent à la portière, étonnées, avides de voir, avec une lueur de curiosité dans les yeux.
On ne résiste pas : « Monaco ! » il faut voir ce fameux Monaco. Et l’on regarde et l’on voit une place grouillante de monde, des maisons blanches sous un toit plat en briques rouges, un coin de mer qui frémit au loin comme un drapeau d’azur, des palmiers, des orangers couverts de fruits, de jolies villas avec des jardins en fleurs et, au-dessus, comme le contraste vivant de deux âges, la vieille ville de Monaco couvrant le rocher à pic de ses tours, de ses rampes, de ses mâchicoulis, de ses créneaux, de sa ceinture de murailles altières, somnolente, assoupie avec un air de guerrier fatigué, qui se repose des batailles de jadis, ainsi que le chante le poète Jules Méry :
Accroupi sur la mer comme un monstre lassé,
Le vieux rocher des Grimaldi songe au passé. |
Bâti sur le sommet de son roc solitaire, Monaco est une petite ville moyenâgeuse, aux rues étroites à toucher les murs des deux mains, pavées de briques, assombries d’arcs-boutants, et dont les maisons surplombantes ont de profondes allées, sur le fronton desquelles un artiste mystique a sculpté, dans la pierre patinée par les siècles, des ecclésiastiques, aux prises avec les Malacodas ou les Farfarellos d’un enfer imaginaire. Tout est si froid, si monacal, si solennel qu’on se figure parfois entendre de lentes psalmodies balbutiées par des lèvres ivoirines, ou des liturgies susurrées, on ne sait où, dans l’ombre froide de quelque chapelle qui cèle de vagues agenouillements et les affaissements de douleurs inconsolées.
Vue générale du Rocher de Monaco au XIXe siècle. Dessin de Deroy |
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Sur un des côtés de la ville s’élève la cathédrale, placée sous la protection de l’Immaculée Conception, dont Albert Ier entreprit la reconstruction : elle est de style néo-roman, avec une abside décorée d’une mosaïque inspirée de saint Marc et de sainte Sophie, et dans sa crypte sont les restes de princes et princesses de la dynastie. Après avoir passé sa masse monumentale qu’entoure une gaine de statues et de colonnettes, on se trouve soudain baigné de lumière, en une atmosphère tiède de parfums dans ce paradis qui s’appelle les Jardins de Saint-Martin. Ce parterre incomparable doit son origine à Honoré V et à un moine franciscain, Baptiste de Savone, qui en créa la flore.
Ce sont, parfois, des allées qu’on dirait pavées de jaspe et qui filent, régulières, entre deux haies de géraniums géants, de chrysanthèmes monstrueux, de lauriers, de saxifrages, de mimosas, de rosiers, de caroubiers tout en fleurs et d’un vert de jeunes pousses ou s’enfoncent sous les lilas, les pins, les eucalyptus, dans une soudaine fraîcheur de bosquet, puis, tout à coup, deviennent des sentiers rocailleux, qui descendent dans les aspérités et vous transportent dans une gorge énorme, ouverte au flanc du rocher et à pic sur la mer.
Là, c’est l’Orient absolu, l’exotisme qui commence. Le soleil incendie les arêtes aiguës de la pierre, embrase et semble faire palpiter cette terre rouge et grasse, tapissée d’une végétation de forêt vierge, qu’on sent pousser dans un trop plein de sève et autour de laquelle s’exhale, immense et continu, le bourdonnement d’insectes affolés de lumière, qui butinent autour d’une foule de fleurs gigantesques et étranges, aux parfums de serre, aloès, joubarbes, cactus, nopals, ficus, toute une floraison vivace, ardente, semblable à un pullulement d’animaux aux formes chimériques.
