Le Mont-Saint-Michel attire un public nombreux. Près de trois millions de visiteurs chaque année qui se ruent sur la terrasse de l’Ouest et sur le cloître mais de nombreux lieux somptueux sont interdits aux touristes. Pour les découvrir il faut avoir les clefs des entrailles de l’abbaye. Suivez le guide !
Pour cette année qui célèbre les 1000 ans de l’impressionnante église abbatiale sur les hauteurs du Mont Saint-Michel, la foule est toujours plus nombreuse. Le cap des trois millions de visiteurs dans l’année peut être franchi. Certains jours, c’est près de 35 000 touristes qui déferlent dans les ruelles étroites qui mènent à l’abbaye qui domine le village et ses remparts.
« 80% de l’abbaye du Mont-Saint-Michel est ouverte à tous les visiteurs », assure François Saint-James, guide conférencier. Pour les visiteurs, l’église abbatiale, la terrasse de l’Ouest et le cloître avec son décor entre ciel et mer font partie des incontournables. Pour découvrir les secrets du Mont-Saint-Michel, il faut aller dans ses entrailles. Alors que nous sommes dans la majestueuse église abbatiale, qui ouvre la visite de l’abbaye, François Saint-James nous entraîne hors de la foule. « Venez avec moi, je vous amène dans un endroit qui m’est très cher ». Immédiatement nous sortons du parcours officiel en empruntant une petite porte sur l’aile à droite du chœur de l’église.
Le petit pont de bois
Les clefs de l’impressionnant trousseau s’entrechoquent. La vieille porte en bois laisse apparaître un petit pont en bois, à l’allure d’un tunnel à colombages. « Nous sommes au-dessus de l’escalier qu’empruntent tous les visiteurs pour visiter l’abbaye, l’escalier du grand degré ». Au-dessus, il y a ce petit pont de bois qui date du début du XVIe siècle. « Ce pont est le passage des logis abbatiaux vers l’église. Le père abbé qui vivait au Moyen Âge dans les logis abbatiaux au Sud du Mont, pouvait traverser le pont et rejoindre l’église sans être dérangé par les pèlerins ». Ce petit pont des soupirs du Mont-Saint-Michel est l’un des nombreux lieux que les touristes ne peuvent découvrir.
Les cachots du Mont-Saint-Michel
L’escalier de l’horloge et les tribunes de l’église abbatiale
En revenant dans l’abbatiale, François Saint-James s’arrête devant une autre petite porte toujours sur l’aile Sud. Le pétillant guide nous glisse, « venez, je vous amène par l’escalier de l’horloge ». Un escalier de pierre construit au début du chantier du Mont-Saint-Michel. « Si vous descendez, vous toucherez des pierres qui datent de 1023. Vous touchez l’origine du Mont. Ces pierres, ce granit vient des Iles Chausey, mais l’escalier est en pierres de Caen venues par bateaux. »
Toujours par l’escalier de l’horloge, en remontant prudemment dans ce passage étroit, un nouvel espace apparaît. « Nous surplombons l’église abbatiale de l’intérieur depuis les tribunes sud. Nous sommes au cœur des tribunes sculptées au XIe siècle. » L’église est tellement haute que le calme est saisissant entre la foule en contrebas qui fourmille dans le chœur de l’église et cette position qui offre une vue privilégiée sur l’immensité de l’église.
Depuis les terrasses de la nef, François Saint-James nous fait remarquer les traces des incendies qui ont dévasté le Mont-Saint-Michel. « Le Mont a vécu, au cours des siècles, une douzaine de grands incendies dont deux terribles. Un en 1776 et l’autre 1834 ». Si l’incendie de 1776 est dû à la foudre, celui de 1834 est lié « aux 600 détenus entassés » dans l’abbaye, nous souffle notre guide. « Un certain nombre de détenus apprenaient à restaurer l’abbaye. Rendez-vous compte, des détenus qui restaurent leur prison. »
Les cachots, la légende noire du Mont
Parmi les lieux mystérieux, les cachots n’offrent leurs secrets qu’à quelques initiés. François Saint-James en fait partie, ainsi que Delphine Davy. Cette enseignante à comme mission particulière de faire découvrir le Mont-Saint-Michel aux écoliers de la Manche. « Les cachots étaient le quartier disciplinaire de la prison. Ils servaient à punir les prisonniers qui avaient commis des fautes », précise la guide en nous présentant ces minuscules cellules de pierre.
Durant des années, particulièrement après la Révolution française, toute l’abbaye était une prison où s’entassaient les détenus. Dans ce lieu sombre et humide situé dans les sous-sols de l’abbaye, une trace réelle du passage d’un prisonnier dans le cachot est encore visible. « Ce graffiti sur la porte est émouvant, fait remarquer Delphine Davy. Le prisonnier a gravé son corps, sa tête, l’âge (32 ans) qu’il avait en entrant dans cette prison. Il y a l’année 1827, lorsqu’il a été enfermé et l’année 1846 où il est sorti. Il y a aussi la liste des peines qu’il a pu subir lors de ses passages au cachot. »
La chapelle Notre-Dame-sous-Terre
La religion est au cœur du Mont-Saint-Michel. En se perdant dans les couloirs de l’abbaye, une lourde porte se cache, dissimulée dans l’ombre d’un des nombreux escaliers. La foule passe sans la remarquer. François Saint-James la fait grincer. Derrière se trouve l’église Notre-Dame-sous-Terre.
L’église Notre-Dame-sous-Terre du Mont-Saint-Michel
« La légende affirme que cette église est à l’emplacement de la première église bâtie entre 708 et 709, l’église de Saint Aubert, dont on peut voir encore le mur originel derrière l’autel ». Pour François Saint-James, « tout commence ici, avec ce mur du début du VIIIe siècle. »
Cette église, qui a plus de 1000 ans, n’a pas été oubliée. « Pendant des siècles, tous les 16 octobre, les moines de l’abbaye venaient chanter l’office ici ». Et encore aujourd’hui, les frères et les sœurs du Mont se retrouvent ici, à 7h du matin tous les 16 octobre, pour chanter l’office. « Dans ce lieu, un lien perdure entre le 16 octobre 709 et nos jours », prononce avec émotion le guide de l’abbaye.
Des lieux comme ceux-ci, il en existe partout dans l’abbaye du Mont-Saint-Michel. Au-dessus de la salle des cachots, un espace composé de deux pièces est inconnu des visiteurs. Il hébergeait la fameuse cage suspendue utilisée pour enfermer les prisonniers politiques. Le dernier, un chevalier qui voulait épouser la bonne de sa mère y a passé de longues journées à la fin du XVe siècle.
François Saint-James encourage le visiteur à prendre son temps. Beaucoup traversent uniquement les lieux, « s’ils ne prennent pas une visite guidée, ils ne se rendent pas compte de ce qui les entoure ».
Benoît Thibaut
France 3 Bretagne
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