LA FRANCE PITTORESQUE
Trésor (Un) du patrimoine
dans le grenier d’un château normand
(Source : Ouest France)
Publié le jeudi 9 mai 2019, par Redaction
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Deux statuettes d’angelots, estimées entre 1 et 1,5 million d’euros, seront vendues aux enchères le 16 mai. Ce sont des chefs-d’œuvre de la Renaissance allemande, datant du XVIe siècle. Les historiens de l’art avaient perdu leur trace depuis plus de 200 ans... Les sculptures ont été retrouvées en Normandie, dans la Manche : elles étaient restées enfermées dans le grenier du château de Martinvast, près de Cherbourg
 

Un trésor du patrimoine de la Renaissance a refait son apparition dans le grenier du château de Beaurepaire à Martinvast, près de Cherbourg-en-Cotentin (Manche). Il s’agit de deux statuettes, deux putti (angelots nus, dans la peinture italienne), chefs-d’œuvre de la Renaissance allemande, sculptées dans la pierre vers 1525-1530.

Ces statuettes proviennent de la collection de la famille Schickler-Pourtalès, propriétaire du château, qui sera dispersée chez Sotheby’s, le 16 mai. Leur histoire est romanesque. Ils sont estimés entre 1 et 1,5 million d’euros.

Les deux putti, chefs-d'oeuvre de la Renaissance allemande, sculptés dans la pierre vers 1525-1530

Les deux putti, chefs-d’oeuvre de la Renaissance allemande, sculptés dans la pierre
vers 1525-1530. © Crédit photo : collection Schickler-Pourtalès / Sotheby’s

De quel joyau du patrimoine parle-t-on ?
En 1509, la célèbre famille Fugger, des marchands et banquiers installés à Augsbourg, en Allemagne, érigent une chapelle familiale. Les décors sont réalisés dans le style Renaissance à la manière italienne. Le duo de putti orne alors la balustrade de la chapelle. Les deux statuettes représentent des angelots à la mine boudeuse et au corps potelé, accoudés sur un globe.

« Ils ont été sculptés dans une pierre calcaire qui ressemble à du marbre. La qualité du modelé est remarquable. La robe est richement décorée. C’est un décor en haut relief avec beaucoup de drapé. Ils sont dans un état de conservation exceptionnel ! s’enthousiasme Ulrike-Christina Goetz, directrice du Département sculptures chez Sotheby’s. C’est une découverte formidable pour le milieu de l’art, c’est rarissime. Ce qui fait leur valeur, c’est leur état de conservation et leur provenance prestigieuse car nous avons pu les identifier comme ayant été sculptés par Hans Daucher, un artiste qui a travaillé pour Charles Quint. »

Comment se sont-ils retrouvés dans le grenier du château de Martinvast ?
En 1818, la chapelle de la famille Fugger est démantelée et les sculptures, dispersées, se retrouvent sur le marché. Les spécialistes de l’art pensent que c’est à cette époque que le baron Arthur de Schickler (1828-1919), homme d’affaires et collectionneur, passionné par la Renaissance et le Moyen Âge, les acquiert.

Le château de Martinvast vu du ciel

Le château de Martinvast vu du ciel. © Crédit photo : Stéphane Geufroi / Ouest France

En 1867, cet héritier de banquiers prussiens achète le château de Martinvast, qu’il fait restaurer dans le plus pur style Renaissance. Le baron partage alors son temps entre Paris et son hôtel particulier (Le Ritz actuel) et son château de la Manche, où il installe une partie de sa collection d’œuvres d’art, dont son duo de putti. Deux sculptures dont les historiens de l’art avaient perdu la trace depuis plus de deux siècles…

Pourquoi la collection de la famille Schickler-Pourtalès est-elle dispersée chez Sotheby’s ?
Même si quelques pièces de cette collection en provenance du château ont déjà été cédées, notamment au Metropolitan Museum de New York, la fabuleuse collection d’Arthur de Schickler « a été quasiment préservée intacte, dans son jus, pendant quatre générations », révèle Ulrike-Christina Goetz. Jusqu’au décès, en 2018, à l’âge de 90 ans, de l’arrière-petit-fils d’Arthur de Schickler, Christian de Pourtalès, « qui vivait toujours dans son château manchois ».

Faut-il y voir un signe du destin ? Les descendants d’Arthur de Schinckler se séparent de la collection d’œuvres d’art familiale tout juste 100 ans après sa disparition.

Portrait de Mélanie de Bussière

Portrait de Mélanie de Bussière.
© Crédit photo : collection Schickler-Pourtalès / Sotheby’s

Quels sont les autres trésors de la collection Schickler-Pourtalès ?
Outre les deux putti, estimés entre 1 et 1,5 million d’euros, la vente Schickler-Pourtalès contient aussi des œuvres remarquables comme un retable, sculpté dans le chêne vers 1530, sur la vie de saint Lambert. Il est estimé entre 100 000 et 150 000 €. Cette œuvre avait été sauvée de l’incendie après les bombardements de 1944 dans le Cotentin.

Dans le catalogue de chez Sotheby’s, figurent également des tapisseries de l’âge d’or des Flandres ou encore des tableaux de famille, dont le portrait de Mélanie de Bussière, estimé entre 120 000 et 180 000 €. « Sur le marché de l’art, la prime est donnée aux œuvres dont on identifie l’auteur », rapporte Ulrike-Christina Goetz. D’où l’évaluation du duo de putti, identifié comme étant l’œuvre de Hans Daucher, à plus d’un million d’euros.

Bénédicte Renou-Jamots
Ouest France

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