Au-dessous, les hautes murailles avec leurs tourelles quadrangulaires aux calottes ardoisées, sur le rocher vertical qu’escaladent, comme une armée de crabes, les figuiers de Barbarie aux feuilles grasses, rondes, épineuses, enchevêtrées ; puis au bas, dans un gouffre, la mer mouvante, d’un bleu de rêve, sillonnée des virgules blanches des albatros, qui s’en va en pâlissant jusqu’aux teintes mourantes, si tendres, de l’horizon vague, au bord de la ligne verte, tranchée du grand large. Seuls, la haute cheminée, les bâtiments couverts de briques rouges, de l’usine d’électricité et le soufflet fatigué d’une machine à vapeur empêchent de se croire dans quelqu’un de ces pays fabuleux, où l’homme ne peut pénétrer que sur l’aile des rêves et où, seul, le tigre, couché dans les lianes géantes, ouvre, sur la tranquillité de l’éternelle solitude, ses yeux immobiles, lumineux, à l’énigmatique regard.
Affiche de 1897
pour Monaco - Monte-Carlo |
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Des allées, toutes pavoisées de fleurs, et de petits chemins de ronde criblés de soleil, aux méandres tortueux, conduisent sur la grande place, devant le Palais du Prince ; sur une terrasse, où se dresse, près d’une fontaine, le buste en marbre blanc du prince Charles III, de longs canons de bronze, verdis et superbes, allongent leurs gueules qui ne crachent plus les tonnerres ; sur la plupart de leurs croupes d’airain est inscrite la peu philosophique inscription : Ultima ratio regum ; et au-dessous : Louis-Charles de Bourbon, comte d’Eu, duc d’Aumale. De l’autre côté de la place, sur les bastions dominant la Condamine et Monte-Carlo, des mortiers trapus et des tas de boulets ramés.
Il faut s’accouder, vers le soir, sur ce rempart et rêver. Les rougeurs ardentes du crépuscule revêtent d’une splendeur inouïe les hautes murailles, les tours carrées, les bastions massifs, les parapets monumentaux, les corps de gardes crénelés, où les herses montrent encore leurs crocs rouillés ; puis, plus bas, après la dernière barbacane, la foule bariolée, dans un désordre de va-et-vient insouciant et pittoresque ; ce tableau baigné de lueurs évanouies, a quelque chose de triomphal.
Il semble que, dans ces reflets d’apothéose, vont transparaître les héros des temps passés, les ancêtres du Prince, ces Grimaldi chevaleresques, dont « l’essor de conquête épouvantait les cieux », et que, soudain, au milieu du fracas des destriers caparaçonnés et des luisantes armures froissées, au son des fanfares joyeuses, ils vont tous revenir, les Grimaldi qui ont bataillé pendant des siècles contre tous les peuples : Français, Sarasins, Espagnols, Génois, Vénitiens, toujours en route, en expéditions, reprenant, sur leur rocher, nouveaux Antées, des forces nouvelles, courant le monde en chevauchées fabuleuses, comme si leur devise, Deo Juvante (avec l’aide de Dieu), leur assurait une merveilleuse impunité, emplissant la terre du tumulte de leurs armes et l’histoire de la magie de leurs exploits et de leurs hauts faits, éblouissants comme des ballades, « bien connus dans toute la chrétienté pour leurs vertus militaires », dit le pape Clément VI, corsaires, héros, courtisans, preux, évêques, capitaines, amiraux, race de faste, d’héroïsme et de triomphe, qui a vécu plus violemment et plus passionnément qu’aucune autre.
L’histoire mouvementée de Monaco
L’histoire de Monaco est une éblouissante épopée. La légende dit qu’Hercule, revenant d’Espagne combattre Géryon, franchit les Alpes-Maritimes, y construisit une route, la voie Herculéenne, et fonda un port qui reçut le nom du dieu Melkarth Menouakh, qualificatif d’Hercule, dont les Grecs firent, sans le comprendre, Monoikos (seul habitant), qui indique le dieu jaloux et ne permettant aucun autre culte à côté du sien. Cela suffit à prouver l’origine phénicienne de Monaco à cette époque lointaine, lieu de débarquement et important entrepôt commercial. Les Tyriens et les Ioniens connurent Monaco, avec lequel ils eurent de fréquents rapports. Virgile (Ier siècle av. J.-C.) en parle et dit : « Aggeribus socer alpinis atque arcens descendens Monœci », voulant dire que César, après avoir vu les châteaux et villes des Alpes, a passé à la Turbie, pour prendre la mer à Monaco.
