Revenu d’Afrique, où il avait battu Barberousse et rétabli le roi de Tunis, Charles-Quint croit que rien ne peut plus lui résister. Il désirait conserver la paix avec la France, et il offrit à François Ier de donner à son troisième fils, devenu duc d’Angoulême, l’investiture du duché de Milan. Il est vrai qu’il y ajoutait la condition que François trahirait de nouveau tous ses alliés, et qu’il s’unirait à Charles V pour faire la guerre aux Turcs, aux luthériens et à Henri VIII.
François admettait que ce serait pour lui une chose honorable que de faire la guerre aux ennemis de la foi ; il y mettait seulement pour condition que le duché de Milan serait accordé à son second fils, non au troisième, et que lui-même en aurait l’usufruit. Afin de donner plus de poids à ses demandes, ce fut le moment qu’il choisit pour faire envahir le Piémont par l’amiral Chabot avec une brillante armée française.
Charles-Quint apprit à Rome ces hostilités, et il se sentit blessé en même temps du langage des ambassadeurs de France : se trouvant, le 8 avril 1536, dans un consistoire public tenu par le pape, il s’avança dans le cercle au milieu de tous les ambassadeurs de la chrétienté, et dans un discours véhément il récapitula les divers actes de mauvaise foi dont le roi avait usé envers lui, et qu’il venait de couronner par l’attaque d’un vassal de l’empire, le duc de Savoie, son beau-frère. Il voulait, dit-il, mettre un terme à des différends qui s’aigrissaient toujours plus ; il proposait de nouveau la paix, mais aux conditions seulement qu’il avait déjà offertes, ou bien un combat singulier entre lui et François, ou enfin une guerre qui devrait réduire l’un des deux à être le plus pauvre gentilhomme de la chrétienté.
En réponse à cette provocation publique, on attendait de François Ier une déclaration de guerre ; au contraire, il donna l’ordre à ses généraux de licencier leurs armées, en laissant seulement des garnisons dans les places fortes du Piémont et de la Picardie. Il est probable qu’avec sa légèreté accoutumée il avait dissipé pour ses plaisirs tout l’argent sur lequel il avait compté pour la guerre, et qu’il n’était plus en état de payer ses troupes.
Cependant les offres de Charles-Quint n’avoient point été acceptées, la paix n’était point faite, et il continuait à s’avancer à la tête de son armée : c’était la plus redoutable qui eût encore menacé la France. Puisqu’il ne trouvait point d’ennemis à combattre, il résolut d’entrer lui-même dans les États de son adversaire, et il envahit la Provence malgré l’avis des hommes sages de son conseil. Rien n’aurait été plus facile que de fermer cette province aux ennemis, et de la défendre : on ne peut y entrer en effet que par des passages étroits, montueux et sauvages, et François avait bien du temps devant lui, puisque Charles V passa le Var seulement le 25 juillet 1536.
Mais à la persuasion d’Anne de Montmorency, qui était alors le favori en crédit, et qui annonçait déjà le caractère dur et impitoyable par lequel il se signala dans les guerres de religion, le roi, au lieu de défendre la Provence, se résolut à la dévaster et à la ruiner. Le roi et le connétable, établis avec leur armée, d’abord à Lyon, et plus tard à Avignon, envoyèrent des partis de cavalerie, avec ordre de détruire tout le pays qui s’étend de la mer jusqu’à la Durance, et des Alpes jusqu’au Rhône : tous les fours et les moulins devaient être abattus, tous les blés et les fourrages brûlés, tous les tonneaux défoncés et les vins épandus, tous les puits corrompus, en y jetant des matières en fermentation.
L’ordre de dévastation ne concernait d’abord que les fermes et les villages, puis il fut étendu aux villes du second ordre, et enfin à Aix, la capitale elle-même de la Provence ; mais, avec quelque rigueur qu’il fût exécuté, François Ier ne pouvait faire qu’une province approvisionnée pour nourrir ses six cent mille habitants pendant une année n’eût pas de vivres pour cinquante mille soldats pendant deux mois, surtout lorsque ces soldats étaient bien résolus à tout prendre, et à laisser mourir de faim les habitants autour d’eux.
Cependant le système de défense réussit au prix du désespoir des Provençaux. Leur misère, leur terreur, comme ils erraient à l’aventure dans les champs et les bois, multiplièrent parmi eux les maladies contagieuses ; l’épidémie gagna bientôt l’armée impériale, occupée aux sièges d’Arles et de Marseille, sous l’ardeur du ciel de Provence pendant le mois d’août ; les convois de vivres ne lui arrivaient plus qu’irrégulièrement. Enfin, Charles-Quint, sans avoir réussi ni dans l’un ni dans l’autre siège, fut obligé de se retirer avec son armée affaiblie et découragée. Il ressortit de Provence le 25 septembre. Il y avait perdu vingt mille soldats par la maladie ; mais François avait condamné, pour obtenir ce résultat, une des plus belles provinces de sa monarchie à la désolation.
Le roi de France avait voulu la guerre, mais au moment où il aurait fallu combattre, le souvenir de la bataille de Pavie troublait son imagination, et il faisait reculer ses troupes ; souvent aussi il les licenciait, parce qu’en raison de ses dissipations, il n’avait plus moyen de les payer. En 1536, il licencia au printemps, comme la guerre commençait, l’armée qui avait conquis le Piémont. Dans l’automne de la même année, il en assembla une seconde, mais elle ne passa jamais Avignon, et ne vit point l’ennemi.
Lorsque Charles-Quint avait entreprit son expédition en Provence, il avait dit à Paul Jove, son historien, qu’il avait fait provision d’encre et de papier, et qu’il allait lui tailler bien de la besogne : il eût mieux valu attendre l’événement. Les Flamands étaient entrés en Picardie pendant l’irruption de l’empereur en Provence ; mais ils eurent le même sort, et levèrent le siège de Péronne.
François, fils aîné du roi, meurt, certains imputant son décès à Montécuculli, son échanson, non sans soupçons contre l’empereur. Edit de Crémieu, servant de règlement pour les justices inférieures. Le siège des évêques de Maguelonne est transféré à Montpellier du consentement de Paul III. Fin du règne des anabaptistes par le supplies de Jean de Leyde à Munster, dont il s’était fait proclamer roi.
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