Lorsqu’on ne peut régler exactement un compte embrouillé, on fait réciproquement des concessions et l’on prend un moyen terme relativement à la somme qui est due. On appelle un pareil règlement une cote mal taillée, expression que l’on rencontre dans les Mémoires de Saint-Simon : « Le régent demanda son avis à Besons qui barbouilla et qui proposa une cote mal taillée. »
Voilà l’origine de cette locution proverbiale : autrefois, il était d’usage de marquer par des entailles, appelées coches, la quantité de pain et de viande que l’on achetait à crédit chez le boulanger et chez le boucher, sur un morceau de bois fendu en deux dont l’acheteur et le vendeur gardaient chacun une moitié.
Par synecdoque, on donna également le nom de coche à ce morceau de bois, comme nous l’apprend le Glossaire du centre de la France dans ces deux exemples :
Avez-vous vos journées en coche, sur la coche ? Il a une bonne coche chez le boulanger. |
Puis, avec le temps le ch se serait changé en t ou plutôt on aurait substitué cote à coche par synonymie, c’est ce qui a fait dire qu’en rapprochant les deux moitiés de la coche, on trouvait que les marques de l’une ne se rapportaient pas à celles de l’autre, que c’était une cote mal entaillée (taillée). Or, de cette façon (ce qui est le plus probable), l’erreur se trouvait partagée entre le débiteur et le créancier ; il en est résulté que, plus tard, on a dit, en parlant d’un compte arrêté dont on avait rabattu quelque chose de part et d’autre, qu’on faisait une cote mal taillée.
On rencontre dans le dictionnaire de Furetière (1727) cette phrase qui prouve que l’on employait déjà cette expression : « Dans ce procès, il y avait bien des demandes de part et d’autre, les juges ont fait une cote mal taillée. »
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