LA FRANCE PITTORESQUE
Travaux, préceptes ruraux de novembre
(D’après De Re rustica de Palladius Rutilius, écrit vers le IVe siècle avant J.-C)
Publié le vendredi 16 avril 2010, par LA RÉDACTION
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Des grains, des fèves, des lentilles et du lin
Au mois de novembre, on sème le froment et le blé : c’est, du reste, le temps véritable des semailles ; et l’ensemencement est alors général. Cinq boisseaux de l’un et de l’autre grain couvrent un arpent. C’est aussi le moment de semer l’orge. On sème les fèves au commencement du mois. Elles demandent un terrain gras ou fumé, ou une vallée fertilisée par les sucs qu’elle reçoit des hauteurs voisines. On commence par les semer, ensuite on laboure, et l’on forme des sillons. Elles veulent être bien hersées pour être mieux couvertes.

Fèves. Planche extraite de l'herbier d'Elizabeth Blackwell (1737-1739)

Fèves. Planche extraite de l’herbier
d’Elizabeth Blackwell (1737-1739)

Selon quelques agriculteurs, lorsqu’on sème des fèves dans un terrain froid, il ne faut pas briser les mottes, afin que les germes puissent s’y tenir à l’abri des gelées blanches. On croit généralement que si les fèves font peu de tort à la terre, elles ne la fertilisent point. Aussi Columelle dit-il qu’un champ resté oisif l’année précédente, sera plus propre aux blés que celui où l’on aura récolté des fèves. Six boisseaux de fèves suffisent pour ensemencer un arpent de terre grasse ; il en faut davantage quand elle est médiocre. Elles réussissent bien dans un sol compact ; elles ne supportent pas un terrain maigre et couvert de brouillards. On doit avoir soin de les semer au quinzième jour de la lune, pourvu qu’elle n’ait pas encore reflété les rayons du soleil.

Quelques-uns préfèrent le quatorzième jour. Suivant les Grecs, si l’on trempe les fèves dans du sang de chapon, avant de les semer, elles n’auront aucune herbe nuisible à redouter. Elles viendront plus tôt si on les attendrit, la veille, dans l’eau, et cuiront aisément si on les arrose d’eau de nitre. On sème à présent les premières lentilles, comme il a été dit au mois de février. On pourra aussi semer la graine de lin dans tout le mois de novembre.

Des nouveaux prés et des nouvelles vignes
C’est surtout au commencement de ce mois qu’on peut former de nouvelles prairies. Plantez aussi des vignes, durant tout ce mois, dans les terrains chauds et secs ou exposés au soleil. Il est encore à propos de les provigner, de fouir la terre, dans les pays froids, au pied des jeunes ceps, ainsi que des plants d’arbres, et de les recouvrir à cette époque et avant les ides. Coupez maintenant les marcottes, c’est-à-dire la partie arquée des provins, trois ans après qu’ils ont été mis en terre.

Des vieilles souches de vignes
Vous déchausserez, à présent et plus tard, pour le saturer de fumier, si leur souche est saine et vigoureuse les vieilles vignes qui forment le berceau ou qui grimpent le long des perches. Taillez de près avec un instrument aigu, à trois ou quatre pieds au-dessus du sol, les sarments les plus verts, et excitez la sève en remuant fréquemment la terre. A l’endroit de la taille, comme le dit Columelle, s’élève ordinairement un bourgeon qui aux approches du printemps, produit un bois destiné à remplacer les vieilles souches.

De la taille des vignes et des plants d’oliviers
La taille d’automne a lieu maintenant pour les vignes et pour les arbres, surtout dans les pays dont la température est douce. On élague aussi les plants d’oliviers, et on récolte les olives dont on doit faire la première huile, quand elles commencent à tourner ; car lorsqu’elles sont toutes noires, elles perdent en qualité, quoique l’abondance de leur huile dédommage de cette perte. La taille des oliviers et celle des autres arbres est salutaire, si le climat s’y prête, lorsqu’on en coupe les cimes et qu’on laisse croître en liberté les surgeons sur les flancs. Mais dans un pays inculte et abandonné, on dépouille tout le tronc de l’arbre par le bas, afin que, dépassant la stature des animaux, il s’élève au-dessus de leurs atteintes, et se protège ainsi lui-même par sa hauteur.

