L’histoire de la Gaule se divise en trois grandes époques : la Gaule indépendante, depuis les temps les plus reculés jusqu’à la naissance de Jésus-Christ ; la Gaule romaine, depuis la naissance de Jésus-Christ jusqu’en 406 ; la Gaule barbare, de 406 à 987. La Gaule, à l’époque où son histoire commence à prendre quelque certitude, c’est-à-dire deux siècles avant Jésus-Christ, était principalement composée (outre les Aquitains et les Liguriens, isolés dans le Midi) de Galls ou Celtes, et de Kimris, confondus sous le nom unique de Gaulois. Après plus d’un siècle et demi de luttes pour le maintien de son indépendance, elle fut entièrement soumise à la domination de Rome, et demeura associée au sort de cette ancienne maîtresse du monde, jusqu’à l’invasion définitive des Barbares, en 406.
Le sénat, en l’an 118 avant notre ère, avait déclaré Province romaine le pays compris entre le Rhône, les Alpes et les Cévennes. A l’issue de la sixième campagne contre les Gaulois, César fit de tout le pays, hors la Province, une deuxième province romaine qu’il appela Gaule chevelue, Gallia comata (50 av. J.-C.). Auguste partagea celle-ci en trois grandes provinces : l’Aquitaine, entre les Pyrénées, les Cévennes et la Loire ; la Belgique, entre la Seine et le Rhin ; la Lyonnaise (autrefois la Celtique), qui comprenait tout le centre.
Lyon fut la capitale du pays, la résidence des gouverneurs. La Province resta séparée sous le nom de Narbonnaise. Elle fut également appelée Gaule à braies, Gallia braccata, parce qu’elle avait conservé sous la domination romaine l’ancien vêtement gaulois, par opposition avec le nom donné jadis à la Gaule cisalpine de Gaule togée, Gallia togata, parce que la toge ou le vêtement romain avait remplacé la braie et la saie parmi les populations gauloises longtemps maîtresses de la partie de l’Italie voisine des rives du Po. La division établie par Auguste subsista jusqu’à Dioclétien (an 284 après J.-C.).
Physionomie des Gaulois
Le Gaulois était robuste et de haute stature ; il avait le teint blanc, les yeux bleus, les traits réguliers et imposants ; il donnait à ses cheveux, qui étaient généralement blonds ou châtains, une couleur d’un roux ardent, soit en les lessivant avec de l’eau de chaux, soit en les enduisant fréquemment d’une pommade caustique, composée de suif et de certaines cendres. Il les portait dans toute leur longueur, tantôt flottants sur les épaules, tantôt relevés et liés en touffe au sommet de la tête. Le peuple se laissait croître la barbe ; les nobles se rasaient le visage, à l’exception de la lèvre supérieure, où ils entretenaient d’épaisses moustaches.
Vêtements
A l’origine, la manière de se vêtir de nos pères était aussi simple, aussi sauvage que leur façon de vivre. Pendant la belle saison, ils étaient presque nus ; l’hiver, ils s’habillaient avec les peaux des bêtes fauves. Telle fut, comme dans tous les pays, la première époque de nos modes nationales.
La seconde époque date des relation des Gaulois avec les Phéniciens, les Grecs et les Latins, qui leur enseignèrent à filer la laine, à semer le chanvre, à ourdir la toile. A cette époque, ils apprirent eux-mêmes l’art de la teinture qu’ils transmirent à leurs voisins. L’habillement commun à toutes les tribus gauloises (Galls, Gallo-Kimris, Kimris-Belges), était tout à la fois simple et commode, et se composait presque universellement de la braie, de la tunique et de la saie.
La Braie - Esclave gaulois,
statue découverte à Athènes. |
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Braie ou pantalon
La principale partie de ce costume, le pantalon, ou braie (bracca ou braga), était large, flottant et à plis multipliés chez les races kimriques ; étroit et collant chez les peuples d’origine gallique, particulièrement dans la Gaule narbonnaise, surnommée Braccata. Il descendait en général jusqu’à la cheville du pied, où il était attaché.
Tunique ou chemise
Une espèce de tunique ou chlamyde très courte, véritable chemise à manches, d’étoffe rayée, leur tombait jusqu’au milieu des cuisses.
La Saie - Paysan gaulois, d’après Montfaucon. |
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Saie ou blouse
Par-dessus ces vêtements, les Gaulois portaient une saie rayée (sagum virgatum), comme la tunique, et décorée de fleurs, de disques, d’ornements variés, de figures de toute espèce, de bandes de pourpre, et de broderies d’or et d’argent. Le sarreau ou la blouse des paysans de quelques parties de la France peut donner une idée de la saie ; espèce de manteau formé de deux pièces carrées, avec ou sans manches, percé d’une ouverture pour passer la tête, couvrant le dos et les épaules, et s’attachant sous le menton avec une agrafe en métal.
