LA FRANCE PITTORESQUE
Histoire du département du Morbihan
(Région Bretagne)
Publié le vendredi 29 janvier 2010, par LA RÉDACTION
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Des départements de la Bretagne, le Morbihan est celui qui offre le plus de souvenir de l’époque celtique. Son nom d’abord, qui est demeuré celtique (mor bihan, la petite mer) alors que tous les autres départements prenaient des noms nouveaux en laissant disparaître les anciens ; ensuite les nombreux monuments druidiques, ou. plutôt mégalithiques, dont il est parsemé, et qui semblent attester, selon certains historiens et archéologues, qu’il fut le siège principal du culte des druides.

D’autres pensent que ces monuments de l’âge de pierre, qu’à défaut de données plus précises on appelle aujourd’hui monuments mégalithiques, furent à l’origine répandus avec la même densité sur tout le sol de la France du nord, mais qu’à la suite des invasions, se dirigeant toutes de l’Orient à l’Occident, ils auront disparu avec les premières civilisations, et que leurs débris auront servi à la construction des habitations, des tombeaux mêmes des nouveaux venus : Francs, Suèves, Alains, Bourguignons, Vandales, Gots, Romains, etc. La Bretagne, qui par sa position à l’extrême occident de la France échappa à la plupart de ces envahisseurs, aurait naturellement conservé plus facilement ses monuments de l’âge primitif de l’homme.

A côté de Carnac, qui depuis longtemps jouit d’une réputation colossale en raison du nombre et de la dimension de ses menhirs, on peut citer aussi la lande du Haut-Brambien (lande de Lanvaux), par exemple (commune de Pluherlin). On compte ainsi plus de deux mille menhirs qui dépassent en grosseur ceux de Carnac. Menhirs, peulvan, pierres droites, dolmens, tables de pierres, cromlechs, cercles de pierres, témènes, enceintes consacrées, tumulus, monuments de terre faits de main d’hommes, galgals, monticules formés uniquement de pierres de la grosseur d’un pavé, sans terre ni ciment, et sous lesquels on a souvent trouvé des grottes pleines de squelettes symétriquement disposés, d’armes, de vases de terre, routers, pierres branlantes, pierres percées où les paysans bretons superstitieux vont passer leur tête pour se débarrasser de la migraine, haches de pierre, qu’ils utilisent en les emmanchant dans une branche fendue qui, continuant de pousser et de grossir, se noue autour de la pierre tranchante d’une manière indissoluble ; tels sont les restes celtiques qu’on trouve dans le Morbihan. Nous allions oublier la langue, qui n’est pas le moins curieux de ces restes antiques, et que les paysans du pays parlent à peu près comme leurs ancêtres il y a deux mille ans.

Les Vénètes occupaient le Morbihan à l’époque de l’arrivée des Romains. Ce peuple, après s’être soumis à la première attaque, se repentit ensuite, prit les armes et opposa aux conquérants une des résistances les plus énergiques qu’ils aient rencontrées en Gaule. Il profita fort habilement de la disposition du sol, de cette disposition à laquelle le pays même devait son nom, c’est-à-dire des golfes nombreux par lesquels la mer a déchiré la côte, et qui forment une multitude de presqu’îles.

Les cités des Vénètes s’élevaient à la pointe de toutes ces péninsules dont la marée haute faisait autant d’îles inabordables aux troupes de terre. Lorsque les Romains avaient réussi, après de grandes peines, à s’emparer de quelqu’une de ces villes, ils ne tenaient pas pour cela les habitants, qui s’enfuyaient sur leurs vaisseaux avec tout ce qu’ils possédaient de plus précieux.

Les Vénètes avaient, en effet, une marine nombreuse, au moyen de laquelle ils entretenaient des relations fréquentes avec la Grande-Bretagne. Ils s’étaient rendus maîtres de la plupart des ports de cette côte et avaient imposé un tribut à tous ceux qui naviguaient dans leurs parages. Leurs vaisseaux de chêne, masses énormes, aux flancs épais, à la carène aplatie, à la proue haute comme une forteresse, aux voiles de peau, aux ancres pesantes, bravèrent d’abord les attaques des galères romaines comme elles bravaient le choc des flots dans les tempêtes.