Des plants d’oliviers
On forme aussi, à présent, des plants d’oliviers dans les pays chauds et les climats secs, d’une manière similaire à celle prescrite au mois de février. L’olivier se plaît sur les collines qui le défendent d’une trop grande humidité. Il aime à être fréquemment ratissé, engraissé à force de fumier, et mollement agité par les vents qui le fertilisent. On applique encore, ce mois-ci, aux oliviers stériles les remèdes indiqués plus haut. C’est le temps favorable pour fabriquer les paniers, les pieux et les échalas. C’est aussi l’époque convenable pour faire l’huile de laurier dans les climats tempérés.

Des jardins
Ce mois-ci, il est bon de semer l’ail ordinaire et l’ail d’Afrique, surtout dans une terre blanche bêchée et travaillée, mais non fumée. Vous tracerez des sillons sur des planches, et vous déposerez ces semences sur la crête, à quatre doigts l’une de l’autre, sans trop les enfoncer. Vous les sarclerez souvent pour les faire croître davantage. Si vous voulez que l’ail ait une grosse tête, il faudra le fouler dès que sa tige commencera à monter : la sève se reportera vers les gousses. Semé et arraché quand la lune n’est pas sur l’horizon, il n’a point, dit-on, de mauvaise odeur. On le conserve en le couvrant de paille, ou en le suspendant à la fumée. On peut encore semer à présent la ciboule et planter des pieds d’artichauts. On sème aussi le raphanisaigre et la sarriette.

Des arbres fruitiers
A cette époque, dans les pays chauds, et en janvier dans les autres, semez les noyaux de pêche dans des planches façonnées, en mettant deux pieds d’intervalle entre l’un et l’autre, pour les transplanter lorsque les tiges auront grandi. Vous tournerez la pointe des noyaux en bas, sans les enfoncer à plus de deux ou trois doigts de profondeur. Quelques-uns font sécher les noyaux peu de jours avant de les semer, et les gardent dans des paniers qu’ils remplissent pêchers réussissent partout ; mais, pour qu’ils soient aussi remarquables par la beauté de leurs fruits et de leur feuillage que par leur durée, il leur faut un climat chaud, un sol sablonneux et humide. Dans les pays froids et tourmentés par les vents, ils meurent, à moins qu’ils ne soient abrités.

Pêcher. Planche extraite de l'herbier d'Elizabeth Blackwell (1737-1739)

Pêcher. Planche extraite de l’herbier
d’Elizabeth Blackwell (1737-1739)

Tant que les tiges des pêchers sont délicates, remuez souvent la terre à leurs pieds pour les délivrer des mauvaises herbes. Quand ils auront deux ans, vous ferez bien de les transplanter dans une petite fosse, en ayant soin de ne pas les séparer beaucoup les uns des autres, afin qu’ils se protégent mutuellement contre l’ardeur du soleil. Déchaussez-les pendant l’automne, et fumez-les avec leurs propres feuilles. Ils se taillent en automne : on n’enlève que les rameaux arides et pourris ; car si on en coupe une branche verte, ils se dessèchent. Quand ils sont languissants, on les arrose avec de la lie de vin vieux mêlée d’eau. Suivant les Grecs, pour avoir des pêches qui portent des caractères, on enterre des noyaux, et, sept jours après, quand ils commencent à s’ouvrir, on en retire l’amande, et l’on y écrit ce qu’on veut avec du cinabre ; puis on les rajuste et on les attache soigneusement avant de les mettre en terre.

Les différentes espèces de pêches sont les duracines, les précoces de Perse, et celles d’Arménie. Si l’ardeur du soleil dessèche un pêcher, il faut l’environner souvent de terre entassée, l’arroser le soir, et le protéger par quelques ombrages. Il est bon d’y suspendre une peau de serpent. Pour le préserver maintenant des brouillards, entourez-le de fumier, ou bien arrosez-le avec de la lie de vin mêlée d’eau, ou mieux avec de l’eau où auront cuit des fèves. Si un pêcher souffre des vers, tuez-les avec de la cendre pétrie dans du marc d’huile ou avec de l’urine de bœuf mélangée avec un tiers de vinaigre.

Si ses fruits sont sujets à tomber, enfoncez un coin de lentisque ou de térébinthe, soit dans la racine découverte, soit dans le tronc, ou bien percez l’arbre par le milieu, et mettez-y une cheville de saule. S’il donne des fruits ridés ou sujets à se pourrir, coupez l’écorce vers le bas du tronc, et, quand il en sera sorti un peu d’humidité, fermez la plaie avec de l’argile ou avec un mélange de boue et de paille. Le pêcher donne de gros fruits, si, durant sa floraison, on l’arrose pendant trois jours, avec trois setiers de lait de chèvre. Si cet arbre est malade, on le lie avec du genêt d’Espagne, ou bien on suspend une espartille à ses branches.

