Comme le Cantal ou encore la fourme d’Ambert, il fait partie des fromages mythiques d’Auvergne : le saint-nectaire. Mais savez-vous comment il est produit ? Rencontre avec un fromager-affineur qui nous livre ses secrets
Une croûte grise, un léger goût de noisette et un cœur tendre et crémeux... on vous parle bien évidemment du fromage saint-nectaire. Dans le GAEC de Montaleix dans le Puy-de-Dôme, Christophe, fromager et affineur, bichonne tous les jours ce trésor du terroir auvergnat. C’est ici, au cœur de la chaîne des volcans d’Auvergne, à plus de 1200 mètres d’altitude que son saint-nectaire est produit.
Chaque matin, dès 5h30, Christophe est sur le pont. Dès la traite terminée, il récupère les 1000 litres de lait de sa centaine de vaches laitières. Dans la salle de fabrication, Christophe doit faire vite. Près de 80 saint-nectaire fermiers doivent être préparés aujourd’hui. Charlotte sur la tête, blouse, gants et sabots, Christophe est paré pour fabriquer un délicieux saint-nectaire.
Une fabrication rigoureuse
De la traite des vaches à l’affinage, toutes les étapes de fabrication de ce fromage auvergnat sont réalisées dans l’exploitation familiale. Christophe commence la première étape : le décaillage. Le fromager détaille cette phase cruciale : « Tout le lait va être stocké dans la cuve pour être réchauffé à 32°C exactement. Dès la collecte du lait, on va mettre de la présure, ce qui va permettre au lait de cailler. Au bout de 30 minutes, on va commencer à découper le lait caillé pour avoir des grains de la taille de grains de maïs. Plus le lait est riche en matière grasse, plus il va falloir le découper finement. C’est aussi pour avoir des lots de fromages identiques et ainsi d’éviter d’avoir des fromages trop fermes ou trop souples. Cette période de décaillage va durer 7 minutes, pas plus, pas moins. Au bout de ces 7 minutes, on va retirer les tranches caillées. Il faut savoir que sur les 1000 litres de lait on récupère seulement 20 % de la masse globale ».
Christophe passe ensuite à la phase de moulage. Le fromager remplit les moules aux trois quarts. La faisselle sera ensuite pressée pendant 2 minutes pour donner sa forme au fromage. Une forme qui doit répondre à des normes bien spécifiques : 1,5 kg et 22 cm de diamètre. Au bout des deux minutes, rebelote. Il les retourne et les presse de nouveau pendant deux minutes. Les fromages sont ensuite salés et enveloppés dans une toile en lin auquel on ajoute un cercle en inox afin qu’ils conservent bien leur forme.
Les gestes de Christophe sont précis et rapides. « Il faut aller vite », martèle le fromager. Il précise : « À partir du moment où on met la présure dans le lait chauffé à 32°C, il faut à tout prix éviter de perdre un seul degré dans la pâte. C’est pour ça que je dois aller vite. Ça peut engendrer des problèmes d’égouttage. On pourra les presser comme on veut, ça n’égouttera pas ».
Les gestes sont répétitifs. La chorégraphie millimétrée. C’est certainement grâce aux 15 ans de métier de Christophe que le fromager a atteint cette incroyable dextérité. Après calcul, Christophe estime que près de 100 000 saint-nectaire sont passés entre ses mains d’expert. Ce fromage n’a plus de secrets pour lui. « Depuis petit, je suis intrigué par la fabrication de ce fromage, se souvient-il. Mon premier travail a été dans la fabrication du saint-nectaire. Et depuis, je n’ai pas connu d’autres fromages que celui-ci. Malgré toutes ces années, je ne m’en suis jamais lassé. Ça reste même mon fromage préféré ».
Une fois la phase de moulage terminée, Christophe empile les 80 fromages du jour sur le pressoir. Ils resteront 10 heures sous pression afin d’en extraire toute l’eau. Les saint-nectaire vont ensuite être démoulés pour être stockés en chambre froide pour 48 heures. La production du matin est désormais terminée. Ou presque. Christophe enchaîne avec une grande séance de nettoyage afin que l’atelier soit parfaitement propre pour la production du soir. « L’hygiène c’est 80% du job », lance-t-il armé de son pistolet à eau.
Christophe, fromager, enveloppe les saint-nectaire dans une toile de lin lors de la phase de moulage.
