Le jeu du papeguay, qu’on pourrait assez justement appeler le Tournoi de la bourgeoisie, remonte au commencement du quatorzième siècle. C’était un tir à l’arc, à l’arbalète ou à l’arquebuse, dont le vainqueur prenait le titre de roi, et avait droit à certaines exemptions.
Dès le quinzième siècle, on le trouve en usage dans la plupart des provinces de France, en Bretagne, en Dauphiné, en Provence, en Gascogne, tantôt sous ce nom, tantôt sous celui de tir à l’arbalète, et aujourd’hui encore nous l’avons vu conservé dans quelques petites villes, dans le Soissonnais, par exemple, par des compagnies organisées militairement sous le nom de compagnie de l’arc.
Au quinzième siècle, cette coutume encouragée par les rois de France, dans le but d’engager l’élite des bons citoyens à apprendre l’exercice de l’arbalète, de l’arc et l’arquebuse, avait donné lieu à la formation dans chaque province de corporations assez puissantes, et jouissant de privilèges assez considérables. Celle sur laquelle nous avons trouvé le plus de renseignements est la compagnie des chevaliers du papeguay de Nantes. Elle avait été créée par les ducs de Bretagne et confirmée par les rois de France depuis la réunion.
Des ordonnances rendues en 1407 et 1471 avaient accordé à celui qui abattrait une fois le papegault l’affranchissement des tailles, aides, dons, emprunts, quêts, arrière-quêts, gardes de portes, et de tous autres subsides personnels, avec attribution de noblesse héréditaire, place et rang aux états, à celui qui l’abattrait trois fois. Ces compagnies se composaient de l’élite de la bourgeoisie ; la noblesse toutefois ne dédaignait pas de s’y faire incorporer. Nous avons retrouvé dans la vie de Du Guesclin, qu’il avait remporté dans sa jeunesse, au champ Jaquet, à Rennes, le prix du papeguay et de la lance. Plus tard, en 1544, nous trouvons une ordonnance qui interdit aux prêtres la faculté de s’enrôler parmi les chevaliers du papeguay. Enfin des privilèges postérieurs de la compagnie de Nantes portaient qu’il n’y avait que les gouverneurs, présidents et seigneurs de la cour, et messieurs des comptes qui pourraient y tirer sans faire le serment ordinaire.
Les exercices du papeguay avaient lieu presque toute l’année, ordinairement le premier dimanche de chaque mois. Mais les fêtes de la compagnie n’avaient lieu qu’une fois l’an, dans quelques provinces, au mois de mars ; dans d’autres, au mois de mai. A cette époque, les chevaliers se réunissaient quatre dimanches de suite pour tirer le joyau, et le vainqueur de chaque journée tirait toujours le premier à la journée suivante. On élevait sur une tour un mât soutenu de chaque côté par des haubants, on plaçait l’oiseau sur l’extrémité, et on le tirait d’en bas presque perpendiculairement.
Le costume a varié avec les époques ; il consistait, en 1668, en un haut-de-chausse large et plissé avec boucles retombant de la ceinture, ceinture de buffle, petite veste ou justaucorps, manches courtes avec bouffantes sur l’avant-bras, manches de chemises serrant le poignet, et chapeau de forme ronde et basse à bords plats.
Retour du vainqueur au Jeu du Papeguay, d’après
un dessin du XVIIIe siècle par Mariette |
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Dans un règlement de 1728, nous trouvons le costume suivant de rigueur :
Officiers : Habit de drap écarlate en surtout, bordé d’un galon d’or
Brigadiers : Même habit, galon d’or sur la manche et la poche
Chevaliers : Même habit simple, chapeau bordé d’un galon avec cocarde blanche.
Bien que l’usage de ce tir à l’arbalète se soit conservé jusqu’à notre époque, dès le milieu du dix-septième siècle, on avait enlevé à la plupart des compagnies leurs privilèges les plus importants ; aujourd’hui il ne leur en reste plus d’aucune sorte.
Quant à l’étymologie du mot papeguay, papegay ou papegault, nous ne pouvons être d’accord avec un critique qui fait venir papegault du mot grec papoikos, jeu de nos ancêtres, ou de padoikos, jeu de l’arc, et qui trouve ainsi l’occasion de faire remonter le jeu du papeguay aux Troyens, et d’en trouver le description dans un chant de l’Iliade. Nous croyons la suivante préférable. Les Italiens appellent le perroquet papagallo ; les Espagnols papagayo. Chez nous-mêmes, au douzième siècle, papegault ne signifiait rien autre chose ; au moins doit-on tirer cette conséquence de la description suivante du papegault que nous avons trouvée dans un manuscrit de cette époque : « Papegault est un oiseau vert, mais son bec et ses pieds sont rouges et a plus grande langue et plus lee (déliée) que nul oiseau, parquoi il dit paroles articulées en semblance d’omme, se on lui enseigne de sa jouvence, dedans le second an de son âge, etc. » Au Moyen Age, le papegault n’était donc rien autre chose que le perroquet.
Maintenant, qu’on se rappelle que dans tous les tirs à l’arc l’oiseau était le plus souvent en bois ou en carton, presque toujours peint en vert, et sinon imitant parfaitement le perroquet, ayant au moins la prétention de lui ressembler. Toutes ces considérations seront plus que suffisantes pour faire admettre que le jeu du papegault signifiait jeu du perroquet, et que ce jeu s’appelait ainsi, parce que l’oiseau qui servait de but aux tireurs avait été peut-être dans l’origine un perroquet véritable.
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