Être né pour un bonheur constant
Certains enfants, à leur naissance, conservent sur la tête une légère enveloppe considérée comme une coiffe et regardée autrefois comme la garantie d’une vie heureuse. Les Grecs tiraient de cette coiffe des augures favorables. Les Romains avaient déduit des conséquences superstitieuses de ce fait et auguraient aussi qu’à un enfant, né dans de pareilles conditions, il devrait être réservé un avenir heureux.
Et telle était la confiance qu’on avait alors dans la vertu de ces coiffes que l’on croyait même à leur efficacité pour d’autres que pour ceux dont les avait parés la nature. On les achetait et on les portait comme des talismans ou des amulettes, au point que les avocats romains faisaient dépendre leur éloquence de cette espèce de membrane. L’engouement des premiers chrétiens sur ce sujet fut poussé à un tel point qu’un de leurs orateurs, saint Chrysostôme, dit-on, fut obligé de prêcher contre cette singulière tendance et contre cette idée qu’on ne pouvait guère rien attendre de bien de la coiffe d’un autre. On pourrait faire un rapprochement entre cette locution et cette autre : Avoir de la corde de pendu.
Voici un rondeau de Claude de Malleville (XVIIe siècle) sur l’abbé de Bois-Robert, l’un des bouffons du cardinal de Richelieu :
Coeffé (Coiffé) d’un froc bien rafiné, Et revêtu d’un doyenné Qui lui rapporte de quoi frire, Frère René devient Messire Et vit comme un déterminé, Un prélat riche et fortuné, Sous un bonnet enluminé, En est, s’il le faut, ainsi dire : Coeffé, Ce n’est pas que frère René D’aucun mérite soit orné ; Qu’il soit docte, qu’il scache écrire, Ni qu’il dise le mot pour rire ; Mais c’est seulement qu’il est né Coeffé. |
Dans le monde on dit d’un individu qui réussit dans ses affaires : qu’il est né coiffé. On peut présumer sans trop de témérité que cette expression : Etre né coiffé repose sur une croyance fort antérieure au XIIIe siècle de notre ère. Les Anglais disent d’un homme riche. He is born with a silver spoon in mouth, ce qui veut dire : Il est né avec une cuiller d’argent dans la bouche.
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