L’entreprise perpétue un savoir-faire exceptionnel : celui de la brosserie de luxe faite main. Découverte à Mouy dans l’Oise du dernier brossier artisanal de France et l’un des rares encore existants dans le monde.
Cela fait 148 ans que les machines produisent leur cliquetis dans les ateliers de Fournival Altesse à Mouy dans l’Oise. Une longévité exceptionnelle alors que l’entreprise, qui emploie 35 salariés, a frôlé la fermeture définitive en 2005. À sa création en 1875, l’entreprise fabriquait des brosses à dents façonnées dans l’os de fémur de bœuf et de cheval ou même en ivoire. C’est en 1920 qu’elle se spécialise dans la production de brosses à cheveux. Une activité qui tourne aujourd’hui à plein régime.
Expertise et savoir-faire
Les brosses fabriquées ici sont en effet exceptionnelles, car essentiellement fabriquées à la main. C’est tout juste si, à certains postes, apparaissent des commandes numériques. Angélique, 18 ans d’ancienneté chez Fournival, travaille sur une de ces machines nouvelle génération. Et si la machine à empoiler qu’elle surveille fait quasiment tout, l’œil humain reste nécessaire pour les finitions. Avec une paire de petits ciseaux, l’opératrice-monteuse, égalise les poils en nylon des brosses et palie les petites erreurs de la machine.
Chez Fournival Altesse, à Mouy dans l’Oise, les brosses
sont encore fabriquées principalement à la main. © Crédit photo : J.L Croci / FTV
« Quand il y a un petit manque de nylon, on a du mal à le voir. Donc, je mets un cure-dents pour pouvoir revenir dessus après, explique-t-elle. Parce que si on reste trop longtemps fixé sur un produit, on n’arrive pas à suivre. C’est très méticuleux. Il faut rester concentré. Même si parfois, on rigole quand même ! »
Fournival Altesse est l’héritière d’un savoir-faire typique de la vallée du Thérain. Au début du XXe siècle, on y dénombrait 80 brossiers et l’activité y faisait vivre des centaines de familles. Fournival Altesse est la seule survivante de ce passé industriel. Et ses salariés, des opérateurs passionnés, les derniers gardiens de cette activité devenue rarissime.
C’est le cas d’Olivier, en charge des vieilles machines que l’on utilise ici depuis des décennies. Mécanicien-régleur et responsable de l’atelier montage, c’est lui qui règle ce patrimoine vieillissant, mais précieux. Il doit les reconfigurer à chaque nouveau modèle de brosse et n’hésite pas à mettre la main à la pâte lors de pics d’activité. Comme c’est le cas ce jour-là, assis devant la machine n°38, une vieille dame qui date des années 50/60. « Elle marche très très bien, sourit-il. C’est une très bonne machine. Très fiable, très robuste. Une machine allemande. Increvable, j’ai envie de dire ! »
Assurer la relève
Fournival Altesse s’est positionnée sur le haut de gamme et le luxe depuis plusieurs décennies. Il faut compter près de 40 étapes pour fabriquer l’une de ces brosses en olivier, frêne, hêtre, parfois en bois précieux comme le macassar ou le palissandre. Un luxe à la française qui séduit partout dans le monde, notamment en Corée, au Japon ou aux États-Unis. En 2024, l’activité devrait connaître un bond de son activité de plus de 35 %. Sans le savoir-faire des salariés, pas d’excellence dans la production.
Et pour le directeur du site, il est primordial de former la relève pour préparer l’avenir de l’entreprise. Enzo, le fils d’Angélique, est en apprentissage depuis un an et demi. Une reconversion pour ce jeune homme de 22 ans, détenteur d’un CAP de maçon, mais qui s’épanouit pleinement dans cette nouvelle voie. « C’est ma mère qui m’a proposé de venir travailler ici. Et à l’heure d’aujourd’hui, ça me plaît. J’arrive à récupérer le savoir-faire et les compétences de mon tuteur. Et c’est un vrai plaisir, en fait ».
Les brosses à cheveux de luxe sont empoilées à la main
avec du fil de pêche et des poils de sanglier. © Crédit photo : J.L Croci / FTV
C’est Jean-Jacques qui forme Enzo. 75 ans bientôt, dont 60 dans la brosserie. Depuis plusieurs mois, il tâche de transmettre son savoir au jeune homme avant de raccrocher définitivement dans quelques mois. Le doyen de Fournival a déjà accompagné plusieurs jeunes comme Enzo. Pour lui, que des jeunes s’intéressent à un vieux métier comme celui de brossier, c’est une bonne nouvelle. « Mais il faut qu’il résiste ! Sourit-il. À la pression, etc. Parce que ce n’est pas évident comme métier : il faut être attentif. Quand on me voit faire, on pense que faire une brosse, c’est simple ! Mais... hein Enzo ? », se tournant vers son apprenti qui confirme : « C’est plus compliqué une fois qu’on y est ! C’est autre chose ! »
Un patrimoine industriel reconnu
Un peu à l’écart du bruit des machines, s’affairent à une table Stéphanie et Véronique. Ces deux opératrices-monteuses empoilent manuellement les brosses avec les poils de sanglier. Lesquels sont fixés par un fil de pêche inséré dans le manche. Un travail précis réalisé presque à l’aveugle. « Au fil du temps, au toucher et au coup d’œil, on sait quelle quantité on doit prendre et poser, explique Véronique. C’est une fierté de travailler pour Fournival Altesse. Parce que ce sont des brosses qui vont durer dans le temps. On sera peut-être partis que les brosses seront encore là ! »
Une fierté légitime. Car les plus grandes marques se montrent très friandes de cet objet de luxe vendu dans une trentaine de pays. Et pour la seconde fois, Fournival Altesse vient de décrocher à nouveau le label Entreprise du patrimoine vivant.
En savoir plus :
Site Internet : https://altesse-studio.com
Page Facebook : https://www.facebook.com/altessestudio
Jennifer Alberts
France 3 Hauts-de-France
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