Le pêcher se greffe au mois de janvier ou de février dans les pays froids, et au mois de novembre dans les pays chauds, presqu’à fleur de terre, avec des scions vigoureux qui auront poussé au pied de l’arbre ; autrement la cime ne prendrait point, on ne pourrait durer longtemps. Il se greffe sur lui-même, sur l’amandier et le prunier ; mais les pêchers d’Arménie, ainsi que les pêchers précoces, prennent mieux sur les pruniers, comme les pêchers duracins sur les amandiers , et ils atteignent un âge avancé. On peut écussonner le pêcher au mois d’avril ou de mai dans les pays chauds. On les greffe de cette manière en Italie à la fin de l’un et de l’autre de ces mois, ou au mois de juin ; c’est ce qu’on appelle emplastration. On coupe le tronc par en haut, et l’on y applique plusieurs bourgeons, suivant la méthode prescrite. L’amandier donne des fruits rouges, quand il a été greffé en fente sur le platane.

On conserve les pêches duracines en les confisant dans la saumure et l’oxymel, ou en les faisant sécher au soleil, comme des figues, après en avoir extrait les noyaux, et en les suspendant. On les conserve également bien en bouchant leur ombilic avec une goutte de poix brûlante pour les faire nager dans un bocal de sapa que l’on tient fermé.

Le pin fait, dit-on, prospérer tout ce qui croît sous son ombre. On sème les pignons au mois d’octobre ou de novembre dans les pays chauds et secs, au mois de février ou de mars dans ceux qui sont froids ou humides. Les pins aiment un sol maigre, et particulièrement un sol voisin de la mer. Les plus gros et les plus élevés se trouvent dans les rochers et les montagnes ; ils prennent un essor plus vigoureux dans les lieux humides et battus des vents. Mais, qu’on les plante sur les montagnes ou ailleurs, on leur assignera un terrain qui ne puisse convenir à aucun autre arbre. Après avoir bien labouré et nettoyé le sol, on y sèmera les pignons, comme du blé, en ayant soin de les recouvrir de terre avec un léger sarcloir, parce qu’ils ne doivent pas être enfoncés à plus d’un palme de profondeur.

Quand cet arbre est jeune et faible encore, il faut prendre garde que les bestiaux ne le foulent aux pieds. Il profitera si l’on trempe les pignons dans l’eau trois jours avant de les semer. Quelques personnes prétendent que la transplantation les adoucit. Voici les soins qu’elles prennent pour cette opération. Elles commencent par entasser dans des vaisseaux remplis de terre et de fumier une grande quantité de pignons. Lorsqu’ils sont venus, elles les retirent tous, à l’exception du plus vigoureux. Dès que l’arbrisseau a pris un accroissement convenable, elles le transplantent, à l’âge de trois ans, sans le retirer du vaisseau, qu’elles brisent. Ensuite, pour donner aux racines la liberté de s’étendre dans la fosse, elles mêlent avec la terre du fumier de cavale, en superposant des couches successives de l’une et de l’autre. On aura soin que la racine pivotante de l’arbrisseau soit transférée saine et entière jusqu’à la pointe qui la termine.

La taille avance tellement les jeunes pins, qu’elle double les progrès qu’on avait espérés. On peut aussi laisser les pignons sur l’arbre jusqu’à cette époque pour les cueillir plus mûrs ; on doit néanmoins les cueillir avant qu’ils s’ouvrent. Il est nécessaire de les peler pour les conserver. Cependant quelques-uns assurent qu’on peut les garder avec leurs coques dans des vases d’argile neufs et remplis de terre.

Si vous semez en automne des noyaux de prunes, enfouissez-les à la profondeur de deux palmes, au mois de novembre, dans un terrain meuble et labouré. On les sème aussi au mois de février ; mais il faut alors les laisser tremper pendant trois jours dans de l’eau de lessive, pour les faire germer promptement. On plante encore les pruniers en rejetons tirés du tronc de l’arbre, à la fin du mois de janvier ou vers les ides de février, après en avoir fumé les racines. Ils se plaisent dans un terrain fertile et humide. Ils réussissent mieux sous une latitude chaude, quoiqu’ils puissent supporter un climat froid.