Le poète Lucain (Ier siècle ap. J.-C.) écrit : « Au port consacré à Hercule, la mer s’est frayé un passage dans les anfractuosités de la montagne ; là Eurus et Zéphyr sont sans pouvoir, le Circius lui-même qui agite tout le littoral s’arrête devant la rade toujours paisible de Monaco. » Silvius Italicus (Ier siècle ap. J.-C.), dans son récit du voyage des députés de Sagonte à Rome, dit : « A l’horizon se dressent, au milieu du rivage, les colonnes d’Hercule et les sommets du promontoire de Monaco. » Les Romains utilisèrent la voie d’Hercule, qu’ils prolongèrent et dont ils assurèrent la sécurité, faisant de Monaco un port d’embarquement fort utile dans les guerres qu’ils soutinrent contre les Ligures. Jules César y passa, en revenant des Gaules, au début de la guerre civile, ainsi que nous l’avons vu par la citation de Virgile.
Primitivement confiné sur les contreforts de la Turbie, le port de Monaco n’avait, vraisemblablement, pas utilisé le rocher où est bâtie la ville ; ce ne fut qu’en 1215 que les Génois, auxquels l’empereur romain germanique Henri VI avait concédé en 1191 la possession effective de Monaco, envoyèrent un de leurs consuls, Fulco de Castello, avec trois galères, lequel édifia sur le plateau de la presqu’île, rapporte l’archiviste Saige dans son Histoire de Monaco, quatre tours reliées par un rempart de 33 palmes génoises de hauteur, sur une épaisseur de 6 palmes.
Ce fut l’origine de la redoutable forteresse qui soutint tant de sièges et repoussa tant d’assauts. Divers perfectionnements y furent apportés dans la suite par les princes de Monaco : Lucien développa le système des contre-mines, qui attirèrent l’attention de Charles-Quint, lors de sa visite, en 1529 ; Augustin Grimaldi exécuta d’importants travaux, qu’acheva Honoré Ier et que compléta, en 1540, Etienne Grimaldi, en renforçant et renouvelant les remparts et construisant dix nouveaux canons. Saige rapporte que de nouveaux perfectionnements ont été apportés, au XVIIIe siècle, aux défenses de Monaco, mais dans leur ensemble, les travaux d’Etienne Grimaldi n’ont pas subi de changements très apparents et c’est à lui que revient l’honneur d’avoir donné à la vieille forteresse l’aspect si imposant et si original de ses remparts et de ses hauts bastions.
La famille des Grimaldi descend directement de Otto Canella, qui fut consul de Gênes vers 1133 et dont le plus jeune des fils, Grimaldo, trois fois consul et ambassadeur auprès de l’empereur Frédéric Barberousse, donna son nom à l’illustre famille dont les descendants occupèrent (en le perdant parfois) le trône de Monaco. Au milieu des guerres incessantes qu’enfantèrent les deux factions des Guelfes et des Gibelins, la forteresse de Monaco tomba entre les mains de ces premiers. François Grimaldi, vêtu en moine, se présenta, le 8 janvier 1297, aux portes du château ; on le laisse passer sans méfiance ; sitôt dans la place, le terrible capitaine se jette sur les gardes et derrière lui entre une troupe de partisans guelfes qui s’emparent de Monaco. Les Génois viennent assiéger la ville, mais les Guelfes échappent à leur surveillance, volent à Gênes sur cinq galères, forcent le port et s’étaient déjà emparés d’une partie de la ville, quand, accablés par le nombre de leurs adversaires, ils sont faits prisonniers au moment de vaincre. Après cette défaite, les Spinola de Gênes, ont la garde de Monaco.
