Ne pas être en bonne forme
Une personne indisposée manque souvent d’appétit. Mais, contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce n’est pas ce chemin métaphorique que la langue a emprunté pour parvenir à ne pas être dans son assiette.
Assiette vient du latin assedita, de adsedere signifiant « asseoir ». L’idée d’assurer quelque chose sur son séant induit au XIIIe siècle un sens figuré fiscal, la base de répartition des impôts. On est loin des considérations alimentaires ! Aujourd’hui encore, quand on détermine notre assiette fiscale, on évalue le montant qui servira de base au calcul de notre impôt.
Parallèlement, le mot assiette adopte d’autres significations. Il renvoie à la position géographique d’une ville et, de là, à l’installation ferme de quelque chose. S’agissant de personnes, assiette désigne depuis le XVIe siècle « la manière de se trouver assis », notamment sur le dos d’un cheval. On parle aujourd’hui encore de l’assiette d’un cavalier.
Le magicien fatigué. Chromolithographie de 1885 |
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Sortir de son assiette, manquer d’assiette passent alors au figuré : assiette exprime l’équilibre physique et moral d’une personne, son état d’esprit considéré comme normal. Du temps de Molière, on parle ainsi de l’assiette naturelle ou ordinaire de quelqu’un. Qui n’est pas dans son assiette se trouve en dehors de ce degré zéro de l’humeur. Ainsi, depuis la Renaissance et dans les siècles qui ont suivi, « ne pas être dans son assiette » a acquis un sens plus en rapport avec la notion de bien-être, et aujourd’hui elle signifie « ne pas se sentir bien », « ne pas être en forme ».
Si l’on comprend sans équivoque l’expression en ce sens jusqu’au XIXe, le français moderne l’a oublié et tend à rapporter l’assiette à une autre de ses destinées. L’assiette désignait la place d’un convive avant que, du plan de table, on glisse vers le contenant du repas. Le sens relatif à l’état d’esprit a disparu et l’expression ne pas être dans son assiette demeure la seule survivance de cet usage.
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