© Crédit photo : Manale Makhchoun / France Télévisions
L’affinage, une affaire de patience
Quand Christophe nous emmène dans le hall de l’exploitation, on marche sans le savoir au-dessus du trésor du fromager. En descendant les escaliers, dans la galerie souterraine, nous arrivons dans un couloir voûté creusé dans la pierre. C’est la salle de repos de ces fromages uniques : la cave d’affinage. Dans ce sous-sol, la température est maintenue entre 9 et 12°C.
En ouvrant la porte, un épais brouillard couvre les fromages. La raison : un taux d’humidité fixé à 92 %. Grâce à cette atmosphère, les fromages acquièrent tout doucement leur croûte si particulière. Ils passent d’une couleur jaune à grise grâce aux moisissures accumulées, appelées mucor ou poils de chat.
Le fromager-affineur explique comment ces fromages sont bichonnés : « Dès qu’ils entrent en cave, ils vont tout d’abord être lavés, grâce à une saumure, frottés et retournés. Au bout de cinq jours, ils vont subir un deuxième lavage. Et éventuellement un troisième. Et ensuite, jusqu’à la date de vente, ils vont être frottés et retournés chaque semaine ». C’est dans ce savoir-faire propre à l’affineur que réside le secret de la saveur et l’onctuosité incomparable, selon Christophe : « Chaque étape est importante. Il suffit qu’une seule soit ratée pour rater le saint-nectaire ».
Un minimum de 28 jours est nécessaire au fromage pour passer de l’ombre à la lumière. Christophe décrit les différents stades de maturation du saint-nectaire : « Au bout des quatre premières semaines, le fromage sera très doux, de cinq semaines plutôt fruité, et au bout de six semaines, il aura plus de caractère. Au-delà de six ou sept semaines, le fromage sera trop fort en bouche ». Ce jour-là, l’affineur va frotter et retourner pas moins de 2000 fromages.
Tout en brossant ces jolies croûtes fleuries, Christophe livre de précieux conseils : « Le moment le plus propice pour manger du saint-nectaire, c’est le printemps. C’est à cette période que le troupeau est nourri avec de l’herbe fraîche, et notamment de la fleur de pissenlits. On va ainsi avoir un fromage très gras qui fait ce goût si particulier. Ensuite, pour bien choisir son saint-nectaire, il faut tester sa souplesse. Un fromage souple est un fromage crémeux donc avec du bon goût ». Le fromager en profite pour éloigner quelques idées reçues. « La croûte peut être mangée. C’est plein de penicillium, très bon pour la santé », souligne l’affineur.
Un fromage AOP
Chaque année, ce sont 55 000 saint-nectaire, produits avec 700 000 litres de lait, qui sortent de l’exploitation de Thibault et de son frère Tristan. Ils ont fait le choix de tout centraliser dans leur ferme : la production, la transformation, l’affinage mais aussi la vente. Chacun des saint-nectaire fabriqués possède l’appellation d’origine protégée (AOP). Elle garantit l’origine et les procédés de fabrication de ce fromage d‘exception.
Cinq saint-nectaires disposés dan l’ordre de durée d’affinage : d’une semaine (à droite)
à cinq semaines (à gauche). © Crédit photo : Manale Makhchoun / France Télévisions
Il détaille les différents critères pour bénéficier de cette appellation : « La principale contrainte est la zone de production. Toute l’alimentation doit provenir du lieu de production. On a 280 hectares qui se situent dans la zone de production AOP. Pour cela, nous avons que des prairies naturelles qui vont donner cette richesse et ce goût au saint-nectaire. C’est l’alimentation des vaches qui va conditionner le lait et donc le fromage. L’autre critère demandé est que les vaches doivent naître dans la zone de production. Il y a également le fait que le lait ne doit pas être réchauffé. C’est pour cela qu’on traite le lait immédiatement après la traite. Et bien évidemment, le fromage doit être fabriqué dans la zone de production ».
Située entre le Puy-de-Dôme et le Cantal, la zone AOP saint-nectaire est l’une des plus petites zones AOP d’Europe. Pour continuer à faire rayonner ce trésor auvergnat, le GAEC de Thibault organise des visites de toutes les étapes de fabrication. « On essaie de faire connaître au public notre savoir-faire paysan et surtout de le transmettre", souligne le co-gérant de la ferme de l’Oiseau. Incontournable en plateau ou en cuisine, ce fromage au goût inimitable n’a désormais plus de secrets pour vous.
En savoir plus :
Site Internet de la Ferme GAEC de l’Oiseau : https://www.saintnectaire-ferme-oiseau.com
Manale Makhchoun
France 3 Auvergne Rhône-Alpes
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