Le fondateur de Rome, Romulus, voulant donner à son peuple un calendrier nouveau, divisa l’année en dix mois de trente jours, et consacra le premier de ces mois au dieu Mars, dont les Romains le prétendaient issu. Cette année de dix mois n’était ni solaire, ni lunaire ; on la connaît dans l’histoire sous le nom d’année martiale. C’est Numa Pompilius qui vers 700 av. J.-C. changea cet ordre de choses, en ajoutant au calendrier les mois de janvier et février, et en fixant le commencement de l’année au 1er janvier. En France, on commençait d’ailleurs l’année à Pâques, ou plutôt au samedi saint, après la bénédiction du cierge pascal, et ce jusqu’à la promulgation de l’édit de Charles IX en 1567.
Mars incarne la force brutale. Tous les peuples de l’Antiquité l’adoraient. Dieu de la guerre, fils de Jupiter et de Junon, il avait, sous le nom d’Arès, des autels dans toute la Grèce. On raconte que Mars, cité devant les dieux par Neptune dont il avait tué le fils, fut acquitté par ses juges, réunis sur une colline près d’Athènes. En souvenir de ce fait mémorable, les Grecs donnèrent à leur tribunal, installé au lieu même où Mars fut jugé, le nom d’Aréopage signifiant colline de Mars.
Ce même nom de Mars fut donné plus tard à l’un des jours de la semaine, le mardi ; à l’une des planètes que connaissaient les Anciens, et enfin au métal, le fer, qui servait à fabriquer les armes de guerre. Le mois de mars était symbolisé par un homme vêtu d’une peau de louve, en souvenir de la nourrice de Romulus. Le dieu Mars était représenté sous la figure d’un guerrier terrible. Le coq, symbole de vigilance, lui était consacré. On sacrifiait sur ses autels des loups et quelquefois des victimes humaines. Le poète Ausone place auprès de lui un bouc pétulant, une hirondelle qui gazouille, un vase plein de lait, qui, avec l’herbe verdoyante, annoncent le retour du printemps. Dans les combats, il était accompagné de ses fils Phoibos et Déimos (la Crainte et l’Effroi) qui attelaient et conduisaient son char, ainsi que d’Eris (la Discorde), sa compagne et sa soeur, qui se tenait à ses côtés.
Mars, dieu de la guerre, est parfois confondu avec la déesse Bellone qui avait à Rome même un temple célèbre. C’est dans ce temps qu’étaient reçus les généraux vainqueurs, qu’on donnait audience aux ambassadeurs. A la porte du temple était une colonne contre laquelle le héraut, c’est-à-dire l’officier public chargé de déclarer la guerre, lançait une pique pour annoncer que la guerre venait d’être décidée. Les prêtres de Bellone, les bellonaires, célébraient les fêtes de la déesse en se perçant la poitrine avec leurs épées et en lui offrant le sang qui sortait de leurs blessures. Ces fêtes avaient lieu le 24 mars, et ce jour-là portait dans le calendrier le nom de jour de Sang.
On raconte qu’à Rome, sous le règne de Numa (en l’an 44 de la fondation de la ville), une pierre en forme bouclier tomba du ciel. Les augures furent consultés. Rien de plus bizarre assurément que ces prêtres nommés Augures (du latin ex avium garritu signifiant du chant des oiseaux), qui tiraient des prophéties du chant des oiseaux ou de la manière dont se nourrissaient les poulets sacrés. Un bâton recourbé était le signe de leur dignité. Ils formaient une classe spéciale parmi les prêtres chargés des présages ; à côté d’eux se trouvaient les aruspices (du latin ara inspicio signifiant j’observe les autels), plus particulièrement chargés d’inspecter le mouvement des victimes, d’examiner leurs entrailles... Les esprits sérieux se moquaient de ces devins ; on disait que deux augures ne pouvaient se regarder sans rire, et cependant ils jouissaient du plus grand crédit. Cicéron lui-même appartenait au collège des augures.