Prunier. Planche extraite de La flore et la pomone française paru en 1828-1833

Prunier. Planche extraite de
La flore et la pomone
française paru en 1828-1833

Dans les terrains remplis de pierres et de gravier, en les fumant, on empêche leurs fruits de tomber et d’être attaqués par les vers. Arrachez les surgeons de leurs racines, à l’exception des plus droits, que vous conserverez pour les planter. Lorsqu’un prunier languit, répandez sur ses racines du marc d’huile à moitié coupé d’eau, ou simplement du pissat de bœuf, ou de la vieille urine humaine mêlée de deux tiers d’eau, ou enfin des cendres prises au four, et surtout des cendres de sarment. Si les prunes sont sujettes à tomber, percez la racine de l’arbre, et enfoncez-y une cheville d’olivier sauvage. Vous tuerez les fourmis et les vers en la frottant de terre rouge et de poix liquide ; mais faites-le avec ménagement, si vous ne voulez pas nuire à l’arbre et changer le remède en poison. Il profite lorsqu’on l’arrose souvent et qu’on en remue constamment le sol.

On greffe le prunier en fente plutôt sur le tronc que sous l’écorce, à la fin du mois de mars ou au mois de janvier, avant qu’il commence à jeter sa gomme. Il se greffe sur lui-même et reçoit la greffe du pêcher, de l’amandier ou du pommier ; mais cette greffe ne donne que des arbres petits et dégénérés. On sèche les prunes au soleil, sur des claies, dans un lieu à l’abri de toute humidité : ce sont celles qu’on appelle prunes de Damas. D’autres plongent les prunes nouvellement cueillies dans de l’eau de mer ou dans de la saumure bouillante, et, après les en avoir retirées, les font sécher au four ou au soleil.

Les châtaigniers se propagent non seulement par plants qui viennent d’eux-mêmes, mais encore par la graine. Quand on les plante à l’état d’arbres, ils sont si languissants que souvent on doute pendant deux ans s’ils vivront. Il faut donc semer les châtaignes elles-mêmes, c’est-à-dire la semence du châtaignier, au mois de novembre et de décembre, ainsi qu’au mois de février. Choisissez, pour les mettre en terre, des châtaignes qui soient fraîches, grosses et mûres.

Si vous les semez en novembre, elles viendront aisément, car elles sont alors dans les conditions favorables ; mais si c’est en février, voici la méthode à suivre pour les conserver jusque-là. Faites-les sécher en les étalant à l’ombre ; puis transportez-les dans un lieu étroit et sec, où vous les entasserez, en ayant soin de les couvrir toutes de sable de rivière. Au bout de trente jours, retirez-les du sable pour les tremper dans l’eau fraîche : celles qui seront saines iront au fond, les autres surnageront. Recouvrez de sable celles que vous aurez éprouvées, et renouvelez l’épreuve trente jours après. Quand vous aurez répété trois fois cette opération jusqu’au commencement du printemps, vous sèmerez celles qui seront restées en bon état. Quelques-uns les conservent dans des vases qu’ils couvrent également de sable.

Les châtaigniers aiment un sol meuble et tendre, mais non sablonneux ; ils viennent néanmoins dans le sablon humide. La terre noire leur convient, de même que le carboncle et le tuf pulvérisé. Ils croissent difficilement dans un sol compact et dans la terre rouge ; ils ne peuvent naître ni dans l’argile ni dans le gravier. Ils recherchent les latitudes froides, sans dédaigner pourtant les climats qui joignent la chaleur à l’humidité. Ils se plaisent sur les pentes, dans des lieux frais, surtout dans ceux qui regardent le nord.

Vous façonnerez donc, à la profondeur d’un pied et demi ou de deux pieds, tout le terrain que vous destinerez aux châtaigniers, en y traçant avec la charrue des sillons parallèles ou croisés. Lorsque le sol sera saturé de fumier et bien dissous, vous y sèmerez les châtaignes à neuf pouces au plus de profondeur, et vous planterez un piquet auprès de chaque ensemencement pour en reconnaître la place. Vous en mettrez trois ou cinq à la fois dans le même trou, en séparant les tas de quatre pieds l’un de l’autre.

Si l’on veut transplanter les châtaigniers, il faut attendre qu’ils aient deux ans. La châtaigneraie aura des rigoles, afin que les eaux, en séjournant, n’y déposent pas un limon qui étoufferait les germes. On peut, si l’on veut, propager les châtaigniers à l’aide des rejetons inférieurs qui sortent de leurs racines. On doit fouir sans cesse les nouveaux plants. Ils acquièrent plus de développement quand on les taille aux mois de mars et de septembre. On greffe le châtaignier sous l’écorce au mois de mars ou d’avril, quoiqu’il vienne également bien quand il est greffé sur le tronc. On peut aussi l’écussonner. Il se greffe sur lui-même et sur le saule ; mais sur le saule, ses fruits sont plus tardifs et plus âpres au goût.

