Etre perdu
Cette expression toute populaire tire son origine de l’Eglise. On trouve cette sentence dans la farce du frère Guillebost :
Muchez-vous (cachez vous) en quelque lieu ; S’il vous trouve, vous êtes frit. |
L’emploi de cette singulière métaphore est un exemple de l’influence des vieux sermons sur l’imagination et sur le langage familier des peuples. Les orateurs du clergé ne se gênaient pas pour dépeindre avec un luxe d’images terribles et, même fort souvent dégoûtantes, les tourments de l’enfer.
Leur but était moins de convaincre que de frapper de terreur. Ainsi, ils aimaient à présenter dans leurs sermons un résumé complet de lugubres visions et ils se plaisaient à dépeindre la friture des corps ainsi que celle des âmes.
Dans son ouvrage de 1525 intitulé : La Fleur des commandements de Dieu, et qui est formé d’une réunion de sermons prêchés au Moyen Age, on cite ce fait, tiré de Pierre de Cluny, concernant un mauvais prêtre transporté en enfer pour y voir ce qui l’y attendait. Ayant été ramené un instant sur la terre, ce prêtre raconte ainsi les choses qu’il avait vues et entendues dans l’enfer :
« Vecy deux dyables qui portent une poelle, afin que je sois frit dedans et en perdurabilité. Et comme il disoit la dicte parolle, une goutte de la dicte friture cheut sur sa main qui la dévora jusques aux os et devant les présens et ce dont il dist : Croyez maintenant que vecy les deux dyables qui me jeteront dans la poelle. Et en disant ces paroles, il trespassa. » (Voici deux diables qui portent une poêle, afin que j’y sois frit et dans l’éternité. Et comme il disait la dite parole, une goutte de la dite friture tomba sur sa main qu’elle dévora jusqu’aux os et devant les gens présents et ce dont il dit : Croyez maintenant que voici les deux diables qui me jetteront dans la poêle. Et, en disant ces paroles, il trépassa)
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