LA FRANCE PITTORESQUE
Aller sur le pré
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Publié le lundi 21 novembre 2011, par Redaction
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Aller se battre en duel
 

En voici l’origine : près de l’église Saint-Germain des Prés, sur la rive gauche de la Seine (dans remplacement situé entre les rues de Seine, des Saints-Pères et Jacob), se trouvait un grand pré sur lequel, dès l’année 1163, les écoliers qu’on nommait clercs, au Moyen Age, allaient prendre leurs ébats et s’amuser : on l’appela donc, à cause de cela, le Pré aux clercs.

Mais le voisinage de ce pré, situé près, de l’église, était une cause perpétuelle de querelles entre les gens de l’abbaye et les écoliers : de là, des rixes et des luttes dans lesquelles le sang ne coulait que trop souvent. L’abbé avait beau porter plainte à l’Université contre les écoliers, rien n’y faisait, car celle-ci les soutenait. Plus tard, les écoliers prirent de tels airs de maîtres et devinrent si bruyants que les habitants du quartier voulurent, à leur tour, les chasser de ce pré. Ceux-là se défendirent et le sang fut de nouveau répandu. Cet état de choses dura plusieurs siècles.

Il y avait contigu à ce Pré aux clercs un autre pré, situé également près des murs de l’abbaye, où avaient lieu les combats judiciaires. Sous Henri IV, il devint le rendez-vous des amateurs de duels. Or, les duels étaient si fréquents en France que ce prince publia des ordonnances, afin de les faire cesser. Déjà, en 1260, saint Louis avait rendu contre les duellistes une ordonnance qui fut renouvelée par Philippe le Bel. En 1679, Louis XIV établit dans toute la France des Juges du point d’honneur auxquels tous ceux qui avaient reçu quelque offense pouvaient recourir pour obtenir, par leur médiation, une réparation quelconque. La satisfaction et la réparation étaient graduées selon la qualité et la gravité des offenses. Les combats singuliers n’en devinrent pas moins fréquents ; cependant les lois de Louis XIV avaient produit quelques bons résultats. On se buttait alors pour être coudoyé, pour une contradiction quelconque ; en voici un exemple :

« Un homme contrefait était au parterre d’un théâtre (on s’y tenait alors debout et l’on était très pressé). Son plus proche voisin, lui dit d’un ton goguenard : Votre éminence me gêne beaucoup. Ces mots à double sens excitent le rire : Mille pardons, Monsieur, repartit celui-ci, mais je suis désespéré de n’être pas aussi plat que vous. Les voisins de rire plus fort et les deux champions d’aller se battre. »

Voici un autre exemple d’un duel qui finit d’une façon toute pacifique et même comique : « Deux officiers du palais (1819) se prirent un jour de querelle et se portèrent sur le pré (il faut dire que tous deux étaient excessivement laids). Arrivés au lieu du combat, les épées tirées, l’un d’eux, regardant en face son adversaire, lui dit : Je fais une réflexion, je ne me battrai pas avec vous. (Et il remit son épée dans le fourreau.) – Comment, Monsieur, qu’est-ce que cela signifie, lui dit l’autre officier ? – Cela signifie que je ne me battrai pas avec vous, je vous en fais toutes les excuses possibles ; j’ai une raison insurmontable pour ne pas me battre avec vous. – Mais, Monsieur, peut-on la savoir ?Elle vous fâcherait. – Non, Monsieur. – Vous me l’assurez ?Oui, je vous l’assure. – Eh bien ! Monsieur, la voici : c’est que si nous nous battions, selon toutes les apparences je vous tuerais et je resterais alors le plus laid du royaume. » Son adversaire ne put s’empêcher de rire et les deux duellistes revinrent à la ville bons amis.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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