Châtaignier. Planche extraite de Planches médicinales de Köhler paru en 1887

Châtaignier. Planche extraite de
Planches médicinales de Köhler
paru en 1887

On conserve les châtaignes, soit en les étalant sur des claies ou en les enfonçant dans du sablon sans qu’elles se touchent ; soit en les mettant dans des vases neufs d’argile et en les descendant dans un souterrain sec ; soit en les serrant, enduites de boue, dans des coffres fabriqués avec des baguettes de hêtre et fermés hermétiquement ; soit en les couvrant de paille d’orge hachée, ou en les enfermant dans des mannequins d’un tissu très serré, faits avec des herbes marécageuses.

Plantez, ce mois-ci, dans les terrains chauds et secs, des poiriers sauvages, que vous pourrez greffer plus tard, ainsi que des pommiers, des grenadiers, des cognassiers, des citronniers, des néfliers, des figuiers, des cormiers, des caroubiers, des cerisiers sauvages et des boutures de mûrier. Semez également des amandes et des noix dans vos pépinières.

Des abeilles
Au commencement de ce mois, les abeilles font du miel avec des fleurs de tamarin et d’autres plantes sauvages ; ne leur enlevez pas ce miel : réservez-le pour l’hiver. Nettoyez les ruches dans le courant de ce mois, parce que durant tout l’hiver on ne doit ni les remuer ni les ouvrir. Choisissez, pour cela, un beau jour de soleil, et, avec des plumes fermes de grands oiseaux, ou quelque autre instrument semblable, balayez toutes les parties de la ruche où votre main ne pourra pas atteindre. Bouchez ensuite avec un mélange de boue et de bouse de vache toutes les fentes extérieures, et pratiquez au-dessus des ruches des espèces de portiques avec du genêt ou d’autres matières propres à les couvrir, afin qu’elles puissent être à l’abri du froid et des mauvais temps.

Des vignes chargées de feuilles et qui ne portent pas de fruits
Taillez maintenant de près ; dans les terrains chauds et exposés au soleil, les vignes qui, privées de raisins et couvertes de pampres, compensent la disette du fruit par l’abondance du feuillage. Cette taille se fera, dans les terrains froids, au mois de février. Si ce vice ne se corrige pas, il faudra les fouir, et entasser à leur pied du sable de rivière ou de la cendre. Quelques-uns enfoncent des pierres dans les sinuosités de leurs racines.

Des vignes stériles
Une vigne stérile doit, suivant les Grecs, être soignée dans les mêmes temps et dans les mêmes lieux de la manière qui suit : Fendez la souche, enfoncez-y une pierre, et répandez à l’entour quatre cotyles de vieille urine humaine, de manière que les racines en soient imprégnées ; ensuite ajoutez-y un mélange de terre et de fumier, et retournez le sol entier autour des racines.

Des plants de rosiers
C’est sans doute dans le mois de février qu’on forme les plants de rosiers ; mais on pourra les faire ce mois-ci dans les terrains chauds, exposés au soleil et voisins de la mer. Manquez-vous de plants, et voulez-vous néanmoins vous procurer beaucoup de rosiers avec le petit nombre de ceux que vous possédez ; coupez des rejetons de quatre doigts garnis de boutons et de nœuds ; couchez-les en terre comme des provins, fumez-les et arrosez-les. Quand ils auront un an, vous les transplanterez en les espaçant d’un pied. Vous remplirez ainsi de rosiers le terrain que vous destinez à ce genre de plantation.

Moyens de conserver du raisin sur le cep jusqu’au printemps
Voulez-vous conserver du raisin sur le cep même jusqu’au commencement du printemps ; d’après les Grecs, creusez dans un lieu frais, autour d’une vigne chargée de fruits une fosse de trois pieds de profondeur sur deux de large ; étendez-y du sablon ; plantez-y des roseaux, auxquels vous enlacerez avec soin les sarments garnis de raisins, en les attachant, sans altérer les grappes, de manière qu’elles ne touchent pas le sol, et recouvrez le tout pour que la pluie ne puisse pas y pénétrer. Désirez-vous conserver longtemps des grappes sur un cep ou des fruits sur un arbre ; les Grecs nous prescrivent encore de les mettre dans des vases d’argile percés par le fond et bien fermés par le haut, quoiqu’il suffise de couvrir les fruits de plâtre pour les conserver longtemps.

