LA FRANCE PITTORESQUE
Faire amende honorable
(D’après « Encyclopédie méthodique. Jurisprudence dédiée
et présentée à Monseigneur Hue de Miromesnil,
garde des Sceaux de France » (Tome 1) paru en 1782
et « Le Courrier de Vaugelas » paru en 1870)
Publié le vendredi 10 mai 2024, par Redaction
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Avouer sa faute, en demander pardon en reconnaissant ses torts
 

Au Moyen Âge et, jusqu’en 1791, l’amende honorable était une sorte de peine infamante consistant en un aveu fait, soit au tribunal, soit sur la place publique, et à laquelle on condamnait ordinairement les coupables ayant causé un scandale public, tels que les séditieux, les sacrilèges, les faussaires, les banqueroutiers frauduleux, etc.

On distinguait deux sortes d’amendes honorables : l’une qu’on appelait amende honorable simple ou sèche, et l’autre que l’on nommait amende honorable in figuris.

L’amende honorable simple se faisait à l’audience ou à la chambre du conseil, nu-tête, et à genoux seulement, sans que le coupable fût conduit par l’exécuteur de la haute-justice, et qu’il y eût aucune autre marque d’ignominie.

Coupable faisant amende honorable. Enluminure extraite des Coutumes de Toulouse, manuscrit latin de 1296 (cote 9187) enluminé pour Pierre de Seilh, notable toulousain
Coupable faisant amende honorable. Enluminure extraite des Coutumes de Toulouse,
manuscrit latin de 1296 (cote 9187) enluminé pour Pierre de Seilh, notable toulousain

L’amende honorable in figuris est celle qui se faisait, par le coupable, à genoux, nu-tête et nu-pieds, en chemise, ayant la corde au cou, tenant en main un cierge de cire jaune, portant sur le dos un écriteau commençant par ces mots : Je demande pardon à Dieu, au roi et à la justice. Il était conduit par l’exécuteur de la haute-justice.

Le Moyen Âge avait une amende honorable d’une nature particulière : le seigneur rebelle était généralement condamné à porter sur ses épaules un chien mort, par allusion sans doute à sa fidélité éteinte.

L’amende honorable in figuris se prononçait le plus souvent avec quelque autre peine afflictive, et quelquefois on la prononçait seule. La peine de l’amende honorable se prononçait contre les femmes comme contre les hommes. Le jugement qui condamnait un criminel à faire amende honorable, devait indiquer les termes dans lesquels il fallait qu’il la fît.

Si le coupable refusait de faire cette amende honorable dans les termes prescrits, il pouvait être condamné à une peine plus sévère. Il y a plusieurs exemples de pareilles condamnations. Bardet rapporte un arrêt du 27 mai 1632, par lequel le nommé Jean Bournet, condamné pour crime de faux, à faire amende honorable et aux galères pendant neuf ans, n’ayant pas voulu proférer les paroles, fut condamné aux galères à perpétuité. Un autre arrêt du parlement d’Aix, du 15 mai 1669, convertit, pour la même raison, la peine de l’amende honorable en celle du fouet, contre un criminel condamné d’ailleurs aux galères à perpétuité.

Il n’était pas nécessaire de faire une nouvelle instruction pour condamner à une peine plus sévère le coupable qui refusait de proférer les paroles prescrites ; il suffisait, aux termes de l’article 22 du titre 25 de l’ordonnance du mois d’août 1670, de lui faire trois injonctions d’exécuter le jugement. Le commissaire dressait procès-verbal du refus, et après que le ministère public en avait eu communication, le chambre jugeait sur ses conclusions.

Si le jugement était rendu par un tribunal qui ne jugeait point en dernier ressort, il fallait qu’il fût confirmé sur l’appel ; mais dans ce cas, il n’était pas nécessaire de transférer le coupable au parlement. Observons que si l’amende honorable était prononcée comme peine principale et non comme accessoire, il était du devoir des juges de punir, conformément à la disposition de l’ordonnance, le refus de proférer les paroles prescrites.

Les trois injonctions ou sommations, que l’on vient d’évoquer, devaient être faites par le juge, et il ne suffisait pas qu’elles fussent faites par le greffier. Ces trois injonctions devaient être distinguées et écrites en trois articles séparés dans le procès-verbal ; et même si l’accusé, outre le refus, prononçait quelques paroles injurieuses, il devait en être fait mention à chaque article.

Autrefois, cette désobéissance à justice était punie très sévèrement, et quelquefois même de la peine de mort. Mais par la suite, les tribunaux furent moins rigoureux. On en a deux exemples du temps du premier président de Harlay, qui fit entendre à la grand’chambre que les condamnés étaient assez à plaindre de faire de pareilles réparations, sans qu’il fallût les punir plus sévèrement, pour avoir refusé de parler. On ne fit rien à ces criminels, et ils furent reconduits à la conciergerie.

Jacques Coeur faisant amende honorable sur la place de Poitiers en 1453
Jacques Coeur faisant amende honorable sur la place de Poitiers en 1453

Il ne faut pas confondre l’amende honorable avec la réparation d’honneur que les juges ordonnaient quelquefois envers les particuliers offensés, soit dans leurs maisons ou ailleurs, en présence d’un certain nombre de personnes choisies. Celle-ci n’était point infamante comme l’autre. Cela avait été ainsi jugé par arrêt du 5 juin 1628.

Le juriste Charles Fevret (1583-1661), se fondant sur l’avis de René Chopin (1537-1606), jurisconsulte et avocat à la Cour au parlement de Paris, et sur un arrêt du parlement de Paris du 14 août 1334, pense que le juge d’église peut condamner un clerc à l’amende honorable, pourvu qu’il fasse exécuter son jugement dans l’enceinte de son prétoire. Castel est du même sentiment, et dit que cette peine n’emporte point d’irrégularité, puisqu’il n’y a ni mutilation ni effusion de sang, et que d’ailleurs il n’y a aucune loi qui empêche le juge d’église de la prononcer.

Mais Ducasse, official lui-même, après avoir observé que les auteurs cités conviennent que cette peine ne doit être ordonnée que rarement par les juges ecclésiastiques, ajoute qu’il ne voudrait pas la prononcer, parce qu’elle imprime une tache ineffaçable à l’honneur et à la réputation, qui ne doivent pas être moins chers à un clerc que sa propre vie.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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