Au XIXe siècle encore, notamment en Anjou et dans l’Orléanais, tout mariage supposait l’accomplissement d’un cérémonial scrupuleusement observé, impliquant de piquer le marié et la mariée jusqu’au sang
Dans le Loiret, le parrain et la marraine de celui qui se marie lui font un cadeau qu’on appelle Cochelin, et qui consiste ordinairement en une cuiller à café, ou quelque ustensile nécessaire dans le ménage
On a le singulier usage, dans la Sologne, de piquer le marié et la mariée jusqu’au sang, pendant la célébration de la messe, pour s’assurer, d’après le plus ou moins de sensibilité qu’ils témoignent en cette circonstance, quel sera des deux le plus jaloux. L’époux ne laisse pas sa femme passer elle-même l’anneau de mariage à son doigt : c’est lui qui se charge de cette opération, et il a le plus grand soin de l’enfoncer jusqu’à la troisième phalange ; car s’il en était autrement, sa moitié serait la maîtresse au logis. Durant la cérémonie, les deux époux tiennent chacun un cierge allumé, et celui des deux dont le cierge coule le plus vite est aussi celui qui doit mourir le premier.
Le premier jour des noces, après le repas, une commission de cinq paysannes se charge de faire la quête. La première, vêtue de ses plus beaux habits, et tenant à la main une quenouille et un fuseau, les présente à chacun, en chantant le refrain suivant :
L’épousée a bien quenouille et fuseau, Mais de chanvre, hélas pas un écheveau, Pourra-t-elle donc filer son trousseau ? |
La deuxième quêteuse reçoit les offrandes dans le gobelet de la mariée ; la troisième verse à boire à ceux qui ont donné ; la quatrième essuie la bouche du buveur avec une serviette et la cinquième, qu’on choisit la plus jolie pour remplir son ministère, embrasse en signe de remerciement. Les noces se terminent par la cérémonie que voici. On place un pot de grès au bout d’une perche, et chacun des convives, armé d’un bâton et les yeux bandés, s’avance successivement vers le but, qu’il doit briser d’un seul coup.
Le vainqueur a le droit d’embrasser la mariée ; mais s’il n’y réussit pas assez vite, on le dédommage en le plaçant sur un trône de feuillage, où on lui verse à boire et où chacun vient trinquer avec lui. Il est ainsi condamné à boire, jusqu’à ce qu’il ait touché d’une certaine manière le verre d’un autre convive, qui vient alors le remplacer, et qui ensuite est remplacé à son tour.
Le premier dimanche après les noces, le sacristain de la paroisse apporte une quenouille à la mariée, qui l’entoure de lin filé, et l’on en fait offrande à l’église. Dans la commune de Fallais pays de Mauges, Maine-et-Loire, le lendemain d’une noce, on prend, dès le matin, la meilleure charrette de la métairie, à laquelle on attèle tous les bœufs qui se trouvent dans l’étable.
Toute la compagnie suit cet équipage, que l’on mène dans un champ de choux verts. Là, on fait choix du plus beau, puis on ouvre une tranchée circulaire à une certaine distance et l’on approche du pied peu à peu, avec un grand air de travail et de peine. Lorsque le chou est déchaussé, chaque homme de la noce essaie de l’arracher avec des efforts simulés, et, bien entendu, n’en peut venir a bout. Cet honneur est réservé au marié, qui n’en gesticule pas moins pour prouver le mal qu’il a lui-même à remporter cette victoire.
Pendant toute cette scène, force lazzis, grosse gaieté de la part des assistants. Enfin, on s’arme de leviers, de cordes, de tout l’attirail qui serait nécessaire pour remuer un chêne de sept ou huit siècles d’existence ; et l’on place le chou sur la charrette, pour le porter en triomphe au logis, où les femmes s’en emparent au profit de la marmite, ce qu’elles font avec des démonstrations non moins bruyantes que celles des hommes.
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