Des brebis et des chèvres
C’est ce mois-ci que naissent les premiers agneaux. Dès qu’un agneau sera né, approchez-le du pis de sa mère, en ayant soin de tirer auparavant un peu de lait, parce que ces premières gouttes que les bergers appellent colostra, étant d’une nature trop épaisse, incommoderaient les agneaux, Enfermez-les d’abord pendant deux jours avec leurs mères ; ensuite gardez-les dans des enclos sombres et chauds, où vous les tiendrez à part, afin d’envoyer leurs mères aux pâturages. Il suffira de laisser téter les agneaux le matin avant la sortie de leurs mères, et le soir lorsqu’elles reviendront rassasiées. Vous les nourrirez dans l’étable avec du son, de la luzerne ou de la farine d’orge, si vous en avez suffisamment, jusqu’à ce que l’âge leur ait donné la force de paître avec leurs mères.

Les pâturages bons pour les brebis sont ceux que fournissent les jachères ou les prairies sèches. Ceux des marais leur sont funestes ; ceux des forêts nuisent à leur laine. Pour vaincre leur dégoût, saupoudrez fréquemment leur pâture de sel, ou offrez-leur-en souvent dans des auges. En hiver, si vous manquez de foin, nourrissez-les de paille ou de vesce, ou, ce qu’on peut plus aisément se procurer, donnez-leur des feuilles d’orme ou de frêne mises en réserve.

En été, menez-les paître au point du jour, lorsque la rosée ajoute une douceur exquise au gazon attendri. A la quatrième heure, quand la chaleur se fait sentir, présentez-leur de l’eau pure d’une rivière, d’un puits ou d’une fontaine. Vers le milieu du jour, qu’une vallée ou un arbre touffu les garantisse des feux du soleil. Lorsqu’au déclin du jour la chaleur s’amortira et que les premières gouttes de la rosée du soir humecteront la terre, ramenez le troupeau aux pâturages. Pendant la canicule, et dans le cours de l’été, les brebis doivent paître la tête toujours détournée du soleil. Au printemps comme en hiver, ne les conduisez dans les prairies que lorsque les gelées blanches sont fondues, parce que l’herbe couverte de givre leur occasionne des maladies. Il suffira aussi de les mener boire alors une fois par jour.

Les brebis grecques, comme celles d’Asie ou de Tarente, ne paissent pas communément dans les prés ; on les renferme dans une étable dont le sol est recouvert de planches trouées pour laisser un passage à l’humidité, qui n’endommage pas alors leur précieuse toison quand elles sont couchées. On les frotte trois fois l’an avec de l’huile et du vin, par un beau soleil, après les avoir lavées. Pour les préserver dès serpents qui se cachent quelquefois sous les crèches, brûlez souvent dans les étables du cèdre, ou du galbanum, ou des cheveux de femme, ou du bois de cerf.

Donnez à présent le bouc à vos chèvres, afin de pouvoir élever les chevreaux au commencement du printemps. Choisissez ceux qui ont deux petites glandes pendant sous les mâchoires, la taille haute, les jambes grosses, le cou fort et ramassé, les oreilles souples et tombantes, la tête petite, le poil lisse, épais et long. Même avant l’âge d’un an, ils peuvent couvrir les chèvres ; mais pas après six années. Les chèvres auront à peu près la taille des boucs. Choisissez celles qui ont de grandes mamelles.

Ne renfermez pas dans le même enclos une aussi grande quantité de chèvres que de brebis. Ecartez-en la boue et le fumier. Outre le lait que les chevreaux auront en abondance, donnez-leur souvent du lierre, des cimes d’arbousier et de lentisque. A trois ans, les chèvres peuvent très bien nourrir leurs petits. Vendez ceux dont les mères sont trop jeunes, mais ne gardez pas celles-ci après leur huitième année, parce que ce bétail devient stérile dans un âge avancé.

De la récolte des glands
Occupez-vous, dans ce temps-ci, de ramasser le gland et de le conserver. Les femmes et les enfants feront aisément cette récolte, comme celle des olives.

Des bois à couper
Coupez à présent les bois de construction, quand la lune est en décours. Si vous voulez abattre un arbre, laissez-le quelque temps sur pied, après y avoir enfoncé la hache jusqu’à la mœlle, pour que la sève qui reste dans ses vaisseaux s’écoule par cette plaie. Voici les arbres les plus utiles : le sapin des Gaules, s’il n’est pas lavé, est léger, ferme, et dure éternellement dans les ouvrages faits à sec ; le mélèze offre un bois excellent : soutenez les tuiles d’un bâtiment avec des planches de cet arbre, sur le devant comme aux extrémités des toits, et vous n’aurez pas à craindre d’incendie, parce que ces planches ne peuvent ni s’enflammer ni se carboniser ; le grand chêne résiste longtemps dans les constructions souterraines, et fournit des pieux qui ont quelque durée ; le petit chêne donne un bois propre aux édifices et bon pour les échalas.

