L’étude des costumes, sujet en apparence frivole, est loin d’être dans utilité. En premier lieu, elle facilite l’intelligence des anciens monuments, des bas-reliefs, des tombeaux, des miniatures qui ornent tant de vieux manuscrits ; elle permet d’assigner à chacun d’eux sa date précise et son caractère particulier.
Elle sert aussi aux artistes dans leurs travaux, aux amateurs de leurs jugements. Si les peintres et les graveurs du XIVe et du XVe siècles ont représenté les sujets de l’histoire et de la fable avec les costumes de leur propre pays, de semblables erreurs ne seraient plus tolérées aujourd’hui, grâce aux recherches sur les costumes, heureusement comprises et commencées au XVIIIe siècle, continuées avec ardeur au XIXe.
Mais cette étude offre un intérêt plus général encore si on la considère dans ses rapports avec les habitudes, les lois et l’esprit de chaque époque. Il n’est point paradoxal de dire que la physionomie d’une nation, aux grandes phases de son histoire, se réfléchit fidèlement dans ses modes. Pour ne parler que de la France, les révolutions de nos moeurs ne sont-elles pas figurées presque toutes les révolutions de nos habits ? Avant Charlemagne, le costume est en quelque sorte l’image de la barbarie unie aux souvenirs de la civilisation. Au temps de la féodalité, où la guerre est la seule science, la noblesse le seul état, les hommes sont vêtus de fer, les femmes sont parées des armoiries de leurs époux. Le costume a quelque chose de plus poétique à l’époque brillante de la chevalerie.
Au seizième siècle, les gentilshommes, au retour de leurs campagnes par-delà les monts, adoptent les modes de l’Italie. La Renaissance exerce son influence sur le costume aussi bien que sur les arts : c’est le règne de l’élégance et du goût. La pompe espagnole domine à son tour après le mariage de Louis XIII. Une mode plus grave et plus digne succède : les vêtements ont plus d’ampleur ; le style est plus noble, plus grand : Louis XIV est roi.
Puis les moeurs se relâchent ; le caprice se joue des règles ; le luxe coquet et bizarre des habits se ressent d’un certain dévergondage de l’esprit et du coeur. Tout à coup, un orage gronde, éclate : tout cet état pâlit ; les couleurs s’assombrissent ; la décoration change ; les classes se confondent en une seule, et la variété des costumes se réduit à l’unité. Un habit simple, sévère, sans ornement, devient la seule parure du noble et du roturier, du riche et de l’artisan : le frac est un symbole du principe de l’égalité écrit dans la loi.
Ce ne sont là que les traits les plus généraux de l’histoire que nous entreprendrons de retracer au fil des chroniques de cette rubrique, et où l’on reconnaîtra à chaque pas l’influence des événements et des moeurs sur le costume. Le costume lui-même n’exerce-t-il pas en retour une influence sur les moeurs ? Les ordonnances contre le luxe de la toilette nous montreront peut-être que cette influence a été plus d’une fois justement redoutée.
Nous nous attacherons à reproduire, d’après les monuments originaux, la suite des types et des modèles nécessaires pour exprimer toutes les vicissitudes et les transformations successives des costumes. Quelquefois, pour les époques les plus obscures de nos annales, les monuments authentiques feront défaut ; nous consulterons alors les historiens, et nous traduirons leurs descriptions à l’aide du dessin.
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