Au temps de César, deux populations gauloises occupaient le territoire qui forme aujourd’hui le département de la Meuse, les Leuci au sud, et les Verodunenses au nord. Après la conquête romaine, cette contrée fut comprise dans la Belgique première et eut pour villes principales Verdun (Civitas Verodunensium) et Naix dans la vallée de l’Ornain (Nasium).
A la domination des Romains succéda celle des Francs, et, après la mort de Clovis, les pays baignés par la Meuse firent partie du royaume d’Austrasie. Dans l’organisation de l’empire carlovingien, cette contrée fut partagée en plusieurs comtés ainsi désignés : comitatus Clesensis (cantons de Void et de Gondrecourt) ; comitatus Wavriensis (la Woivre, aujourd’hui la partie nord-est du département) ; comitatus Barrensis (le centre du Barrois) ; et plus au sud comitatus Odornensis (l’Ornois en Barrois).
Le traité de Verdun (843) détacha ce pays du royaume de France et l’adjugea à l’empereur Lothaire Ier ; et, lorsque celui-ci alla ensevelir au fond d’un cloître une ambition si fatale à son père et à lui-même, le second de ses fils, Lothaire II, eut le nord de ses États. Le pays qui forme le département de la Meuse fit partie de ce nouveau royaume, qui reçut le nom de Lotharingie ou Lorraine. Les efforts des rois de France pour reconquérir de ce côté ce que le traité de Verdun avait enlevé à Charles le Chauve n’eurent aucun succès durable ; à partir du Xe siècle, la vallée de la Meuse fit définitivement partie de la Lorraine mosellane.
Il faudra que la dynastie nouvelle qui succédait alors à la race dégénérée de Charlemagne se soit consolidée en France par une existence de plusieurs siècles pour pouvoir tenter de reculer la frontière française au delà de la ligne de démarcation tracée par le traité de Verdun. Cependant ces pays, qui avaient été et qui devaient être encore un objet de litige entre la France et l’empire, étaient livrés à toute l’anarchie féodale.
Il leur manquait une royauté, c’est-à-dire ce qui fut pour les peuples du moyen âge un signe d’indépendance et de nationalité. Ne pas appartenir à la France et ne reconnaître la suzeraineté de l’empire qu’à la condition qu’elle ne fût qu’un vain nom, c’était une situation favorable seulement aux petites puissances féodales. Ainsi s’établirent dans ces contrées la puissance des évêques de Verdun et celle des comtes de Bar.
Ces principautés ne pouvaient conserver leur indépendance qu’à l’une ou l’autre de ces conditions : ou que la France et l’empire restassent faibles et incapables de les conquérir ; ou que leur rivalité même pour la possession de ces contrées les protégeât, et c’est ce qui arriva. Les empereurs accordèrent aux évêques de Verdun des privilèges qui consacraient leur indépendance, afin de les encourager à mieux résister à l’ambition des rois de France. Ils sacrifièrent les droits de l’empire, et, à ce prix, ils obtinrent, pendant plusieurs siècles, que Verdun ne fût pas annexé à la France.
Il n’en fut pas tout à fait de même de la plus considérable de ces principautés temporelles, le comté de Bar. Un comte de Bar, Henri III, gendre du roi d’Angleterre Édouard Ier, prit parti contre Philippe le Bel dans une de ces guerres qui furent comme le prélude de la terrible lutte qui devait armer pendant plus d’un siècle l’une contre l’autre la France et l’Angleterre.
Philippe le Bel lui fit expier chèrement son alliance avec l’Anglais. Fait prisonnier à Bruges, Henri III fut obligé de signer, en 1301, le fameux traité par lequel il se reconnaissait homme lige du roi de France pour la partie de ses États de Barrois située au couchant de la Meuse, vers le royaume de France ; telle est l’origine du Barrois mouvant et du Barrois non mouvant. Depuis cette époque, tout ce que les comtes et ducs de Bar ont possédé sur la rive gauche de la Meuse a été regardé comme relevant de la couronne de France.
A différentes époques, les rois de France essayèrent de convertir en souveraineté réelle la suzeraineté reconnue par le traité de 1301. Les légistes de la couronne déployaient une rare habileté dans les entreprises de ce genre. Mais, lorsque le duché de Bar eut passé à la maison de Lorraine et que, au XVle siècle, des relations d’amitié s’établirent pour quelque temps entre cette maison et les rois de France, ceux-ci crurent devoir ménager des princes qu’ils considéraient comme d’utiles alliés. « En 1552, dit dom Calmet, le bailli de Sens ayant imposé les habitants de Bar-le-Duc, de Gondrecourt, de Châtillon, de La Marche et de Confins, pour contribuer au payement d’une somme de 19 200 livres, et le prince Nicolas de Lorraine, comte de Vaudémont, régent de Lorraine sous la minorité de Charles III, ayant fait sur cela ses remontrances que la ville de Bar et les lieux ci-devant nommés étaient fiefs libres de la couronne de France et n’avaient jamais été soumis à de pareilles impositions, le roi Henri II déclara n’avoir jamais entendu que les sujets du duc de Lorraine fussent cotés et sujets à de pareilles impositions.
