LA FRANCE PITTORESQUE
Le mieux est l’ennemi du bien
()
Publié le lundi 5 décembre 2011, par Redaction
Imprimer cet article
On s’expose à gâter une bonne chose en voulant la rendre meilleure
 

Un citoyen doit savoir respecter les choses établies, les institutions de son pays, lors même qu’elles ne sont pas en parfaite conformité avec ses idées, surtout quand elles assurent la tranquillité. Il faut encore moins s’exposer à les détruire sous prétexte de les améliorer ; c’est là une vérité de premier ordre qui n’a jamais été méconnue impunément.

De l’oubli de cette règle sont nées, dans tous les temps, les révolutions qui ont troublé l’Europe. Courir après le mieux, c’est imiter la folie des premiers habitants de l’Arcadie qui couraient après le soleil et qui, s’imaginant qu’ils l’atteindraient sur une montagne où ils le croyaient arrêté, trouvaient, en arrivant au sommet, que cet astre était aussi loin qu’auparavant. Le mieux n’est souvent qu’un fantôme trompeur toujours prompt à s’évanouir dans des espérances illusoires.

Notre inimitable La Fontaine (XVIIe siècle) nous a laissé une fable (Livre III, fable 4) dont la moralité vient à propos justifier cet article. Dans cette fable intitulée : Les Grenouilles qui demandent un roi, le poète met en scène des grenouilles qui, se lassant de vivre dans l’état démocratique, importunaient tant Jupiter par leurs clameurs que celui-ci résolut de les soumettre au pouvoir monarchique.

Il fit tomber du ciel une grosse poutre pour leur servir de roi. Cette poutre fit toutefois un tel bruit en tombant que les batraciens, toujours si timides, allèrent se cacher sous les eaux, dans les roseaux et dans les joncs sans oser regarder le visage de leur roi. Mais, ce roi qui n’était qu’un morceau de bois ne bougeait pas et cette immobilité agaçait fortement la gent marécageuse. Elle ne se contentait pas de s’approcher de lui, mais encore elle sautait sur lui sans que le soliveau remuât.

Nouvelles clameurs des grenouilles qui réclament un roi qui remue. Le roi des Dieux, impatienté, leur envoie. alors une grue qui les croque, qui les tue et en fait un grand carnage comme pour se distraire. Et les grenouilles de se plaindre ; alors Jupiter de leur dire :

Vous avez dû premièrement
Garder votre gouvernement ;
Mais ne l’ayant pas fait ; il vous devait suffire
Que votre premier roi fut débonnaire et doux.
De celui-ci contentez-vous,
De peur d’en rencontrer un pire.

Voici des vers que Voltaire (XVIIIe siècle) a composé à ce sujet :

Non, qu’on ne puisse augmenter en prudence,
En bonté d’âme, en talents, en science :
Cherchons le mieux sur ces chapitres-là ;
Partout ailleurs évitons la chimère.
Dans son état, heureux qui peut se plaire,
Vivre à sa place et garder ce qu’il a.

Sage avis pour les gens qui ne sont jamais contents de leur position et qui désirent toujours ce qu’ils n’ont pas au risque de perdre ce qu’ils possèdent.

Copyright © LA FRANCE PITTORESQUE
Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

Imprimer cet article

LA FRANCE PITTORESQUE