LA FRANCE PITTORESQUE
Histoire du département du Var
(Région Provence-Alpes-Côte d’Azur)
Publié le samedi 30 janvier 2010, par LA RÉDACTION
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L’histoire du département du Var se confond tellement avec celle des deux départements limitrophes, les Bouches-du-Rhône et les Alpes-de-Hautes-Provence, que nous nous contenterons d’en faire une esquisse rapide, en renvoyant pour plus de développements à l’histoire de ces deux départements.

Des peuplades celtiques, appartenant à la confédération puissante des Ligures Saliens, en occupaient le territoire avant la conquête romaine c’étaient les Décéates, dans le village d’Antibes ; les Suétriens, les Quariates, les Adunicates, les Oxybiens, les Ligauniens et les Sueltères, dans le bassin de l’Argens, la rivière aux eaux blanches comme l’argent.

Ces peuples ont laissé peu de monuments. On montre pourtant près de Draguignan un imposant dolmen : moins embarrassée que la science pour expliquer les mystères archéologiques, l’imagination populaire, en Provence comme en Bretagne, a évoqué la toute-puissance des fées.

Le pâtre provençal a oublié les sanglants sacrifices de ses pères : il vous raconte dans sa langue harmonieuse que, en des temps bien éloignés, une fée, qui se plaisait à se déguiser en bergère et à jouer de la mandoline sous les bosquets d’orangers et de grenadiers, inspira un violent amour à un jeune seigneur, qui lui-même était un génie. Il lui demanda sa main et elle promit de l’épouser, mais à une condition : il fallait que son mariage fût célébré sur une table formée de trois pierres, dont deux dressées sur le tranchant et à neuf pas de distance, et ayant pareille hauteur, serviraient de supports à une troisième presque carrée, de onze pas de long sur deux pas d’épaisseur. A cette description, le seigneur reconnut trois pierres énormes qui, depuis dix siècles, avaient roulé du haut de la montagne de Fréjus dans la gorge que parcourt la grande route.

Le génie se mit à l’oeuvre ; il dressa les deux pierres qui devaient servir de supports, mais sa puissance n’alla pas jusqu’à remuer la troisième, tant elle était lourde. La bergère fée eut pitié de sa peine : elle se rendit la nuit auprès de l’énorme pierre et traça alentour avec sa baguette un cercle magique ; aussitôt une grande flamme sortit de terre, et la pierre fut en un instant transportée sur les deux autres. Elle attendit le lendemain son amant avec plus d’impatience, espérant jouir de sa surprise : mais, à peine eut-il vu accomplie la condition d’où semblait dépendre son bonheur, qu’il tomba mourant aux pieds de celle qu’il aimait. Avant d’expirer, il lui révéla un fatal secret : on lui avait prédit qu’il mourrait quand il serait amoureux d’une personne plus puissante que lui, et il avait cru, en adressant ses vœux à une bergère, n’avoir rien à redouter. La légende ajoute que la pauvre fée, désespérée des funestes effets de son travestissement, suivit de près l’amant dont elle avait causé la mort.

L’esprit grec est-il pour quelque chose dans ces gracieuses légendes ? Avant les Romains, les Grecs de Marseille occupèrent ces rivages. Antipolis (Antibes), Athaenopolis (dans l’anse d’Agay), Olbia l’heureuse (près d’Hyères), Fréjus, sous un autre nom, d’autres encore, étaient des colonies de la colonie phocéenne devenue métropole à son tour.

Les légions de Rome parurent en 125 avant Jésus-Christ, et, bientôt après, le pays devenait province romaine. Lors de la division de la Gaule en dix-sept provinces, le territoire actuel du déparquement fut compris dans la Seconde Narbonnaise qui s’étendait du Var au Rhône. Ce pays, qui était pour les Romains l’entrée de la Gaule, reçut nécessairement la profonde empreinte de leur civilisation.

Les monuments n’y manquent point, sans y être pourtant aussi nombreux et aussi magnifiques que dans les départements voisins, Vaucluse, Bouches-du-Rhône, Gard, où se formèrent les principaux établissements. La grande voie Aurélienne traversait intérieurement le pays de l’est à l’ouest, en projetant sur la côte plusieurs embranchements. La plupart des villes et même des villages qui s’élèvent encore aujourd’hui sur cette voie sont d’origine antique : Antibes (Antipolis), Auribeau (ad Horrea). Fréjus (Forum Julii), Le Luc (Forum Voconii), Cabasse (Matavonium), Tourves (ad Turrim), la grande Pugère (Tegulatum), où l’on voit les ruines d’un pont romain.

