C’est une façon de dire que l’on n’a jamais trop d’avantages ni trop de richesse
Quoi qu’il soit prouvé par beaucoup d’exemples qu’une grande fortune expose à de grands dangers celui qui la possède, néanmoins la soif de l’or est telle qu’elle accapare complètement l’esprit de ceux qui veulent posséder des richesses. Il est notoire, du reste, que la possession de l’or aveugle ceux qui en jouissent.
Elle est regardée par les philosophes anciens et modernes comme contraire à la vraie félicité que l’on rencontre plus souvent dans les intérieurs modestes, dans l’état moyen entre la pauvreté et la richesse, appelée par le poète Horace (livre II, ode 7) : Aurea mediocritas, qui signifie la médiocrité de l’or, et mieux la médiocrité aussi précieuse que l’or. C’était aussi l’opinion de notre grand orateur sacré Fléchier (1632-1710), qui disait que le bonheur ne se rencontrait que dans un genre de vie frugal entre la pauvreté et les richesses.
Voltaire ne pensait pas de cette façon lorsqu’il fit ce vers : « Le superflu, chose très nécessaire ». Nombreux sont les exemples qui affirment le contraire. Auguste, neveu de César, disait à Mécènes, son ministre et son confident : L’opulence vient plutôt de la modération dans les dépenses que de la quantité des recettes. Quelques années auparavant, Térence avait exprimé son opinion sur les biens de la fortune dans les vers suivants :
Bona fortuna sunt ut illius animus qui ea possidet ; Qui scit uti, ei bona : illi qui non ititur recte mala |
dont voici le sens : Les biens de la fortune sont comme l’âme de celui qui les possède ; ce sont des biens pour l’homme qui sait en jouir et des maux pour celui qui en abuse. Ces paroles sont d’autant plus vraies que si l’opulence n’apporte pas d’obstacle au bonheur, elle entraîne souvent après elle de fâcheux inconvénients.
C’est ainsi que le pensait le fabuliste Phèdre quand il dit : Magno periculo sunt opes obnoxiae, ce qui veut dire : Les grandes richesses sont exposées à de grandes dangers. Pour terminer cette nomenclature d’exemples pris chez les anciens, citons ces quatre mots de Sénèque : Neminem pecunia facit divitem, qui signfient : Richesse ne fait riche personne. Les anciens avaient, du reste, une opinion assez bizarre : ils croyaient que le bonheur des hommes excitait la jalousie des dieux et que ceux-ci s’en vengeaient tôt ou tard.
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