Cette formidable aventurière a couru les 14 étapes et les 4888 km de l’édition 1908 mais n’a jamais été acceptée dans le classement. Retour sur une aventure exceptionnelle
Le 13 juillet 1908, une grosse centaine de coureurs s’élance depuis l’île de la Jatte à Neuilly-sur-Seine à l’assaut de la 6e édition du Tour de France. Quelques minutes plus tard, sur sa bicyclette, Marie Félicie Elisabeth Marvingt emboîte le pas de ces forçats de la route. Seule, cette aventurière de 33 ans va avaler comme les hommes les 4488 kilomètres (3 480 km pour l’édition 2019) répartis en quatorze étapes. Elle fera partie des 36 rescapés qui arriveront à bout de cet interminable parcours. Mais son nom n’apparaît pas dans la grande histoire des classements de la Grande Boucle.
Car cette aventurière aux mille exploits n’a pas été conviée par les organisateurs à intégrer le peloton. Sa demande d’inscription a été refusée. « Sa présence était tellement mal perçue par la direction de l’épreuve qu’elle n’a jamais voulu d’elle dans le classement. Et pourtant, elle faisait quasiment les mêmes temps que la plupart des coureurs. Nous sommes au début du XXe siècle et imaginer une femme dans une course cycliste pour les hommes était impensable », explique Sylvain Letouzé, auteur de Histoires insolites du Tour de France (Éditions City, 240 p, 17,50 euros).
« La femme la plus extraordinaire depuis Jeanne d’Arc » pour le Chicago Time
Malgré tout, l’exploit de l’Auvergnate, même hors-course, a été suivi par les journaux de l’époque en parallèle de la course officielle. « Les médias ont parlé d’elle de manière très factuelle avec respect mais jamais avec un ton moqueur. En 1908, boucler le Tour de France est déjà considéré comme étant un exploit monumental. Son engagement forçait donc le respect », poursuit le journaliste. Son coup d’éclat a même été remarqué hors de nos frontières. Le Chicago Tribune a parlé d’elle comme étant « la femme la plus extraordinaire depuis Jeanne d’Arc » !
À 80 ans, Marie Marvingt effectue un Nancy-Paris à bicyclette |
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Escrimeuse, alpiniste, nageuse et aviatrice
Véritable touche-à-tout, Marie Marvingt (voir photo ci-dessus lorsqu’à 80 ans elle décide de relier Nancy et Paris à vélo) s’était déjà fait un nom dans de nombreuses disciplines comme l’alpinisme, la natation, le patinage, l’escrime, le tir sportif ou encore l’aviation. Avant de vouloir s’inscrire au Tour de France elle avait déjà participé à plusieurs courses, Nancy-Bordeaux en 1904, Nancy-Milan et Nancy-Toulouse en 1906.
On lui a même attribué l’invention de la jupe-culotte pour permettre aux femmes d’être plus à l’aise sur une bicyclette. « Juste après le Tour de France, elle a traversé la Mer du Nord en ballon aux commandes d’un appareil baptisé l’Étoile Filante. Un nom qui colle parfaitement à cette héroïne du début du siècle ». Une première mondiale pour une femme.
Elle mettra quelques années plus tard ses compétences d’aviatrice au service de la France pendant la Première Guerre Mondiale qu’elle traversera encore avec plusieurs casquettes, dont celles d’infirmière et correspondante de guerre. Un engagement qui lui permettra de devenir la femme la plus décorée de France avec 34 distinctions, dont la Légion d’honneur et la Croix de guerre avec palmes.
Gilles Festor
Le Figaro
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