« Les terreurs de l’an mil sont une légende romantique. Les historiens du XIXe siècle ont imaginé que l’approche du millénaire avait suscité une sorte de panique collective, que les gens mouraient de peur, qu’ils bradaient tous ce qu’ils possédaient, mais c’est faux », écrit Georges Duby, auteur de An 1000-An 2000, Sur les traces de nos peurs.
De cette époque reculée, on n’a retrouvé qu’un seul témoignage. Un moine de l’abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire confie : « On m’a appris que, dans l’année 994, des prêtres, dans Paris, annonçaient la fin du monde. Ce sont des fous, il n’y a qu’à ouvrir la Bible pour voir que l’on ne saura jamais ni le jour ni l’heure ».
Pour comprendre les peurs de nos ancêtres, il faut se replonger dans l’histoire du Moyen Age. Au Xe siècle, la Picardie comptait environ 1 200 000 habitants pour une surface englobant, en gros, l’actuel département de la Somme et les deux tiers de l’Aisne. La vie rurale y était rude et l’homme médiéval vivait dans un dénuement complet, au quotidien. A Amiens, les mendiants, les paupéres, hantent les rues. L’insécurité est permanente. Pour faire face à cette montée de la délinquance, les sanctions sont terribles : « on coupe l’oreille, on perce la langue au fer rouge, on ébouillante les faux monnayeurs, le tout en public », rapporte Claude Vaquette dans son livre intitulé Vivre en Picardie au Moyen Age.
Face à ces tribulations, les gens avaient donc dans l’espoir que, passé une succession de troubles terribles, l’humanité irait vers une longue période de bonheur, de paix et d’égalité. Les terreurs de l’an mil seraient un mythe intronisé comme fiction littéraire par les romantiques du XIXe siècle...
En revanche, si Georges Duby considère les terreurs de l’an mil comme une fiction littéraire, il est persuadé, comme bon nombre d’historiens médiévaux, que pendant ce millénium, les chrétiens ont éprouvé une angoisse de type apocalyptique. « Je suis certain qu’il existait à la fin du Ier millénaire une attente permanente, inquiète de la fin du monde... ».
Comme en écho à ce millénarisme montant, les hommes et femmes de l’an mil redoutent, non seulement, les cataclysmes célestes et terrestres, signes de la colère divine, mais aussi les épidémies de lèpre et de peste noire. « On essaie d’apaiser le courroux céleste en supprimant le jeu, la boisson et les blasphèmes. Les pénitents parcourent les rues pieds nus, portant des cierges et se flagellant », écrit Claude Vaquette. Ces épidémies sont vécues comme une punition du péché...
BIBLIOGRAPHIE |
> Vivre en Picardie au Moyen Age, Claude Vaquette, éditions Martelle > An 1000-An 2000, Sur les traces de nos peurs, Georges Duby, éditions Textuel |
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