LA FRANCE PITTORESQUE
Il n’est rien tel
que le plancher des vaches
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Publié le vendredi 27 mars 2020, par Redaction
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Il y a bien moins de danger à voyager par terre que par eau
 

Ce qui donna lieu à ce proverbe est une ancienne rancune qui existait toujours entre le conseiller d’État Jean-Antoine de Mesmes (1640-1709), comte d’Avaux et ambassadeur de Louis XIV en Hollande — il négocia pour la France la paix de Nimègue, qui mettait un terme à la guerre de Hollande (1672–1678) —, et l’amiral hollandais Michiel Ruyter (1607-1676), surnommé le Grand Ruyter, l’un des plus grands hommes de mer qui aient paru dans le monde.

Le comte d’Avaux refusa un jour un dîner que Ruyter voulait lui donner à bord de son bâtiment, sous prétexte que la mer lui faisait mal. Ce brave marin, piqué d’un refus auquel il ne s’attendait pas, dit hautement que probablement Monsieur d’Avaux était attaqué de la rage, parce qu’il redoutait l’eau ; mauvaise plaisanterie que le comte d’Avaux ne put jamais oublier.

Jean Antoine de Mesmes (1640-1709), comte d'Avaux. Portrait réalisé par Herman-Hendrik Quiter vers 1675
Jean Antoine de Mesmes (1640-1709), « comte d’Avaux ».
Portrait réalisé par Herman-Hendrik Quiter vers 1675

La Hollande s’étant attiré les grands malheurs qu’elle essuya, en 1672, par la conduite peu mesurée de ses ambassadeurs dans toutes les cours d’Europe, par l’insolence de ses gazetiers, et par les médailles qu’elle avait fait frapper, perdit en moins de trois mois plus de 40 places fortes, et se vit obligée de demander la paix sous des conditions humiliantes.

Le comte d’Avaux fit l’impossible pour engager le marquis de Louvois, ministre de la Guerre de Louis XIV, à les refuser : « Il ne reste plus, dit-il, à la Hollande pour se sauver du naufrage qui la menace, qu’une vieille planche en la personne de son amiral Ruyter, et, rien de plus facile que de la lui arracher. »

L'amiral hollandais Michiel de Ruyter. Estampe de Gerbrant van den Eeckhout (1621-1674)
L’amiral hollandais Michiel de Ruyter. Estampe de Gerbrant van den Eeckhout (1621-1674)

L’amiral hollandais, informé de ce discours, fit insérer dans les papiers publics d’Amsterdam : « D’Avaux me fait bien de l’honneur de me regarder comme une planche, encore utile à ma patrie ; il prétend qu’il serait très facile de la lui enlever. Le seul chemin à prendre serait d’en venir donner avis au brave d’Estrée, qui commande contre moi ; mais le prudent d’Avaux s’en gardera sûrement, car il sait trop bien qu’il n’est rien de tel que le plancher des vaches. »

Cette dernière phrase, répétée et répandue partout par les ennemis du comte d’Avaux, finit par passer en proverbe, pour dire, qu’il y a bien moins de danger à voyager par terre que par eau.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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