Les dernières classes du peuple remplaçaient la saie par une peau de bête fauve ou de mouton, ou par une couverture en laine grossière, appelée dans les dialectes gallo-kimriques, linn ou lenn (linna). Nous n’avons trouvé nulle part quelle signification peut avoir le petit chien que cette figure tient sur le bras. Quant au gobelet, qui se retrouve également sur plusieurs monuments découverts en Bourgogne, Montfaucon pense qu’il pourrait marquer que c’était un pays où l’on faisait, comme aujourd’hui, des vins excellents.
On se servait encore d’un petit manteau richement décoré, ainsi que de courtes vestes à manches (cérampelines) ouvertes par-devant, teintes d’une belle couleur rouge, et fabriquées principalement chez les Belges-Atrébates, dont la capitale était Arras.
Le Bardocuculle
Gaulois en voyage,
d’après l’abbé Charlet
de Langres. |
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Les couleurs brillantes, surtout le roux et l’aurore, étaient les plus estimées. Les Atrébates avaient aussi des saies nommées cuculles ou bardocuculles, manteaux à capuchon ou chaperon, pareil à celui des capes du Béarn et que l’on conservait encore au XIXe siècle dans le Bigorre et les Landes ; vêtement d’hiver et de voyage, fabriqué à Saintes, et dont l’usage devint plus tard général en Italie, témoin ce vers de Martial : Gallia Santonico vestit te bardocuculle (La Gaule te revêt du bardocuculle de la Saintonge).
Le coffret qui se rencontre sur un certain nombre de monuments était, dans l’opinion de quelques auteurs, destiné à recevoir le gui sacré pendant la cérémonie religieuse du gui de chêne célébrée par les druides.
Coiffure et chaussure
Les Gaulois se couvraient la tête d’un bonnet d’étoffe ou de poil ; ils marchaient généralement nu-pieds ; cependant, l’hiver et par les temps de pluie, ils mettaient des semelles (soleae) sandales ou socques en bois ou en liège. Les riches avaient des espèces de babouches.
Serfs et hommes de poële
Les personnes non libres chez les Gaulois se divisaient en deux classes, les serfs et les hommes de poële (l’étymologie de cette dernière expression paraît être le mot latin potestas, puissance, pouvoir). Les serfs étaient attachés à la glèbe, c’est-à-dire à l’héritage, et vendus avec lui ; ils ne pouvaient s’établir ailleurs, ni se marier, ni changer de profession, sans la permission du seigneur, et ce qu’ils gagnaient était pour lui. Il s’en fallait de beaucoup que les hommes de poële fussent dans la même dépendance : le seigneur n’était le maître ni de leur vie, ni de leurs biens ; leur servitude consistait seulement à lui payer certains droits et à faire pour lui des corvées.
Toilette des femmes
Les femmes gauloises, grandes, belles et fortes, avaient l’air un peu dur, et celles de la classe riche se fardaient de rouge. Leur costume se composait d’une tunique large et plissée, sans manches ou avec des manches longues et étroites, ceinte au-dessus des hanches, laissant à découvert le haut de la poitrine, et descendant jusqu’aux pieds ; les riches l’ornaient de bandes de pourpre et d’or.
Par-dessus cette tunique, à la ceinture de laquelle elles attachaient une pièce d’étoffe en forme de tablier, elles endossaient, principalement en hiver, des manteaux semblables à ceux des hommes, et qui s’agrafaient sur l’épaule, ou des espèces de mantelets assez longs pour cacher les bras et les mains, et peu différents du camail de nos évêques. Quelques-unes portaient des poches ou sacs de cuir, nommés bulgae, et qui étaient encore en usage au XIXe siècle dans certains villages du Languedoc, où on les appelait bouls ou boulgètes.
Femme gauloise, d’après
un bas-relief de Langres |
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Une simple coiffe carrée était posée sur leurs cheveux, qui étaient séparés sur le front, et rattachés par-derrière. C’est du moins la coiffure que les sculpteurs gaulois ont donnée à la déesse Nehalennia (la nouvelle lune ou une des déesses-mères). Quelques femmes avaient un long voile qui ne cachait point le visage, mais seulement une partie du front et derrière la tête, d’où il revenait pour couvrir les épaules et le sein. Les plis qu’il formait s’arrangeaient parfaitement avec les tresses de la chevelure et les draperies du manteau.
La jeune fille dont nous reproduisons l’image, et qui tient à la main un seau à puiser de l’eau, est ainsi représentée sur un bas-relief, à Langres. Sa coiffure approche assez celle de nos villageoises. Sa tunique, qui ne descend que jusqu’à mi-jambes, est découpée en pointes par le bas, en manière de frange. Elle porte un tablier, ce qui est fort rare dans les anciens monuments.
Guerriers et armes
Les armes offensives des Gaulois étaient des frondes, des haches et des couteaux en pierre, des flèches garnies d’une pointe en silex ou en coquillage, des massues, des épieux durcis au feu qu’ils nommaient gais (d’où sont dérivés les mots galliques gaisde, armé ; gaisg, bravoure ; gas, force), et d’autres appelés catéies (en langue gallique gath-teh, dard brûlant), qu’ils lançaient tout enflammés sur l’ennemi.