Le tracé de la voie romaine est à peu près, comme on le voit, celui de la grande route actuelle. Sur l’embranchement maritime qui longeait la côte, à partir de Fréjus, on trouvait Heraclea Caccabaria (près de Saint-Tropez), Alconis (Aiguebonne) ; Pomponiana (?), Telo Martius (Toulon), Tauroentum (près de La Ciotat).

A la domination de Rome succéda celle des Burgondes, des Ostrogoths, des Francs. Quand l’empire de Charlemagne se démembra, le royaume d’Arles, érigé par Boson (879), enveloppa toute la Provence. Au siècle suivant, la Provence devint un comté. Cette période fut désastreuse pour le pays à cause des Sarrasins, qui ne cessèrent d’y exercer de cruels ravages. Leur première descente est de 736 ; ils saccagèrent le monastère de Lérins et détruisirent presque tous les bourgs et villages de la contrée.

Le XIVe siècle ne fut pas moins malheureux pour le pays qui nous occupe : mis à contribution à deux reprises (1362-1364) par les Espagnols de Henri de Transtamare, écrasé sous le poids des impôts, il fut un des théâtres de la révolte des tuchins ou coquins, malheureux que l’excès de la misère poussa à l’insurrection. Le peuple appelle encore aujourd’hui matouchins (mali tuchini) les brigands et les voleurs.

Les guerres de François ler et de Charles-Quint attirèrent deux fois les ennemis dans la Provence. La première expédition fut celle du connétable de Bourbon, qui, repoussé de Marseille, se retira sur le Var à travers la province qu’il avait traversée un mois auparavant avec une présomptueuse confiance (septembre 1524). La seconde fut celle de Charles-Quint, lui-même (1536).

Battu à Aix, le puissant empereur fit une retraite encore plus désastreuse que le connétable ; car il trouva sur sa route des populations irritées de la désolation de leur pays. Embusqués dans toutes les gorges, derrière les buissons et les masures de leur difficile contrée, les paysans du Var firent un mal terrible aux impériaux. Ils déchargeaient leurs armes et se retiraient aussitôt dans des lieux sûrs. Pourtant les espions de l’empereur découvrirent un bois qui servait de retraite à un certain nombre d’entre eux ; on y mit le feu et on l’entoura d’un cordon de troupes, qui rejetaient dans les flammes les malheureux qui tentaient de s’échapper. Hommes, femmes, enfants, bestiaux, tout fut consumé.

Mais le plus fameux épisode de cette retraite est celui dont fut témoin le village du Muy, à peu de distance de Draguignan, sur l’Argens. Près de ce village, et sur la route que devait suivre l’armée impériale, s’élevait une vieille tour isolée. Cinq gentilshommes provençaux, Albode, Châteauneuf, Balbe, Escragnole et Boniface, s’y embusquèrent avec quinze soldats et trente hommes armés, tous pleins de courage et résolus, au péril de leur vie, à venger leurs compatriotes en immolant l’empereur lui-même. Quand l’armée passa, leurs yeux, qui guettaient avidement leur proie, furent éblouis par la riche monture et le magnifique costume d’un seigneur espagnol qui marchait entouré d’une troupe d’élite. Ils firent feu, croyant tuer Charles-Quint : ce n’était pas lui, c’était le jeune et brillant poète Garcilaso.

Les Espagnols, surpris de cette décharge soudaine, s’élancent vers la tour ; ils sont repoussés avec perte. Enfin Charles-Quint arriva avec du canon et vint à bout du glorieux asile de ces braves défenseurs de la patrie. Quelques-uns survivaient ; on leur promit la vie sauve, mais ils furent pendus par une insigne perfidie.

Depuis le XVIe siècle, le département du Var vit encore les ennemis de la France le franchir ou débarquer sur ses côtes : le prince Eugène et le duc de Savoie en 1707 ; les Autrichiens en 1746 ; les Anglais en 1793 ; les alliés en 1814. Et toujours les invasions dirigées de ce côté ont échoué ou n’ont eu que des résultats peu durables.

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