Le hangar à dirigeables d’Écausseville, dans la Manche, aura 100 ans cette année. Le bâtiment, surnommé la « Cathédrale de béton », impressionne par son architecture et fascine par son histoire. Ce monument unique au monde est pourtant l’un des grands oubliés de la région.
150 m de long, 31 m de haut, 6 000 m2 au sol. Dans le petit village d’Écausseville, près de Montebourg (Manche) on ne voit que lui. Fraîchement centenaire, le hangar à dirigeables impressionne toujours autant. « Avec ses 3 552 tuiles en ciment armé, il était à l’époque à la pointe de la technologie, explique Éric Guillemeau, président des Amis du hangar. Il est encore reconnu aujourd’hui comme une prouesse architecturale. » La construction, appelée aussi « la Cathédrale de béton », mérite donc amplement son surnom.
100 ans et trois guerres
Entre ses murs gris, le hangar protège 100 ans d’une histoire dense et passionnante. « Il a été construit entre 1917 et 1919, juste à côté d’un autre hangar à dirigeables en bois, aujourd’hui détruit », précise Éric Guillemeau. Pendant la Première Guerre, ces dirigeables servaient à surveiller et attaquer la mer, « la base d’Écausseville appartenait à la Marine nationale ». La petite ville manchoise abritera ces énormes ballons jusqu’en 1930, année où l’armée les a officiellement remplacés par des avions.
La Cathédrale de béton. © Crédit photo : Ouest France |
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À partir de 1936, la Marine utilisera le hangar pour stocker des armes. De 1940 à 1944, le site est occupé par les Allemands. Il faudra attendre le 9 juin 1944 pour que les Américains viennent le libérer, « au cours d’un très dur combat à l’intérieur même du hangar », détaille le passionné d’histoire.
Du 15 juin 1944 jusqu’en mars 1945, la Cathédrale de béton devient une base américaine. Les soldats y réparent les véhicules. « À la fin de la guerre, une société privée, chargée de « nettoyer la guerre », s’installe dans le hangar pour y découper du métal. » Le hangar est situé à quelques centaines de mètres du chemin de fer. Le métal est ainsi directement envoyé à Caen, où il sera fondu.
En 1964, le hangar s’apprête à vivre une troisième guerre. Froide cette fois. Pendant deux ans, il accueille des ingénieurs français chargés de développer un ballon et des appareils de mesures pour lancer la bombe atomique. « Le hangar devient une base secrète », s’étonne encore Éric Guillemeau.
Dans ce village de 100 habitants, le hangar et son histoire ont souvent bouleversé le quotidien des Écaussevillais : « Les ingénieurs assistaient à la messe avec des agents de sécurité. Ils ne devaient surtout pas parler de leur travail. » De 1967 à 1994, le hangar retourne dans les mains de la Marine qui y stocke de nouveau du matériel, avant d’abandonner et de vendre le site.
Le hangar à dirigeables d’Écausseville, dans la Manche, est unique au monde. © Crédit photo : Ouest France |
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Un site souvent oublié
Le lieu appartient aujourd’hui à la Communauté d’agglomération du Cotentin et est géré par l’association des Amis du hangar à dirigeables d’Écausseville. Avec un musée, des animations et des événements, notamment en cette année du 75e anniversaire du Débarquement, les 15 bénévoles, et deux à quatre salariés, continuent d’écrire l’histoire du lieu.
Mais des travaux s’imposent pour préserver ce grand monument de béton : « Il ne faut pas traîner, les infiltrations d’eau se multiplient, s’inquiète Éric Guillemeau qui estime le montant des travaux à près de 3 millions d’euros. Trouver de l’argent, c’est notre grand combat. »
Pour faire connaître ce monument « souvent oublié dans la région », Éric Guillemeau a invité officiellement plusieurs Présidents à venir visiter le hangar pendant les cérémonies du 6 juin : « S’ils viennent, je mettrai une cravate », promet-il rieur !
Anne-Louise Sevaux
Ouest France
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