Avant la découverte fortuite d’un gisement de kaolin aux environs de Limoges en 1761, la France n’était en mesure de produire que des pièces en porcelaine tendre, cependant que l’Allemagne limitrophe travaillait déjà, en Saxe, la porcelaine dure.
L’Encyclopédie moderne nous apprend qu’on ne connaît de vraie porcelaine antérieure aux porcelaines européennes que celle qui vient de la Chine et du Japon. Celle-ci arriva pendant longtemps de l’Asie orientale en Europe, sans qu’on se mît beaucoup en peine d’en introduire la fabrication. Ce ne fut que vers 1706 que Boettiger fabriqua à Meissen, en Saxe, un grès rouge qui avait quelque analogie avec la porcelaine. Un autre chimiste, Tschirnhausen, perfectionna cette pâte, et en 1710 il introduisit la composition de la vraie porcelaine.
Chocolatière produite à Sèvres au XVIIIe siècle en porcelaine dure |
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La France n’avait encore rien fait dans ce genre de poterie, devenue déjà célèbre dans presque toute l’Allemagne. On ne faisait en effet chez nous qu’une porcelaine translucide, blanche, à couverte brillante. Après avoir fabriqué de la porcelaine "tendre" pendant soixante ans à Saint-Cloud, à Chantilly, Orléans, Villeroy, enfin à Vincennes et à Sèvres, ce n’est que du moment où on eut découvert le kaolin dans les environs de Limoges, qu’on put faire et qu’on fit de la porcelaine "dure", de la vraie porcelaine. En 1761, le Strasbourgeois Paul Hannong, qui avait travaillé dans la fabrique de Frankenthal, en Allemagne, apporta à Sèvres le secret de la porcelaine dure ; mais comme il ne pouvait fabriquer qu’avec du kaolin de Passau , sa communication fut infructueuse.
La Gazette des Beaux-Arts de 1868 nous révèle qu’une circonstance fortuite vint procurer à Sèvres les matières si péniblement cherchées. Selon la tradition, une certaine Madame Darnet (à qui le roi accordera plus tard une petite pension), femme d’un chirurgien de Saint-Yrieix-la-Perche, près de Limoges, remarqua dans un ravin voisin de ce bourg une terre onctueuse et blanche qui lui parut propre à remplacer le savon dans le nettoyage du linge ; elle fit part de sa découverte à son mari, dont l’esprit, préoccupé des questions du moment, soupçonna immédiatement l’importance de cette argile ; il courut chez un certain Villaris, apothicaire à Bordeaux, qui, après quelques essais chimiques, reconnut la nature réelle du kaolin.
On visita le gisement, on leva les échantillons nécessaires pour expérimenter en grand, et on les transmit au chimiste de Sèvres, Macquer, dont les épreuves eurent une réussite parfaite. En août 1768, le savant allait prendre possession du gîte immense du Limousin, et en 1769 l’Académie des sciences pouvait voir des vases en porcelaine dure française sortis de l’usine royale.
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