Dans le Tarn, entre Lavaur et Puylaurens, le château-musée de Magrin rend hommage à une grande histoire de la région : le pastel. Ou comment une plante d’aspect banal a fait la fortune des marchands, dans la région toulousaine.
C’est un triangle d’or. Où la couleur bleu a été l’origine de considérables fortunes. Albi, Carcassonne, Toulouse. Dans ce triangle, le pays de cocagne. Qui n’a rien d’un pays imaginaire, contrairement à ce que laisse entendre la légende populaire.
La cocagne (en occitan, mauvais gâteau), c’est cette pelote de feuilles de pastels moulées à la main. Séchées pendant plusieurs mois dans les séchoirs à pastel, les cocagnes sont ensuite broyées, et la poudre qui en résulte donne enfin les treize nuances de bleu. Le pastel (isatis tinctoria) est connu depuis l’Antiquité pour ses multiples vertus : tinctoriales bien sûr mais aussi médicinales.
Cette plante crucifère bisannuelle, extrêmement résistante, est présente dans le Lauraguais, le Toulousain et l’Albigeois au XIIe siècle. Mais c’est au XVe siècle que l’Albigeois devient l’un des plus grands centres de production et d’exportation du pastel. Des centaines de familles en vivent, on exporte jusqu’à 60 000 tonnes de pastel dans toute l’Europe. La fortune est telle pour les pasteliers qu’ils construisent les plus beaux hôtels particuliers de Toulouse et d’Albi...
Mais au XVIe siècle, une plante venue des Indes va sonner la fin de l’incroyable aventure du pastel. L’indigo, tout aussi résistante que le pastel, est beaucoup plus facile à travailler. Et donc plus économique. Malgré quelques tentatives protectionnistes pour épargner le pastel, celui-ci disparaît peu à peu des terres albigeoises. À tel point qu’on l’oublie, lui et sa réussite économique. Jusqu’à l’arrivée de Patrick Rufino dans la région.
En 1971, ce journaliste et historien s’éprend du château de Magrin et en fait l’acquisition, malgré son mauvais état. Peu après, dans le grenier de l’édifice, il découvre un séchoir à pastel, le seul répertorié à ce jour dans la région. Commence alors une passion qui ne faiblira jamais. Patrick Rufino restaure le château, qui sera classé en 1979 puis il écume la région à la recherche d’informations et d’anecdotes sur l’épopée du pastel. Il récupère un authentique moulin pastelier et finit par ouvrir un musée dans le château. Il est également à l’origine de la route historique du circuit du pastel. Et de la redécouverte de cette histoire passionnante.
Pastel des teinturiers (Isatis tinctoria). Planche extraite de l’Atlas des plantes de France utiles, nuisibles et ornementales (Tome 2) paru en 1891 |
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Depuis, son enthousiasme a fait des émules. On recommence à cultiver le pastel, dans le Tarn notamment. des boutiques ont vu le jour dans les grandes villes de la région, qui font la promotion de ce bleu exceptionnel. Le pastel aujourd’hui fait vivre une cinquantaine de personnes en Occitanie.
C’est Hélène Rufino qui désormais assure les visites du château-musée de Magrin. La guide, comme l’histoire, sont passionnantes, les anecdotes nombreuses. L’on apprend notamment qu’Henri IV, qui s’était réfugié à Magrin pour échapper à ses opposants, a par la suite tenté de « sauver » le pastel en promulguant une loi qui punissait de mort tout acheteur d’indigo. Et que Napoléon, pour le bleu de ses uniformes, a brièvement remis le pastel au goût du jour.
De la colline où domine le château, le visiteur peut admirer les Pyrénées et la douceur de la vallée tarnaise, entre Lavaur et Puylaurens. Une petite idée du pays de cocagne...
Renseignements pratiques :
Château-Musée du Pastel de Magrin — 81220 Magrin
Tél. : 05 63 70 63 82
Site Internet : http://www.pastel-chateau-musee.com
Marie Martin
France 3 Occitanie
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