On a trouvé fréquemment de ces armes en pierre, soit dans les tombeaux, soit dans les cavernes qui paraissent avoir servi d’habitations à la race gallique. Les armes en métal ne les remplacèrent que petit à petit : même après leur introduction, les Gaulois continuèrent encore longtemps à se servir aussi des premières. Leur armure défensive se bornait à un bouclier de planches grossièrement jointes, ou d’osier couvert de cuir, de forme étroite, allongée, presque de la hauteur d’un homme, et qu’ils ornaient de dessins colorés.
Soit par excès de courage, soit pour imposer à leurs ennemis, les Gaulois se dépouillaient de leurs vêtements au moment de livrer bataille, et combattaient nus ou presque nus contre des hommes couverts de fer. Ce ne fut qu’après bien des défaites, et vers le second siècle, qu’ils renoncèrent à cet usage.
Soldats gaulois, avant
la domination romaine.
Dessin de Wattier. |
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Lorsque le commerce étranger eut apporté aux Gaulois les armes en métal et l’art de les fabriquer eux-mêmes avec le cuivre et le fer de leurs mines, la tenue militaire de Rome et de la Grèce fut adoptée sur les bords de la Loire, du Rhône et de la Saône, et s’y combina bizarrement avec l’ancienne tenue militaire gauloise. Sur un casque en matière plus ou moins précieuse, suivant la fortune du guerrier, on attachait des cornes d’élan, de buffle ou de cerf, et pour les riches un cimier représentant en bosse quelque figure d’oiseau ou de bête farouche ; le tout surmonté de panaches hauts et touffus qui donnaient à l’homme un aspect gigantesque.
On clouait aussi de semblables figures plates ou en bosse sur les boucliers, qui étaient allongés, quadrangulaires et peints des plus vives couleurs. Ces représentations servaient de devise aux guerriers ; c’étaient des emblèmes au moyen desquels chacun d’eux cherchait à caractériser son genre de courage, ou à frapper son ennemi de terreur.
Un bouclier et un casque sur ce modèle ; une cuirasse faite par écailles ou en métal battu à la manière grecque et romaine, ou une cotte à mailles de fer, d’invention gauloise ; une énorme épée suspendue obliquement sur la cuisse droite à des chaînes de fer ou de cuivre, quelquefois à un baudrier tout brillant d’or, d’argent et de corail ; avec cela, le collier, les bracelets, les anneaux d’or autour des bras et au doigt médian (car les deux sexes avaient une passion également effrénée pour les bijoux) ; le pantalon, la saie à carreaux éclatants ou magnifiquement brodée ; enfin de longues moustaches rousses : tel était l’accoutrement militaire du noble Arverne (homme de haute terre, Auvergnat), Eduen (riverain de la Saône et de la Haute-Loire), ou Biturige (riverain de la Loire, de l’Allier et de la Vienne).
Outre ces armes, les Gaulois en avaient une particulière et de leur invention ; c’était une espèce de pique dont le fer, long de plus d’une coudée, et large de deux palmes, se recourbait vers sa base en forme de croissant, à peu près comme nos hallebardes, arme formidable qui hachait et lacérait les chairs, et dont l’atteinte était réputée mortelle.
Le peuple gaulois faisait de la guerre sa profession privilégiée, et du maniement des armes son occupation favorite : avoir une belle tenue militaire, se conserver longtemps dispos et agile, était donc non seulement un point d’honneur pour les individus, mais un devoir envers la cité. A des intervalles de temps réglés, les jeunes gens allaient se mesurer la taille à une ceinture déposée chez le chef politique de chaque village, et ceux qui dépassaient la corpulence officielle, sévèrement réprimandés comme oisifs et intempérants, étaient, en outre, punis d’une forte amende. Plusieurs de leurs tribus se teignaient le corps avec une substance bleuâtre ; quelques-unes se tatouaient.
Origine du luxe
L’introduction du luxe parmi les Gaulois forme le troisième chapitre de l’histoire de leurs modes. Des historiens ont prétendu qu’en adoptant de somptueux ornements, les Gaulois satisfaisaient moins à un goût frivole pour la parure qu’au noble orgueil d’étaler à tous les yeux les monuments de leurs exploits. Au retour de leurs expéditions lointaines, chargés de l’or et de l’argent des vainqueurs, ils s’en faisaient des colliers, des ceintures, des anneaux et des bracelets ; leurs tuniques étaient brochées de lames d’or ; leurs saies resplendissaient de ce métal, qui vint briller sur leurs casques et s’incruster dans leurs armes. Quelle qu’en soit l’origine, ce luxe ne tarda pas à être fatal aux Gaulois : énervés bientôt par des habitudes de mollesse, ils ne repoussèrent plus l’invasion étrangère avec le même courage et la même persévérance, et subirent enfin la domination de Rome.
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