En 1317, la forteresse monégasque tomba de nouveau entre les mains des Guelfes, pour être reprise, en 1327, par leurs ennemis, après un terrible combat. Pendant ce temps, les galères monégasques continuaient sur mer leurs aventureuses équipées et la gloire que leur avait conquise Rainier Grimaldi, amiral général de France (mort en 1314), fleurissait toujours, de telles conquêtes et à de tels ravages dans les villes ennemies, qu’en 1330, le sénéchal de Provence vint assiéger Monaco, qui capitula. En 1331, à la suite de l’intervention du roi Robert, les deux partis génois se réconcilièrent et les Grimaldi rentrèrent à Monaco. Charles Grimaldi (Charles Ier) fait de la forteresse une puissance ; sa marine va dans le Levant menacer le commerce et les possessions de Gênes et de Venise. Les Vénitiens recourent en vain au roi Robert, par le ministère du pape Benoît XII car le roi répond qu’il n’est pas le maître de Monaco.
Charles établit le droit de mer ou péage forcé sur les navires qui passaient en vue de ses remparts et auquel nul ne peut et n’ose se soustraire. En 1346, il va attaquer Gênes, avec 30 galères et 10 000 hommes ; puis, appelé en France par Philippe de Valois, il est blessé grièvement à la bataille de Crécy. A son retour, il augmente encore la renommée et l’étendue de Monaco, acquiert les seigneuries de Menton, de Castillon et de Roquebrune, qui, avec Vintimille, qu’il possédait au nom de la reine Jeanne, faisaient au rocher redoutable un territoire important. Toute cette gloire et toute cette puissance sombrent dans un désastre inattendu ; Gênes, d’abord surprise, rassemble ses forces et fond sur Monaco avec une flotte puissante et une armée commandée par le doge Boccanegra, qui investissent le fier castel par terre et par mer, forcent les Grimaldi à capituler en 1359, et après les avoir dépouillés de toutes leurs possessions, les frappent d’une formidable rançon de guerre. On dit que Charles, qui s’éteignit deux ans auparavant, en 1357, mourut de chagrin car atteint cruellement dans son orgueil.
Ce règne, si mouvementé, peut être considéré comme la synthèse de l’histoire des seigneurs de Monaco, qui flotte, au travers des âges, comme une bannière de gloire ; guerriers valeureux et héros illustres, capitaines, généraux et amiraux, ils sont alliés aux princes et aux rois, en lutte contre toutes les factions, seigneurs de contrées immenses, le lendemain dépouillés, triomphateurs acclamés ou prisonniers dédaigneux dans la pénombre des cachots. Et toute cette grandeur surprend notre petitesse moderne, toute cette fougue et cette fantaisie héroïque émeuvent, ainsi qu’un roman de chevalerie soudain réalisé.
Comme Don Ruy Gomès, dans Hernani, nous pouvons nous écrier : celui-ci, c’est Jean Grimaldi, qui bat les Vénitiens et leur prend 60 vaisseaux ; celle-là c’est une femme, Pomelline, épouse de Jean Grimaldi, qui refuse de rendre le château, cernée de toutes parts, malgré la menace faite de mettre à mort son mari au pied des murailles ; ici, c’est Jean II, qui déploya, en 1502, à l’entrée de Louis XII à Gênes, un faste, dont font mention les chroniqueurs du temps et qui fut tué par son frère dans une rixe au château de Menton ; là c’est Lucien Grimaldi qui battit monnaie, créa les écus d’or au soleil, vit reconnaître solennellement, par Louis XII en 1512, la souveraineté de Monaco, fondée sur ce que cette seigneurie n’est tenue que de Dieu et de l’épée, et que ses seigneurs n’ont jamais fait de reconnaissance à souverain, roi, ne prince, fors à Dieu, et fut assassiné par Barthélemy Doria.