Lorsque ce bouclier tomba du ciel, les augures déclarèrent que le destin de la ville naissante était lié à la conservation du bouclier céleste. Numa fit exécuter par un ouvrier habile onze boucliers absolument semblables, afin de déjouer les mauvais desseins de ceux qui tenteraient de s’en emparer. On donna à ces boucliers le nom d’Anciles, d’un mot grec signifiant courbe, parce qu’ils étaient échancrés latéralement de façon à être plus larges vers leurs extrémités qu’à leur partie moyenne.
Ces anciles étaient déposés dans le temple de Mars, sous la garde de douze prêtres appelés saliens (de salire signifiant sauter, ou sallare signifiant danser), parce que chaque année, le 1er mars, ils parcouraient la ville portant au bras les boucliers sacrés et exécutant, au son des instruments de musique, des danses et des chants solennels. Pendant les trois jours que durait cette fête, on ne pouvait ni se marier, ni entreprendre quelque chose d’important. On raconte que Veterius Mamurius, l’ouvrier qui fabriqua les anciles, refusa tout salaire, en demandant seulement que son nom fut mentionné dans les hymnes que chantaient les prêtres de Mars. Nous savons aujourd’hui que cette pierre était un météorite, un aérolithe, au même titre que la pierre noire tombée en Grèce et qu’on adorait sous le nom de Cybèle.
Le mois de mars renferme souvent deux fêtes religieuses. La première, l’Annonciation, fut instituée en mémoire de la nouvelle que l’ange Gabriel vint donner à Marie, qu’elle concevrait le fils de Dieu. Le peuple l’appelle Notre-Dame de mars, à cause de l’époque où elle est solennisée. Son institution, sans être précisément connue, est fort ancienne ; il existe sur cette fête deux sermons de saint Augustin, qui mourut en 430. Ce jour de l’Annonciation était autrefois lié à une singulière légende. Comme cette fête arrive presque toujours en plein carême, où le jeûne est prescrit et que, selon les saints usages, on ne le peut rompre qu’après les vêpres, on chante les vêpres, ce jour-là, immédiatement à la suite de la messe. Mais si l’on interrogeait nos ancêtres sur la raison de cette coutume, ils répondaient que tout enfant qui naîtrait entre la messe et les vêpres, le jour de l’Annonciation, appartiendrait droit au démon, ce qui a obligé l’Église a supprimé l’intervalle...
La seconde, le dimanche des Rameaux, commence la semaine sainte. Elle reçut son nom de l’usage établi dans les premiers siècles, de porter ce jour-là en procession, et pendant l’office, des palmes ou des rameaux d’arbres en mémoire de l’entrée triomphante du Christ à Jérusalem, huit jours avant la Pâques. Les peuples, disent les évangélistes, avertis de l’arrivée de Jésus, allèrent au-devant de lui, étendirent leurs vêtements sous ses pas, et couvrirent le chemin de branches de palmier. Ils l’accompagnèrent jusqu’au temple en poussant des cris de joie. Par suite de cette cérémonie, le dimanche des Rameaux est appelé dans plusieurs provinces Pâques fleuries.
Anciles et prêtres saliens |
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La bénédiction des rameaux, en usage aujourd’hui, l’était déjà dans les Gaules au VIIe siècle. On appelle encore ce dimanche Capitilavium, parce que c’était le jour où on lavait la tête des catéchumènes qui venaient tous ensemble demander à l’évêque la grâce du baptême, qu’on leur administrait le dimanche suivant.
Un brasseur du faubourg Saint-Marceau, à Paris, ne faisant que de la bière de mars (ainsi nommée parce qu’elle se fabrique avec un froment qui se sème en ce mois), avait pris pour enseigne le dieu Mars. En 1793, on lui objecta que Mars était un ci-devant, et qu’un bon patriote ne devait rien conserver de l’Ancien Régime. Il ne pouvait prendre le dieu Ventôse, qui occupait les 21 premiers jours du ci-devant Mars, et qui eût inspiré, sur les effets de sa bière, un affreux calembour. Mais Germinal entrait en fonction le 22 ; c’était assez. Il fit repeindre son enseigne, où l’on put lire le lendemain : Au dieu Germinal, brasserie de Justin Carmus.
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