Il a fallu lutter longtemps contre l’obstination des tribunaux français à faire usage du latin dans leurs actes, et les documents empruntés à la justice ordinaire plaident en défaveur de la latinité du temps, la ténacité des hommes de robe à vouloir parler une langue qu’ils savaient si mal, ne s’expliquant donc que par un funeste esprit de routine
En 1490, Charles VIII avait prescrit d’écrire les dépositions en français ; en 1510, Louis XII fut obligé de renouveler cet édit. Ce que ces deux rois avaient exigé pour les dépositions, François Ier l’étendit en 1532 aux actes des notaires, et en 1539, par l’ordonnance de Villers-Cotterêts, à toutes les espèces d’actes judiciaires.
La Justice (estampe de la fin du XVIe siècle) |
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C’est la barbarie de ce soi-disant latin qui détermina François Ier à le proscrire des actes du Parlement ; voici en quelle circonstance : « Sa Majesté s’étant informée d’un courtisan, quel arrêt on avait rendu dans un procès de conséquence où il était demandeur, et qui venait d’être jugé au Parlement ; le seigneur lui répondit : « Sire, étant venu en poste, sur l’avis de mon procureur, pour me trouver au jugement de mon procès, à peine ai-je été arrivé que votre cour du Parlement m’a débotté. – Vous a débotté ! lui dit le roi, qu’entendez-vous par là ? – Oui, Sire, au moins la Cour, en prononçant, s’est servie de ces termes : Dicta curia debotavit et debotat dictum actorem, langage qui parut, dit-on, si ridicule au roi et à ceux qui l’accompagnaient, qu’il résolut de défendre à son Parlement de s’en servir dans la suite. » (Du Radier, Tablettes historiques, tome II).
Cependant, vingt-six années après l’ordonnance de Villers-Cotterêts, les cours supérieures persistaient encore dans l’emploi de la langue latine « pour les réponses sur requêtes et pour les enregistrements des lois royales », quoique les requêtes et les lois elles-mêmes, au bas desquelles on les inscrivait, fussent en langue française, et on fut forcé de le leur interdire en 1563 par l’ordonnance de Roussillon. Bien plus, en 1629, c’est-à-dire quatre-vingt dix ans après l’ordonnance de Villers-Cotterêts, et soixante-six après celle de Roussillon. on eut encore à faire la même défense, pour les procédures et jugements, aux tribunaux ecclésiastiques (Code Michaud, art. 27).
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