LA FRANCE PITTORESQUE
Au besoin on connaît l’ami
()
Publié le lundi 21 novembre 2011, par Redaction
Imprimer cet article

Ce proverbe est tiré du passage de l’Ecclésiaste (chapitre 12, verset 9) que voici : In bonis viri, inimici illius in tristitia illis amicus agnitus est, ce qui veut dire : Quand un homme est heureux, ses ennemis sont tristes, quand il est malheureux, on connaît quel est son ami. Les anciens comparaient les faux amis aux hirondelles qui paraissent dans la belle saison et qui disparaissent dans la mauvaise. Voici quelques citations des auteurs grecs et latins sur le sujet qui nous occupe :

Plutarque a dit : La bonté du cheval se connaît à la guerre et la fidélité de l’ami dans la mauvaise fortune. Zénon, fondateur de la secte des stoïciens, n’a-t-il pas dit : Un ami est un autre nous-mêmes. Dans le troisième discours de Chrysostôme, on trouve cette pensée qui a été traduite en latin : Qui desinit esse amicus, amicus non fuit, ce qui signifie : Qui cesse d’être ami ne l’a jamais été. Le philosophe Aristote s’écriait : O mes amis, il n’y a plus d’amis ! et Caton prétendait qu’il fallait tant de choses pour faire un ami, que cette rencontre ne se faisait pas dans l’espace d’un siècle. Le poète Ménandre, dans une de ses comédies, faisait dire à un jeune homme qui n’osait croire à la réalité d’un bien si précieux : Heureux celui qui, dans sa vie, peut trouver l’ombre d’un ami !

Si des auteurs grecs nous passons aux auteurs latins, nous retrouvons chez eux la même pensée que chez leurs devanciers. Voici ce que dit Phèdre (Livre III, fable IX) : Vulgare amici nomen, sed rara est fides, que nous avons rendu par ces vers si connus et si vrais dans leur pensée :

Rien n’est plus commun que le nom (d’ami)
Rien n’est plus rare que la chose.

Le poète Ennius avait dit : Amicus certus in re incerta cernitur, dont voici la traduction : Un ami sûr se connaît dans les circonstances difficiles. Un autre auteur, Plaute, a dit à peu près la même chose : Is amicus est qui in re dubita juvat, ce qui signifie : Celui-là est ami qui aide dans une circonstance difficile. Citons encore pour finir à l’appui de ce proverbe ces deux vers d’Ovide :

Donec eris felix, multos numerabis amicos :
Tempora si fuerint nubila, solus eris

dont voici la traduction : Tant que vous serez heureux, vous compterez beaucoup d’amis ; si le temps se couvre de nuages, vous serez seul. La vérité de ces vers, écrits par ce poète dans son exil, n’a point changé avec le temps, puisque l’amitié qu’on se témoigne n’est souvent qu’une amitié de mauvais aloi, en raison directe de l’argent ou de la situation que l’on possède. Le même Ovide est encore l’auteur des vers suivants :

Scilicet ut fulvum spectatur in ignibus aurum,
Tempore sic duro est inspicienda fides.

ce qui signifie : Comme on regarde l’or jaune dans les flammes, ainsi doit-on regarder l’amitié dans les circonstances pénibles.

N’a-t-on pas dit que le faux ami ressemblait à l’ombre d’un cadran, laquelle se montre lorsque le soleil brille et qui n’est plus visible, quand il est voilé par les nuages. Voici, pour terminer toutes ces citations, un ingénieux quatrain dû à Mermet, poète du XIXe siècle :

Les amis de l’heure présente
Ont le naturel du melon.
Il faut en essayer cinquante
Avant d’en rencontrer un bon.

Il y a eu de tout temps des exemples frappants d’amitié. Citons-en d’abord un tiré de l’histoire ancienne, celui de ces deux amis Damon et Pythias : « Ces jeunes gens étaient unis d’une étroite amitié, Pythias fut faussement accusé de conspiration et condamné à mort par Denys, tyran de Syracuse. Il demanda un sursis de quelques jours pour aller régler des affaires dans sa ville natale : son ami Damon s’offrit comme garantie de son retour. Le jour fixé pour le supplice étant arrivé et Pythias ne revenant pas, Damon se rendit simplement sur le lieu où son ami devait être mis à mort. Mais, tout à coup, Pythias revient et accourt pour reprendre sa place ; Damon voit avec peine son retour, et une lutte de générosité s’élève entre les deux amis ; chacun d’eux voulait mourir l’un pour l’autre. Le tyran Denis, touché de leur noble conduite, ne put faire autrement que de leur pardonner. »

Un autre exemple d’amitié pris dans l’histoire moderne mérite aussi d’être cité : « L’historien De Thou et le grand écuyer Cinq-Mars étaient unis d’une profonde amitié. C’était sous le règne de Louis XIII : Cinq-Mars avait conspiré contre le cardinal de Richelieu. Il fut arrêté avec son ami De Thou qui, quoique ayant eu connaissance du complot, n’y avait pris aucune part. On l’exécuta néanmoins avec son ami Cinq-Mars, parce qu’i ln’avait pas coulu le compromettre par une révélation. »

Copyright © LA FRANCE PITTORESQUE
Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

Imprimer cet article

LA FRANCE PITTORESQUE