Alors que la saison vient de commencer, le département continue de produire des tonnes de betteraves sucrières. Une activité qui dure depuis plus de 200 ans.
À la Saint-Luc, la betterave devient sucre. Ce dicton du 18 octobre, tous les agriculteurs de l’Oise le connaissent. Depuis plus de 200 ans, la France, qui bénéficie de terres limoneuses adéquates et d’un climat océanique propice, est le premier producteur de betteraves sucrières au monde. L’Oise, qui a produit près de 4 millions de tonnes de betteraves sur 44 000 ha en 2017 (l’Oise compte 330 000 ha cultivables), est le 4e département producteur du pays. Cela représente 10 % de la production nationale.
Deux fois moins de planteurs en vingt ans
Si les sucreries, qui transforment la Beta vulgaris altissima, son nom latin, ont peu à peu disparu du paysage, les Oisiens restent attachés à cette activité, véritable patrimoine local. Les premières sont d’ailleurs apparues en 1830 à Compiègne et étaient installées directement au cœur des fermes. Si elles étaient 17 en 1856, 40 en 1878 au moment de l’âge d’or, seule celle de Chevrières, qui transforme 12 000 t chaque jour, survit dans l’Oise. Une dizaine ont fermé ces 50 dernières années.
La sucrerie de Francières. © Crédit photo : Musée de la sucrerie de Francières |
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Mais les producteurs de sucre du département, 1 900 aujourd’hui, qui étaient deux fois plus il y a vingt ans, ne lui livrent que 20 000 ha de leurs plantations. Le reste part aux usines de Roye (Somme) et de l’Eure à Étrépagny. Un vrai temps fort pour tous les transporteurs.
Chaque année, comme depuis quelques jours, le paysage se transforme donc. Aux quatre coins de l’Oise, de nouveaux reliefs apparaissent avec des petites montagnes de ces betteraves blanches qui attendent d’être amenées à l’usine de transformation pour devenir du sucre. Et avec ces milliers d’allers retours d’engins agricoles et de camions, pas toujours appréciés des riverains irrités. « On essaye de nettoyer la terre que l’on peut mettre sur la route », assure pourtant Hans Dekkers, 55 ans, producteur à Auneuil et président du syndicat betteravier dont l’origine remonte à 1923. Là aussi, l’Oise était novateur.
Une culture favorisée par Napoléon
Pour lui et sa famille, cette histoire de sucre est une tradition. « J’ai grandi au milieu de ces champs, s’amuse-t-il. Dans les années 1950, les travailleurs portugais, italiens, espagnols venaient démarier les betteraves chez mon père. » À cette époque, la variété de graine produisait plusieurs racines, il fallait les arracher (démarier) pour que la plante ne consacre son énergie qu’à une betterave. « Puis il fallait trois machines différentes pour retirer les fanes, les arracher, les nettoyer, contre une seule de nos jours », termine l’agriculteur.
La Picardie, en général, a vu sa production multipliée par trente à la fin du XIXe siècle. Alors que la production se partageait avec le Nord-Pas-de-Calais depuis que Napoléon avait décrété un blocage continental en 1806, cette région s’est consacré au charbon et a laissé la betterave à sa voisine picarde. En 1811, seulement 30 ha avaient été récoltés dans l’Oise...
Ensilage des betteraves à sucre dans le nord de la France |
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Un avenir très incertain
Pourtant, depuis la fin des quotas de sucre en 2017, l’Oise est directement en concurrence avec... l’Inde et le Brésil, qui produisent à partir de canne à sucre. Ici, 75 % sont destinés au marché alimentaire, 10 % à celui de l’alcool, 10 % pour l’éthanol et 5 % à l’industrie.
Ce qui rend les agriculteurs locaux peu enthousiastes quant à l’avenir de cette production majeure dans le département. « Les prix s’effondrent. Si ces déséquilibres perdurent, le marché ne sera plus rentable », lâche un producteur expérimenté de Bienville. « C’est la dépression », conclut un jeune planteur du plateau picard.
Un musée unique en France à Francières
Fort de sa position dans le secteur de la betterave sucrière, l’Oise ne veut pas oublier l’histoire de sa production. Si beaucoup ont été détruites ou réaménagées, une sucrerie historique, celle de Francières, accueille aujourd’hui le seul musée de France consacré à cette culture.
Ouvert depuis 2013, il arbore fièrement une fréquentation annuelle de 7 000 personnes. Le site de 7 ha, classé monument historique depuis 1999, a été en service pendant 140 ans. Jusqu’à 180 personnes ont travaillé ici. 320 t de sucre étaient produites en 1849, et 2 200 en 1917.
Fermé en 1969, le musée a pu être aménagé dans son bâtiment principal grâce à l’association de sauvegarde de la sucrerie et la société agricole de Francières. Du haut de sa cheminée de 35 m, il fait figure de vieux combattant face à la dernière sucrerie du département, celle de Chevrières, installée à quelques centaines de mètres de là.
En plus des visites, chaque année, plus de 200 ateliers sont animés par Claire Lévine et Mélisande Baumann, les deux employées de Planète sciences Hauts-de-France qui occupent le site. Principalement organisées pour les groupes scolaires, ces activités permettent de découvrir les nombreuses productions possibles avec le sucre issu des betteraves produites dans les champs alentour. Un agriculteur vient aussi animer des conférences dans ce musée ouvert au public tous les week-ends jusqu’au 17 octobre. La visite s’effectue sur réservation toute l’année.
Renseignements pratiques :
Tél. : 09.81.35.69.53
Site Internet : http://www.la-sucrerie.picardie.fr
Elie Julien
Le Parisien
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