Employé dans les champs, dans les maisons et dans tous les ouvrages intérieurs, le châtaignier est d’une admirable solidité : il n’a d’autre défaut que son poids ; le hêtre convient aux ouvrages faits à sec, l’humidité le pourrit ; les deux espèces de peupliers, le saule et le tilleul sont nécessaires à la sculpture ; l’aune, qui ne vaut rien pour les constructions, forme de solides pilotis clans un terrain humide ; la sécheresse raidit l’orme et le frêne : naturellement souples, ils servent à fabriquer des liens ; le charme est très utile ; le cyprès est excellent ; le pin ne dure que dans les ouvrages faits à sec. En Sardaigne, pour l’empêcher de se pourrir promptement, on place, durant une année entière, au fond d’un bassin, des poutres de ce bois avant de les mettre en œuvre, ou bien on les enterre dans le sable au bord de la mer, pour qu’à claque marée montante le flot baigne la nasse qui les recouvre. Le cèdre dure longtemps à l’abri de l’humidité. Tous les arbres coupés à l’exposition du midi sont les meilleurs : ils sont plus hauts sans doute du côté du nord, mais ils s’altèrent aisément.

De la transplantation des grands arbres
Transplantez, ce mois-ci, les grands arbres venus dans des terrains secs, chauds et exposés au soleil, après en avoir coupé les branches, sans endommager les racines. Ne leur épargnez ni le fumier ni les arrosages.

De la confection de l’huile selon les Grecs
Voici la manière de faire l’huile, d’après les Grecs. Cueillez en un jour autant d’olives que vous pourrez en pressurer la nuit suivante. Appuyez légèrement sur la meule pour en extraire la première huile : le bris des noyaux la gâterait ; aussi ne doit-elle être faite qu’avec la chair des olives. Que les paniers soient faits de baguettes de saule : ce bois contribue, dit-on, à la bonté de l’huile. La meilleure est celle qui coule d’elle-même. Mettez du sel et du nitre dans l’huile nouvelle pour achever de l’épaissir ; puis, lorsque le marc sera déposé, transvasez-la pure, au bout de trente jours, dans des bocaux de verre. La seconde huile se fait comme la première ; mais on broie les olives avec une meule un peu plus forte.

De l’huile semblable à celle de Liburnie
Pour faire de l’huile semblable à celle de Liburnie, disent les auteurs grecs, mêlez dans de bonne huile verte de l’aunée sèche, des feuilles de laurier et du souchet, le tout broyé ensemble et passé par un crible fin avec du sel grillé et égrugé. Remuez longtemps ce mélange, et lorsque l’huile sera reposée, au bout de trois jours ou un peu plus tard, faites-en usage.

De l’épuration de l’huile
Quand l’huile est trouble, les Grecs conseillent d’y jeter du sel grillé tout chaud, et de la couvrir avec soin : par ce moyen, elle ne tarde pas à s’épurer.

De l’huile infecte
Si l’huile porte une odeur infecte, broyez des olives vertes, et mettez-en deux chœnix dans un métrétès d’huile ; si vous n’avez pas d’olives, broyez de même des tiges tendres d’olivier. Quelques-uns mêlent les unes et les autres, et y ajoutent du sel. Ils enveloppent le tout d’un linge, et les suspendent ainsi dans le vase d’huile : au bout de trois jours, ils le retirent et transvasent le liquide. D’autres y mettent de vieilles briques fortement chauffées. La plupart y plongent de petits pains d’orge entourés d’un linge clair, et de temps en temps les remplacent par d’autres. Après avoir répété cette opération deux ou trois fois, ils y jettent du sel, transvasent l’huile, et la laissent reposer quelques jours.

Quand un animal, en tombant dans l’huile, l’a corrompue et empestée par sa putréfaction, il faut, selon les Grecs, suspendre une poignée de coriandre dans un métrétès d’huile, et l’y laisser quelques jours. Si la coriandre ne diminue pas la mauvaise odeur, changez-la jusqu’à ce que l’infection disparaisse. Il sera surtout essentiel de survider l’huile au bout de six jours dans des vases propres, particulièrement dans ceux qui auront auparavant contenu du vinaigre. Quelques-uns mêlent dans l’huile de la graine de fenugrec sèche et broyée, ou y éteignent souvent des charbons de bois d’olivier enflammés. Si l’huile sent l’aigre, ils veulent qu’on y plonge des résidus de raisin, après les avoir broyés et réduits en pâte.