« Et, en 1553, il les déclara aussi exempts des ban et arrière-ban, et autres impositions faites en France. Enfin, en 1573, le roi Charles IX, en confirmant le traité fait entre lui et le duc de Lorraine, donna sa déclaration par laquelle il termina toutes les difficultés formées au sujet de la mouvance et de la souveraineté du Barrois, et ordonna que le duc Charles III, son beau-frère, jouirait de tous les droits régaliens et de souveraineté sans rien excepter, hors la foi et hommage lige. »
Mais, à la même époque, la France faisait un grand pas vers la conquête de ces contrées par l’occupation de Verdun, faite par Henri II de concert avec le cardinal de Lorraine. Toutefois, le roi de France ne prenait encore à l’égard de Verdun que le titre modeste de protecteur et de vicaire de l’empire.
Le traité de Cateau-Cambrésis, en 1559, laissa à la France l’évêché de Verdun ; on trouvera dans la notice consacrée à cette ville les mesures prises successivement par les rois de France pour annuler, au profit de la couronne, l’autorité temporelle des évènements de Verdun. Le traité de Westphalie (1648) confirma la souveraineté de la France sur cet évêché.
Le duché de Bar fut, comme la Lorraine, envahi par les troupes françaises en 1632, et il suivit toutes les vicissitudes par lesquelles passa la Lorraine pendant le règne orageux de Charles IV. On trouvera, dans la notice consacrée au département de Meurthe-et-Moselle, le récit des guerres de ce prince avec Richelieu et Louis XIV. A sa mort, la Lorraine et le Barrois étaient au pouvoir de la France. Ces deux principautés furent restituées par la paix de Ryswick (1697) au duc Léopold. Enfin le traité de Vienne en 1738, qui donnait la Lorraine et le Barrois à Stanislas Leczinski, en assurait la réversion à la France à la mort de ce prince. C’est ainsi qu’en 1766 le Barrois devint définitivement province française.
Quant à Montmédy, capitale du comté de Chiny, après avoir passé aux ducs de Luxembourg et avoir été ainsi incorporée un instant à la monarchie espagnole, elle fut réunie à la France par le traité des Pyrénées.
Le décret de 1790 créa le département de la Meuse, qui fut composé de l’ancien duché de Bar, d’une partie de la Lorraine, d’une portion des Trois-Évêchés et d’une faible partie de la Champagne. Les habitants de la Meuse ont prouvé, dans les grandes luttes soutenues par la France depuis 1790, qu’ils étaient dignement placés aux frontières de la patrie.
En 1814, les habitants de plusieurs villages voisins de Bar-le-Duc dispersèrent tout un régiment russe et tuèrent le général auquel il servait d’escorte. Le département de la Meuse est un de ceux qui donnent à la France ses meilleurs soldats ; il a produit un grand nombre d’officiers distingués par leur bravoure et leurs talents militaires.
En 1870, presque au début de la guerre franco-allemande, qui fut si désastreuse pour la France, le département de la Meuse fut envahi et comme piétiné par le flot toujours croissant des troupes ennemies. Il suffit, pour s’en rendre compte, de consulter la carte de l’invasion que Charles de Mazade a jointe à son ouvrage intitulé la Guerre de France (1870-1871). On y suit d’un oeil douloureux les progrès et la marche des armées allemandes.
La Ire armée, composée des Ier, VIIe, VIIIe corps, placée d’abord sous les ordres du général Steinmetz, et plus tard sous ceux du général Manteuffel, occupa successivement : Étain, Clermont-en-Argonne, Vaucouleurs et Gondrecourt. La IIe armée, composée des IIe, III°, IVe, IXe, Xe et XIIe corps, sous le commandement du prince Frédéric-Charles, passa à son tour à Bar-le-Duc, Saint-Mihiel et Commercy. La IIIe armée (Ve, VIe, XIe corps prussiens, Ier et IIe corps bavarois), sous les ordres du prince royal Frédéric-Guillaume, séjourna à Vaucouleurs, Ligny, Bar-le-Duc, Nettancourt et Varennes-en-Argonne. Enfin, la IVe armée, dite armée de la Meuse, placée sous les ordres du prince royal de Saxe, occupa Étain, Stenay, Varennes-en-Argonne et Netlancourt. Verdun ne fut occupé qu’en novembre et Montmédy qu’en décembre 1870.
Les places ou les villes que nous venons d’énumérer ne succombèrent pas toutes sans résistance. Citons, en première ligne, Verdun, qui, attaquée une première fois, le 24 août, ne capitula qu’après la reddition de Metz, c’est-à-dire à la fin d’octobre. Montmédy succomba le 14 décembre. A la notice que nous consacrons à Verdun, l’on trouvera de plus amples détails, dont la place n’est pas ici. Les pertes supportées alors par le département de la Meuse se sont élevées à la somme énorme de 26 242 760 fr. 57.
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