LA FRANCE PITTORESQUE
Trésor découvert à Saint-Denis :
210 sépultures et 60 sarcophages
retrouvés sous la basilique
(Source : Le Point)
Publié le jeudi 20 avril 2023, par Redaction
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À l’occasion des fouilles précédant la reconstruction de la flèche de la basilique de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), les archéologues ont mis au jour des sépultures mérovingiennes et carolingiennes qui permettent de retracer plus d’un millénaire d’histoire
 

Le chantier de reconstruction de la tour nord et de la flèche de la basilique Saint-Denis a réservé une belle surprise aux archéologues. Les fouilles préalables au lancement des travaux ont en effet révélé un cimetière dont les plus anciennes sépultures remontent au Ve siècle. « Nos explorations conduites depuis juin dernier devaient théoriquement s’arrêter en octobre mais devant l’ampleur des découvertes que nous avons faites, nous avons obtenu de poursuivre nos recherches jusqu’à la fin mai », indique Ivan Lafarge, responsable des opérations de fouilles.

Sur une emprise de 430 m2 environ, située au pied du portail occidental de la cathédrale, les chercheurs issus du service archéologique de la ville de Saint-Denis, du département et de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) ont exhumé 211 tombes.

Basilique de Saint-Denis et Maison d'éducation de la Légion d'honneur vues depuis le beffroi de l'hôtel de ville
Basilique de Saint-Denis et Maison d’éducation de la Légion d’honneur vues depuis le beffroi
de l’hôtel de ville. © Crédit photo : Pascal Lemaitre, Centre des monuments nationaux

La présence d’un cimetière en ce lieu n’a pas vraiment surpris les spécialistes. La basilique, on le sait, abrite une nécropole royale depuis le VIe siècle. Dans le sillage de saint Denis dont la légende raconte qu’il aurait été supplicié à Montmartre en 250 après J.-C. et aurait couru la tête entre les mains avant de s’effondrer près de six kilomètres au nord de Lutèce, sur le territoire de la commune de Saint-Denis, baptisée en son honneur, un pèlerinage s’est développé dès la fin de l’Antiquité.

Près de la nécropole royale
La belle-fille de Clovis, la reine mérovingienne Arégonde, se fait enterrer près de la tombe présumée du saint dans une première église, dédiée à sainte Geneviève, en 580. « C’est la plus ancienne sépulture identifiée grâce à son anneau sigillaire. Mais il est possible que des rois antérieurs aient aussi été inhumés là sans qu’on ait pu déterminer leur rang », indique l’anthropologue Cyrille Leforestier, par ailleurs archéologue à l’Inrap. Parmi les 70 monarques enterrés aux côtés d’Arégonde figurent, outre Dagobert (602-639), Pépin le Bref (715-754), Hugues Capet (939-996), Saint Louis (1214-1270), François Ier (1494-1547), Henri III (1551-1589), Louis XIV (1638-1715) et toute sa descendance. À quoi s’ajoutent près d’une centaine de hauts serviteurs de l’État sous l’Ancien Régime.

Jadis situé à l’extérieur de la basilique, le cimetière actuellement fouillé ne compte pour sa part aucun prince. « Ce sont des anonymes de moindre rang, mais nous n’excluons pas que figurent parmi eux quelques personnalités privilégiées », émet Cyrille Leforestier. Dans l’une des tombes ont en effet été retrouvées des traces de fil d’or qui laissent penser qu’une dépouille portait une coiffe précieuse. Et un pendentif présentant des motifs d’aigles, également en or, a été retrouvé au fil des excavations sans qu’on puisse déterminer de quelle tombe il provenait.

Dégagement des squelettes déposés à l'intérieur des cuves de sarcophages mérovingiens (fin Ve-VIe siècle) lors des fouilles de la basilique de Saint-Denis en mars 2023
Dégagement des squelettes déposés à l’intérieur des cuves de sarcophages
mérovingiens (fin Ve-VIe siècle) lors des fouilles de la basilique de Saint-Denis en mars 2023.
© Crédit photo : Emmanuelle Jacquot/Département de la Seine-Saint-Denis

Des sépultures du Ve au XIVe siècle
Rien d’étonnant à ce que de nombreuses questions demeurent en suspens. Ces sépultures datées du Ve au XIVe siècle ont été malmenées par le temps. Au moins l’une d’entre elles a été clairement pillée. Lors des travaux d’agrandissement de l’édifice religieux, des sarcophages ont par ailleurs été déplacés. D’autres ont été abîmés, notamment par les pieux en bois plantés dans le sol pour supporter l’échafaudage utilisé, à partir de 1135, pour agrandir la basilique voulue par l’abbé Suger. Le mobilier retrouvé est d’autant plus modeste (il ne compte que quelques boucles de ceinture, des épingles et un couteau métallique) qu’à partir du VIe, ce cimetière a surtout accueilli des dépouilles de moines. « Un monastère bénédictin a très tôt été installé sur place », explique Ivan Larfarge.

En cette mi-avril, les corps sont toujours visibles dans leurs caveaux en calcaire. Ils seront transférés en lieu sûr dans quelques jours avec un certain nombre de « trésors ». Tels ces chapiteaux romans réemployés en parements de paroi au XIIe siècle (certains blocs ont été finement sculptés). Telles encore ces rarissimes gravures repérées sur certains des 60 sarcophages mérovingiens et carolingiens retrouvés dans les strates les plus anciennes, à plus de 4,5 m du niveau du sol. Ceux-ci continuent d’être fouillés. Parmi eux, les archéologues ont eu la surprise de découvrir un « géant » pour l’époque. « L’un des corps mesure près de 1,85 m (soit 20 cm de plus que la moyenne, NDLR), ce qui a nécessité qu’on rallonge la cuve funéraire qui l’abrite », expose Cyrille Leforestier.

Décors moulés d'un sarcophage, dans les sous-sols de la basilique de Saint-Denis
Décors moulés d’un sarcophage, dans les sous-sols de la basilique de Saint-Denis.
© Crédit photo : Emmanuelle Collado, Inrap

La génétique au secours des archéologues
Des prélèvements ADN ont été réalisés pour déterminer les liens de parenté des morts, mais aussi pour comprendre si les défunts avaient été malades. « Un programme, conduit par le service régional d’archéologie, l’Institut Max Planck en Allemagne et l’université Harvard aux États-Unis, vise à étudier à l’échelle mondiale l’ampleur de l’épidémie de peste dite de Justinien (qui sévit sur le pourtour méditerranéen entre le VIe et le VIIe siècle, NDLR) », évoque Nicolas Girault, qui a prescrit cette campagne de fouilles au nom de la Direction régionale des affaires culturelles.

Si les archéologues laissent la place, à partir de juin prochain, aux ouvriers chargés de reconstruire la tour nord de la basilique, ils n’en auront pas tout à fait fini d’explorer les sous-sols de Saint-Denis. Place Jaurès, juste en face de la basilique, une autre équipe fouille plus de 4 500 m2 depuis janvier. « Nous prévoyons de continuer nos travaux un peu plus loin, pendant l’été, à l’angle de la place Victor-Hugo. Ces chantiers archéologiques devraient nous permettre de mieux comprendre la trame urbaine de la ville à l’époque médiévale », conclut Ivan Lafargue.

Baudouin Eschapasse
Le Point

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