Plus loin, c’est Hercule de Monaco, qui refuse de payer le subside à l’empereur, affirme la souveraineté de Monaco, et meurt, sous le poignard des séides de la maison de Savoie, à quelques pas de son palais ; ici encore Honoré II, qui prend le titre de Prince, et le chevaleresque Louis Ier créateur du code Louis, qui ferrait les chevaux de son carrosse avec des fers d’argent tenant seulement à un clou, afin qu’il fut plus facile de les perdre ; puis c’est le chevalier de Monaco, blessé à la bataille de Fontenoy, aux côtés du maréchal de Saxe, et dont Voltaire dit : « Monaco perd son sang et l’Amour en soupire ». Enfin la princesse Joseph de Monaco, condamnée à mort pendant la Terreur, et qui alla à l’échafaud, avec du rouge sur les joues, pour que sa pâleur ne fît pas croire qu’elle eut peur ; le prince Charles III qui, après les orages et les contrecoups des révolutions françaises, voit l’indépendance absolue de ses Etats reconnus définitivement par le traité du 2 février 1861.
Mentionnons un fait curieux dans l’histoire des Grimaldi. En 1731, leur famille s’éteignit, dans la ligne directe, en la personne de Louise Hippolyte, fille aînée du prince Antoine Ier et femme d’un gentilhomme breton, Jacques de Matignon, comte de Thorigny ; pour que le nom illustre des Grimaldi ne se perdît point, ce dernier renonça à son nom et à ses armes, pour prendre le nom de Jacques Ier de Monaco, avec le titre de duc de Valentinois et la dignité de Pair de France, octroyés par le roi Louis XV.
Réunie à la France en 1793, sur un rapport présenté par Carnot à la Convention, le 14 février, la Principauté fit partie du département des Alpes-Maritimes, pendant que le prince Honoré III, et tous les membres de sa famille étaient incarcérés ; bien qu’on eut déclaré qu’il avait toujours été l’ami sincère et l’allié de la France, le malheureux souverain mourut (21 mars 1795), après avoir été remis en liberté, épuisé par les chagrins et une détention de plus d’une année. Ses biens furent séquestrés, son palais pillé et Monaco reçut officiellement le nom de Fort d’Hercule.
Sous l’Empire, l’annexion fut maintenue et les princes de Monaco ne purent se faire rendre justice ; l’un d’eux, le prince Joseph, fut connu à la cour sous le nom de Mr de Monaco ; le fils aîné du duc de Valentinois, Honoré Gabriel de Monaco, fut aide de camp du général Grouchy et premier écuyer de l’impératrice Joséphine. La chute de l’Empire amena la restauration de la maison de Grimaldi ; le traité de Paris porte que « la Principauté de Monaco est toutefois replacée dans les rapports où elle se trouvait avant le 1er janvier 1792 », et Honoré IV reprit son titre de prince, sous le protectorat de la France.
Occupée par les troupes anglo-sardes, après les Cent Jours, la Sardaigne obtint, en 1815, le protectorat de la Principauté par le traité de Vienne, qui annulait à perpétuité les effets du traité de Paris. La Sardaigne exigea, en outre, la reconnaissance de sa suzeraineté sur Menton et Roquebrune. L’annexion du Comté de Nice à la France, en 1860, mit fin à cette situation, et la Sardaigne, en se retirant, laissait le prince Charles III libre de prendre avec la France les arrangements qui lui conviendraient ; le prince céda à la France, moyennant une indemnité, ses droits sur Menton et Roquebrune, et l’indépendance de la Principauté fut reconnue par le traité du 2 février 1861. L’article 5 de ce traité oblige la France d’entretenir et de rectifier à ses frais la route de Monaco à Menton et prévoit l’établissement d’une route carrossable entre Nice et la Principauté.
Un autre traité, signé à Paris, le 6 décembre 1865, établit une union avec la France, comprenant l’attribution aux Administrations françaises des services des postes, douanes et télégraphes, moyennant une rétribution fixe accordée au Prince et le partage des recettes au-delà de cette rétribution ; d’autres dispositions visaient, dans un sens favorable à Monaco, la fourniture des poudres, des tabacs et du sel, interdisaient le séjour réciproque des expulsés des deux pays et obligeaient enfin la France à faire subir leur détention, dans ses prisons, aux individus condamnés par les tribunaux monégasques à une peine dépassant six mois.
