LA FRANCE PITTORESQUE
Pont jeté sur la Manche entre
l’Angleterre et la France ?
(D’après « La Science française » paru en 1891)
Publié le lundi 6 mai 2019, par Redaction
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En 1891, cependant que l’idée de relier l’Angleterre et la France avait déjà fait l’objet de réflexions et de travaux, on avait momentanément abandonné l’idée d’un tunnel dont les Anglais craignaient qu’il ne servît à la France pour mener à bien une éventuelle invasion, pour se concentrer sur le projet d’un gigantesque pont, le chroniqueur Max de Nansouty détaillant la nature de cette œuvre titanesque qui se déroulerait sur 12 ans
 

Selon de Nansouty, ce beau travail n’est plus une utopie ni pour nos constructeurs français qui ont fait la tour Eiffel de 300 mètres de hauteur, ni pour les constructeurs anglais qui ont jeté sur le détroit du Forth, en Ecosse, le fameux pont du Forth dont les arches ont 230 mètres d’ouverture. Une société anglaise, la Channel Bridge Co, s’est constituée dans le but de réaliser cet important travail. Elle s’est adressée, en France, à nos célèbres constructeurs, MM. Schneider, du Creusot, et Tiersent ; en Angleterre, à MM. John Fowler et Benjamin Baker, les autours du colossal pont du Forth.

Le pont projeté et que montre notre dessin, se détacherait du cap Gris-Nez, sur la côte française, pour aller aboutir auprès de Folkestone, sur la côte anglaise. Il serait constitué par de grandes travées métalliques, en fer ou en acier, laissant libres, au-dessous d’elles, des espaces libres ou portées de 100 à 500 mètres de longueur.

Projet de pont reliant l'Angleterre à la France

Projet de pont reliant l’Angleterre à la France

Les piliers seraient constitués par des caissons fondés à l’air comprimé, en métal eux aussi et présentant une section rectangulaire. La profondeur maximum à laquelle il faudrait descendre ces caissons pour atteindre le sol résistant est de 55 mètres. Le travail l’air comprimé, dans ces conditions, présente des difficultés toutes particulières qui ont été l’objet de discussions nombreuses de la part de nos ingénieurs ; mais on ne les considère pas comme insurmontables.

Afin de permettre le passage sous le pont aux plus grands navires le niveau des voies ferrées portées par le pont serait à une hauteur de 72 mètres au-dessus des basses mers, c’est-à-dire à 2 mètres au-dessus du sommet des tours de l’église Saint-Sulpice, à 4 mètres au-dessus des tours de Notre-Dame, à 22 mètres au-dessus de la colonne de Juillet, sur la place de la Bastille, à 29 mètres au-dessus de la colonne Vendôme ! s’exclame de Nansouty.

La largeur du tablier du pont serait de 8 mètres et il porterait deux voies ferrées, l’une pour l’aller, l’autre pour le retour, ayant de largeur entre les deux rails. Des phares placés sur les piles avec des feux colorés préviendraient les navires de la direction à prendre pour ne pas se heurter contre elles, ce qui serait, d’ailleurs, facile en raison du grand écartement de ces piles atteignant, comme nous l’avons dit, jusqu’à 500 mètres au milieu du pont. Le poids total du métal mis en œuvre pour l’établir serait d’environ 772 millions de kilogrammes et le prix total, tant des piliers en maçonnerie que de la construction métallique, de 860 millions de francs.

On estime que la durée totale de l’exécution serait d’environ 12 années et que l’entreprise serait rémunératrice pour peu que la moitié des voyageurs et le tiers des marchandises qui traversent actuellement le détroit se décident à emprunter la nouvelle voie ouverte à leur transit.

Et le chroniqueur de conclure : « Espérons que l’on arrivera bientôt, par une sage entente internationale, à lever tous les obstacles moraux et matériels et que la réalisation de cette grande œuvre viendra honorer encore la fin de notre siècle qui aura laissé de si belles traces dans la voie du progrès, de l’humanité et de la civilisation. »

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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