Il fallut à César une tactique toute nouvelle. Il arma ses soldats de faux tranchantes placées au bout de longues perches avec lesquelles ils coupèrent les câbles des vaisseaux Vénètes. Ceux-ci, privés de l’usage de leurs voiles, masses inertes et immobiles, présentèrent un abordage facile et devinrent un champ de bataille où l’on combattit corps à corps. César avait rendu le combat naval semblable au combat de terre, et assuré la victoire aux Romains.

Ainsi se passa la dernière bataille livrée par les Vénètes, et pour laquelle ils avaient réuni dans le port de Dariorig (Dariorigum, que l’on croit être Auray) 220 navires. Les légions romaines sur les hauteurs, et le peuple de la ville sur les murailles, en contemplaient le spectacle. La plupart des Vénètes périrent dans les flots, les anciens de la cité dans les supplices ; le reste fut vendu à l’encan.

Le peuple du Morbihan a cessé depuis lors de former un corps de nation. Soumis aux Romains, il reçut en compensation de la servitude quelques avantages de la civilisation ; il vit son territoire sillonné par ces voies innombrables qui sont un des plus beaux titres de gloire des Romains.

Des recherches consciencieuses ont remis en lumière la plupart des voies romaines du Morbihan. On en trouve de toute grandeur, depuis 15 jusqu’à 70 pieds de large. Les landes, les lieux incultes et les forêts permettent de reconnaître fréquemment des tronçons de ces voies qui, au contraire, dans les lieux cultivés, ont la plupart du temps disparu sous les envahissements des propriétaires.

Ces voies retrouvées suivent en général une direction rectiligne, ce qui était au reste un caractère ordinaire des voies romaines, comme l’ont remarqué la plupart des savants qui se sont livrés à cette étude, comme l’observait déjà, chose curieuse, Beaumanoir dans ses Coutumes de Beauvaisis, au XIIIe siècle. Rencontrait-on une rivière, plutôt que de faire un détour, on construisait un gué artificiel. Ces routes s’offrent pavées de blocs de pierre bordés par d’autres blocs formant accotoirs. Sur les bords, à des distances de neuf ou dix lieues, on rencontre souvent des traces de stations ou mansions, qui marquaient les étapes des soldats romains et où ils trouvaient un abri et des magasins.

C’est ainsi qu’en 1835, un laboureur du village de Lescorno, près du bourg de Surzur, a découvert sur le bord de la voie romaine une pierre monumentale portant cette dédicace : Imperatori Caesari Piavonio Victorino Pio felici Augusto, et tout à l’entour des cendres entassées, des briques brisées, des vases en terre cuite, traces évidentes d’une station romaine. Quant à l’inscription, elle est très curieuse, puisqu’elle atteste la souveraineté d’un des successeurs de Posthumus dans les Gaules. Bien des noms de lieux rappellent la présence des Romains dans le pays : Voie (Via), Estrée, Estrelle, Estrac (Stratum), Les Millières (Milliarium), etc.

Ainsi l’occupation romaine fut aussi forte dans le Morbihan que dans le reste de la Gaule. Le commerce eut aussi quelque prospérité. La petite mer fut de nouveau visitée par les vaisseaux marchands sous son nouveau nom latin de Mare conclusum que lui donne César. On hésite toutefois à prononcer si César a désigné par là simplement le golfe du Morbihan, en avant de Vannes, ou l’espèce de bassin maritime formé par la presqu’île de Quiberon, les îles d’Houat et d’Hoedic, et qui reçoit la Vilaine.

Certains auteurs considèrent comme une colonie des Vénètes du Morbihan les Vénètes plus tard fondateurs de Venise, qui occupèrent le fond de la mer Adriatique. Après l’empire romain, l’histoire du pays qui nous occupe se confond avec celle des comtes de Vannes. Nous renvoyons à cette ville et à celles qui la suivent pour l’histoire ultérieure du département, qui, désormais, n’offre plus guère d’ensemble.

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