On a cru de tout temps que l’absence refroidissait l’amitié et pourtant l’amitié ne connaît pas de distance, puisqu’elle peut se faire sentir d’un bout du monde à l’autre. On a donc tort d’avancer qu’un sentiment doux et tranquille comme l’amitié, reçoit une atteinte de la séparation des amis et de la distance des lieux.
Selon les Hébreux, un ami présent vaut mieux qu’un frère absent. Les Grecs disaient que les amis éloignés ne sont plus des amis, ce que les Latins ont rendu par ces mots : Haud est amicus, arnicas absit, si procul, ce qui veut dire : Il n’y a pas d ami, s’il est loin, ce qui est une idée fort exagérée et contraire à l’humanité.
L’amitié, dit un proverbe grec, est aussi nécessaire que l’eau et le feu. Un auteur latin, nommé Properce (Elégie 21, livre III) a composé ce vers à ce sujet : Quantum oculis, animo tum procul ibit amor, ce qui signifie : L’amitié est loin quand elle échappe aux regards.
Montaigne, au contraire, prétend qu’on jouit moins d’un ami présent, que de celui qui est éloigné. Cela peut se comprendre ainsi. L’absence d’un ami n est pas précisément une absence, puisqu’on a la ressource de correspondre avec lui ; de plus on n’est pas exposé avec lui aux mécomptes que peut amener l’inégalité d’humeur ou le conflit des opinions et des sentiments. Ce qui a fait dire : Quelquefois on s’aime plus de loin que de près.
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