Olivier. Planche extraite de Planches médicinales de Köhler paru en 1887

Olivier. Planche extraite de
Planches médicinales de Köhler
paru en 1887

De l’huile rance
Les Grecs disent qu’on peut corriger ainsi l’huile rance. Jetez-y de la cire blanche fondue dans de l’huile pure et excellente, tandis qu’elle est encore liquide. Ajoutez-y du sel grillé tout chaud, couvrez-le et enduisez-le de plâtre. Par ce moyen, l’huile s’épure, change de goût et d’odeur. Au reste, il faut conserver toutes les huiles dans des caves. Telle est la nature de ce liquide : on l’épure au soleil ou au feu, ainsi qu’avec de l’eau bouillante, quand on la mêle à l’huile dans le même vase.

Comment on confit les olives
C’est aussi dans ce mois que l’on confit les olives. Il y en a de différentes espèces. Voici la manière de les confire dans la saumure. Etendez alternativement sur des claies des olives et du pouliot, et versez entre chaque couche du miel, du vinaigre et un peu de sel ; ou bien étalez les olives sur des tiges de fenouil, d’aneth ou de lentisque, en mettant dessous de petites branches d’olivier ; répandez par-dessus une hémine de sel avec de la saumure, et multipliez ces couches jusqu’à ce que le vase en soit rempli.

Autre recette : Faites macérer dans de la saumure des olives de choix. Quarante jours après, jetez toute la saumure ; mettez dans le vase deux tiers de defrutum et un tiers de vinaigre avec de la menthe hachée ; puis remplissez le vase d’olives jusqu’à ce que la liqueur qu’il contient cesse de les couvrir.

Autre recette : Laissez pendant une nuit entière exposées à la vapeur du bain des olives cueillies à la main, et étendues sur une planche ou sur une claie. Le matin, après les avoir retirées du bain, saupoudrez-les de sel égrugé, et mangez-les ; car vous ne pourrez pas les garder plus de huit jours.

Autre recette : Mettez dans de la saumure des olives qui n’aient point été meurtries. Quarante jours après, vous les retirerez et les couperez avec un roseau tranchant ; puis vous verserez dessus, si vous voulez qu’elles soient douces, deux tiers de sapa et un tiers de vinaigre, ou, si vous voulez qu’elles soient aigres, deux tiers de vinaigre et un tiers de sapa.

Autre recette : Mêlez ensemble un setier de passum, deux poignées de cendre bien criblée, un filet de vin vieux et quelques feuilles de cyprès. Entassez toutes les olives dans ce mélange, saturez-les de cette pâte en les garnissant de plusieurs couches, jusqu’à ce que vous ayez atteint les bords des vases.

Autre recette : Ramassez les olives racornies et ridées qui sont tombées à terre ; saupoudrez-les de sel ; étendez-les au soleil jusqu’à ce qu’elles soient sèches ; disposez alternativement plusieurs couches de laurier et d’olives, en commençant par le laurier ; laissez infuser un bouquet de sarriette dans du defrutum jusqu’à ce qu’il jette deux ou trois bouillons, et, quand ce vin sera refroidi, versez-en sur les olives que vous aurez disposées par couches, en y mêlant un peu de sel ; puis mettez dans le vase une botte d’origan, et arrosez de ce jus les olives.

Autre recette : Faites confire les olives dès qu’elles seront cueillies. Entre chacune des couches, étendez de la rue et du persil, et saturez-les de temps en temps de sel égrugé avec du cumin ; versez par-dessus du miel commun avec du vinaigre, et ajoutez-y encore quelques gouttes d’huile de première qualité.

Autre recette : Cueillez des olives noires, arrangez-les et arrosez-les de saumure. Mettez dans une marmite deux sixièmes de miel, un sixième de vin et une moitié de defrutum. Faites bouillir le tout ensemble ; puis retirez la marmite du feu, remuez-la, et ajoutez-y du vinaigre. Couvrez les olives de tiges d’origan, et versez-y tout le bouillon, quand il sera refroidi.

Autre recette : Arrosez d’eau, pendant trois jours, des olives cueillies à la main avec leurs pédicules ; trempez-les dans la saumure ; retirez-les au bout de sept jours, et mettez-les dans un vase avec une dose égale de vin doux et de vinaigre. Lorsqu’il sera rempli, vous le couvrirez, en y laissant une ouverture pour lui donner de l’air.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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