Le prince Albert Ier, grand d’Espagne, né le 13 novembre 1848 et investi du pouvoir le 27 septembre 1889, fut le digne descendant de cette lignée de preux qui régnèrent par la grâce de Dieu et de leur épée, le dernier survivant de la noblesse féodale ; sa souveraineté avait résisté aux évolutions et à la bourrasque sociale de 1793 ; il avait conservé ses droits, ses privilèges, sa cour, son titre et son armée, sa jolie armée en uniforme bleu de ciel et rouge se composant de 75 soldats, ses tribunaux, le droit de grâce, sa monnaie, traitant d’égal à égal avec les souverains, ses cousins.
Ce fut un vaillant soldat qui combattit courageusement dans les rangs français, en 1870, décoré pour sa bravoure de la Légion d’honneur. En outre, homme d’une grande intégrité, il s’adonna à la science, et particulièrement à la zoologie ; ses nombreux et importants travaux furent appréciés, pour leur remarquable intérêt, à l’Académie des Sciences, à l’Institut et à la Société de géographie de Paris. Le Prince épousa, en premières noces, lady Mary Hamilton, fille du duc Guillaume d’Hamilton et Brandon, marquis de Douglas, duc de Châtellerault, et de Marie-Elisabeth de Bade, alliée à presque toutes les dynasties régnantes de l’Allemagne, et en secondes noces, la duchesse de Richelieu, née Alice Heine, fille du grand banquier parisien.
Notes sur l’évolution de la Principauté au XXe siècle
La Société des Bains de Mer et le Casino sont créés en 1856. Plusieurs hôtels sont construits sur le plateau des Spélugues, auquel en 1866 est donné le nom de Monte-Carlo (Mont-Charles, d’après le nom du Prince régnant). Son fils le Prince Albert Ier surnommé le Prince Navigateur ou le Prince Savant, fait accomplir de grands progrès aux sciences de la vie au seuil du XXe siècle. En 1910, il fonde à Monaco le Musée Océanographique, qu’il léguera par testament à l’Institut Océanographique créé par lui à Paris. En 1911, il donne à Monaco une organisation constitutionnelle, puis inaugure en 1920 à Paris l’Institut de Paléontologie Humaine, dédié avant tout à la recherche.
Sous le règne du Prince Louis II qui lui succède en 1922, est créée la Commission médico-juridique de Monaco (1933), qui esquissera les bases des Conventions de Genève de 1949. Le 8 juillet 1948, la Principauté adhère à l’Organisation mondiale de la santé.
Les seuls héritiers d’Albert Ier et de son fils Louis, célibataire endurci et déjà quinquagénaire, sont les ducs allemands d’Ulrach de la famille royale Wurtemberg. La IIIe République, germanophobe, menace d’annexer la principauté. Afin d’éviter ce péril, le prince héréditaire décide, avec l’accord de son père, d’adopter une enfant naturelle, née en 1898 en Algérie, de sa liaison avec Juliette Louvet. Charlotte Louvet devient en 1919 duchesse et princesse de Monaco en 1922. Elle épouse en 1920 le comte Pierre de Polignac qui, à l’exemple de Jacques de Matignon, adopte les noms et armes des Grimaldi. Ils auront deux enfants : Antoinette en 1920 et Rainier en 1923.
C’est en 1949 que le Prince Rainier III monte sur le trône, son règne étant l’un de ceux qui ont le plus transformé la Principauté. Il intensifie et diversifie les actions mises en œuvre pendant les trois règnes précédents, aussi bien dans les domaines politique, diplomatique, international, économique et social que dans ceux de l’éducation et du sport, de la santé, de la science, de la culture et de la communication. Il y ajoute une dimension industrielle. Il dote la Principauté d’une nouvelle Constitution le 17 décembre 1962. Monaco devient en 1993 un Etat membre de l’Organisation des Nations-Unies et entre au Conseil de l’Europe en 2004. Rainier III meurt le 6 avril 2005.
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