LA FRANCE PITTORESQUE
Ne se soucier
ni des rais ni des tondus
(D’après « Parémiographe français-allemand ou Dictionnaire des métaphores
et de tous proverbes français adaptés et sanctionnés
par l’Académie française » (par Jacques Lendroy), paru en 1820)
Publié le vendredi 3 avril 2020, par Redaction
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Ne se soucier de personne
 

Cette expression tire son origine de la ville de Troyes, en Champagne, au sujet du trait d’histoire suivant. Il est de fait que Troyes est la patrie du pape Urbain IV (1261-1264), de son nom Jacques Pantaléon, qui de fils de cordonnier, parvint à la tiare par ses mérites distingués et ses talents vraiment supérieurs.

Il avait une sœur d’une beauté éclatante et d’une vertu encore plus éminente. Nombre de jeunes gens briguèrent sa main, mais elle ne se décida pour aucun. Enfin un certain Rez, le fils d’une des premières familles bourgeoises de la ville, lui proposa son cœur. Soit l’appât d’une fortune aussi brillante que celle du jeune Rez, soit justice rendue aux qualités de son amant, elle donna sa parole, et la cérémonie eut lieu quelques jours après.

La première barbe. Chromolithographie de la fin du XIXe siècle
La première barbe. Chromolithographie de la fin du XIXe siècle

Cette famille de Rez, qui possédait le hameau de La Grande-au-Rez traversé par la route de Sens, était devenue si puissante en biens et en autorité, qu’elle était réellement redoutable à tous les habitants ; car les fabriques et les manufactures considérables qu’elle avait dans la ville de Troyes y faisaient vivre quantité d’ouvriers et de pères de famille, qui lui étaient cordialement dévoués. C’était donc une forme de menace ordinaire que d’user à quelqu’un de ces mots ou de semblables : « Je le dirai ou ferai savoir au Rez ».

Enfin un des habitants de ce temps-là, ennuyé de ce qu’on ne cessait de prôner cette famille et de relever les avantages qu’elle procurait à l’État et à la ville, s’écria avec colère : « Je ne me soucie ni des Rez ni des tondus. » Il voulait, par ce calembour, faire allusion au mot rait, terme vieux et burlesque qui signifie raser. Aussi lisons-nous encore dans Molière : Un barbier rait l’autre. À barbe de fou, on apprend à raire.

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