Dans sa combinaison grise, Dominique Coudé parcourt la Bretagne avec son alambic roulant. Ce natif de Monterrein, près de Ploërmel (Morbihan), est bouilleur ambulant. Il transforme le cidre en eau-de-vie.
Sur un petit parking, à l’entrée du bourg de Saint-Gobrien, entre Josselin et Ploërmel (Morbihan), une fumée blanche attire l’attention de quelques badauds. Ici, autour d’une drôle de machine qui fait un boucan d’enfer, des paysans patientent tranquillement en parlant météo, pommes de terre et nouvelles fraîches du jour.
S’ils sont là ce matin, c’est qu’ils ont rendez-vous avec Dominique Coudé. Ce natif de Monterrein, une commune située à quelques kilomètres de là, est l’un des quinze derniers bouilleurs ambulants de Bretagne qui, en 1950, en comptait 350. « Et ne dites pas que je suis bouilleur de cru. Le bouilleur de cru, c’est le client. C’est celui qui a récolté la pomme. Le bouilleur ambulant est le distillateur qui se met au service du premier », précise Dominique.
Dominique Coudé, bouilleur ambulant, parcourt la Bretagne avec son alambic roulant. © Crédit photo : Ouest France |
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La distinction entre les deux remonte au gouvernement de Pétain, qui a interdit en 1942 la distillation à domicile, ce qui a favorisé le travail du bouilleur ambulant. Une fois par an, Dominique Coudé passe par le petit village breton de Saint-Gobrien pour transformer, comme par miracle, le cidre en eau-de-vie. « On peut aussi appeler ça de la goutte ou encore du calvados ou du lambic », ajoute-t-il.
Une tradition, des taxes et une stricte réglementation
C’est avec passion que Dominique pratique ce métier qui, aujourd’hui, tend à disparaître. « Nous ne sommes plus beaucoup en Bretagne. Avant, on comptait deux bouilleurs par commune. Maintenant, je suis appelé à me déplacer jusqu’à Nantes et jusqu’à Guingamp », ajoute celui qui est aussi président des bouilleurs ambulants de Bretagne.
Après le décès de son père, Dominique a repris l’affaire de famille avec sa mère. « C’était en 1982. Et aujourd’hui, je suis sur la route sept à huit mois de l’année. La grosse saison, pour moi, c’est de février à début juillet. »
Dominique transforme le cidre en eau-de-vie. © Crédit photo : Ouest France |
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Alors que les tuyaux chauffent, que le bois crépite dans le poêle à l’arrière de la remorque et que l’eau-de-vie coule comme un ruisseau, Dominique en profite pour parler taxes et réglementation. La tradition des bouilleurs de cru remonte au début des années 1800, à l’époque Napoléonienne. « Un privilège accordé à vie et héréditaire qui permettait à son détenteur de produire ses propres eaux-de-vie tout en bénéficiant d’une exonération de taxes sur les 1 000 premiers degrés d’alcools produits, récapitule Dominique Coudé. Mais depuis 1960, la réglementation est passée par là. Aujourd’hui, on a le droit de faire bouillir 20 litres à 50 degrés en bénéficiant d’une détaxe de 50 % soit 87 €. Nous, on se bat pour que la remise de 50 % des taxes sur les dix premiers litres d’alcool pur passe à 75 %. Si ça ne bouge pas d’ici quatre ans, nous allons tous disparaître », prévient le bouilleur morbihannais.
Ce sujet fâche Dominique jusqu’à le faire bouillir... Pas la peine de le titiller alors qu’il est en train de distiller. « Si on ne touche pas à ces taxes, il y aura une répercussion sur la nature. Car distiller, c’est entretenir les vergers dans nos campagnes », rappelle Dominique. L’heure file. On laisse le bouilleur à ses barriques. Il est dans le jus.
Maël Fabre
Ouest France
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